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point de vue

                    Art-thérapie et santé mentale

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  A quoi sert l'art ? Est-ce qu'il faut être « fou » pour être un artiste ? Et surtout, l'art peut-il être thérapeutique ?

 

  Nous les usagers « rebelles », nous ne voulons pas juste consommer des médicaments et des thérapies. Même si on nous dit qu'il faut être un grand professeur de médecine ou un grand psychologue, pour comprendre et expliquer toutes les subtilités de l'action thérapeutique, nous ne sommes pas satisfait. Nous voulons, avec nos propres bagages intellectuels et surtout avec notre curiosité insatiable, comprendre par nous mêmes.

Notre problématique générale pourrait être : En quoi une approche, une prise en charge ou une activité, peut être thérapeutique pour une personne ?

 

  Donc, l'art-thérapie, comme les autres psycho-thérapies (psychanalyse, T.C.C, la gestalt, l'analyse transactionnelle, etc...) nous doit des comptes.

Même si nous n'avons pas la prétention de mieux comprendre que les autres, nos souffrances psychiques exigent des réponses et des lumières.

Alors qu'en est-il pour l'art-thérapie ?

Que ce soit dans la dépression ou dans les symptômes négatifs de la psychose, on peut vite se retrouver dans des états de replis sur soi, avec une totale annihilation du désir. L'élan vital n'est plus là. Il fait place à une tristesse et à un trop plein de vide.

Alors pour retrouver du plaisir et un peu d'appétence, on peut prendre un anti-dépresseur. Mais on peut aussi faire appel aux thérapies non-médicamenteuses ! L'une d'elles, l'art-thérapie, n'engendre aucun effets indésirables. Donc pas de prise de poids, pas de sédation, etc... Au pire, elle pourra développer chez vous, une nouvelle passion !

Mais d'où vient l'art-thérapie ?

Depuis toujours, sans doute, l'être humain, en voulant s'adapter à l'évolution de son environnement, a créé des choses qui n'existaient pas avant. Avec des techniques et des savoirs-faires, il a su transformer ses frustrations et ses angoisses, dans des expressions artistiques. Une sorte de transcendance mystérieuse.

Mais revenons à notre monde contemporain. On peut dire que c'est après la Seconde Guerre mondiale, période d'effervescence du désaliénisme et essor de la psychothérapie institutionnelle, que la psychiatrie a vraiment rencontré l'art. Une minorité agissante de psychiatres, ne veut plus réduire le patient à un être maléfique qu'il faudrait redresser par la discipline et la morale. Elle voit plutôt le malade comme un porteur de traumas, qui doit dépasser ses failles et les conflits de son développement. Même le plus psychotique des psychotiques, a quelque chose à dire et peut être pris en charge par la parole.

  Puis dans les années 90, avec l'offensive contre la psychanalyse, les nouvelles psychothérapies ont le vent en poupe. L'art-thérapie avec son côté « new age », rentre de plus en plus dans les établissements psychiatriques.

Aujourd'hui, de plus en plus d'acteurs de la santé mentale, pensent que l'art-thérapie à toute sa place dans l'arsenal des différentes psycho-thérapies.

 

  Mais revenons aux mécanismes vertueux de l'art-thérapie.

L'art n'est pas juste une expression singulière. Elle obéit aussi aux lois de l'harmonie. Par exemple, en musique, si je réussis (avec l'aide d'un professionnel) à jouer des accords, cela engendre un effet esthétique, agréable et voluptueux. Cela me donne envie de continuer. Donc le désir est amorcé. Et avec des encouragements et de la technique, je peux arrêter de m'obséder sur des choses négatives. Ainsi, je peux rompre la spirale : « Je ne vais pas bien donc je ne fais rien, comme je ne fais rien, je vais encore plus mal. »

  Et même si toutes les personnes qui s'exercent à l'art-thérapie, ne vont pas devenir des artistes, on constate que rentrer dans un art, c'est un véritable exécutoire.

L'autre grand intérêt de l'art-thérapie, c'est qu'elle excelle dans l'analyse du psychisme de la personne. En effet, elle ajoute à la prise en charge de la parole (comme notamment la psychanalyse), la considération pour l'expression artistique. En plus de mettre des mots sur les maux, elle met des images, des sons, des gestes sur les troubles. Et cela peut aussi être un accès à l'inconscient et tout ses refoulements, parfois bien supérieur que la simple analyse du langage. Par exemple, faire des dessins, ce n'est pas réservé aux enfants, qui seraient trop jeunes pour verbaliser. Non, l'expression artistique, notamment les arts plastiques, montrent des choses que la simple parole n'exprimera jamais. D'ailleurs, le transfert, c'est-à-dire toutes les projections inconscientes que l'on projette sur le thérapeute, prend des chemins différents, puisqu'il quitte les références et les codes langagiers. Ainsi, sortir de soi, se laisser aller à une autre connaissance de soi, permet, grâce au média artistique, de s'attaquer différemment à l'inconscient, part la dimension qui ne peut pas être verbalisée.

 

  En outre, l'art-thérapie permet de (re)trouver confiance et estime de soi. Si j'ai réussi à réaliser une œuvre, c'est que je ne suis pas si nul que ça.

Grâce à la bienveillance et à la technicité de l'art-thérapeute, je suis guidé vers l'assonance, ce qui me procure une satisfaction existentielle. Ma créativité et son résultat, prouvent mon existence. S'il est accompagné d'une reconnaissance sociale (du professionnel, des autres participants, des amis, de la famille) il devient thérapeutique. En effet, un des gros travaux de l'art-thérapeute, c'est de convaincre et de persuader la personne, qu'elle est capable, avec de l'aide, de réaliser quelque chose qui a de la valeur. En effet, en art-thérapie, le but n'est pas de créer quelque chose d'extraordinaire ou de recevable, mais de créer quelque chose qui vient de soi. Pas besoin de « bien savoir faire » ou de maîtriser des techniques compliquées.

En effet, l'art n'est pas réservé à une élite. Nous avons tous besoin de nous exprimer. Et le travail du thérapeute, quelle que soit la qualité de la production, c'est de reconnaître la singularité de l'expression, pour s'en servir comme outil thérapeutique.

 

  Même si l'art-thérapie n'est pas suffisante pour juguler une « maladie psychique », elle concourt, avec d'autres prises en charge, à modifier la perception de soi, en re-narcissant sa personne.

Tout le monde n'est pas sensible à l'art. Par exemple, certains sublimeront leur souffrance par le sport. A chacun de trouver l'activité qui soit un dépassement de ses troubles.

Mais pour vous convaincre de tout l'intérêt de l'art-thérapie, les mots ne suffissent pas, il faut vraiment vivre l'expérience artistique.

En-tout-cas, ce qui est certain, c'est qu'il vaut mieux « fricoter » avec l'art que de se bourrer de benzodiazépines.

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                                                 Jean Plaque

    Le 14/10/2024

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                                                 Addiction et société

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  Que ce soit un produit ou que ce soit un comportement, l'addiction est toujours un asservissement. D'ailleurs, étymologiquement, addictions vent dire esclave.

  Mais n'oublions pas que le pire, dans l'addiction, c'est la souffrance psychique qu'elle engendre. Douleur d'être en manque, douleur de ne plus pouvoir s'investir dans la vie sociale et douleur tout court, c'est-à-dire dévastation de sa santé physique (cirrhoses, troubles cardiovasculaires, cancers, etc...)

 

  Au-delà des vulnérabilités individuelles, des tempéraments et de l'histoire personnelle, les addictions nous parlent aussi de notre société. Son organisation, ses valeurs font que pour s'intégrer à elle, il faut payer un prix. C'est-à-dire qu'il faut s'approprier un certain sens du jeu, qui est basé sur des luttes de domination.

  Mais dans cette société, c'est surtout les conditions de travail et les exigences économiques, qui risquent de faire chuter la personne dans des addictions mortifères.

  En effet, l'économie de marché, de plus en plus dérégulée, pousse l'individu-en fait, le travailleur- à devoir, toujours plus, atteindre des objectifs illimités. Clairement, le retour du libéralisme économique et l'avènement des nouvelles technologies (l'informatique, le numérique, internet, etc...) ont construit une société, qui célèbre en permanence le culte de la performance.

  L'exaltation pour la compétition sportive, l'idéologie de la réussite individuelle, l'économie précaire, les réseaux sociaux et ses jugements permanents (combien ai-je de likes et de followers) ont facilité l'apparition d'un monde qui se voile la face, car il exige des résultats, humainement inatteignables. Pourtant, tout le monde joue le jeu des objectifs, dans une mascarade généralisée.

  Et surtout, puisqu'il est impossible de réaliser des prouesses, perpétuellement, beaucoup de travailleurs ont recours à des produits, non pas pour planer, mais pour se doper. Ainsi comme l'a montré Jean-Pierre Couteron, sociologue, la société est de plus en plus addictogène, dans le sens que faute d'intégration et de contenants collectifs, les personnes sont de plus en plus addicts.

  La fatigabilité semble avoir envahi nos vies. Que ce soit pour tenir dans le travail à la chaîne, assurer ses RDV commerciaux, ou encore pour rester éveillé devant ses élèves, partout le travail demande d'être stimulé.

  Dès lors, la consommation d'excitants augmente. Que ce soit la sur-consommation de café, du sucre, le recours à l'alcoolisation, ou plus grave, l'utilisation de la cocaïne.

  Bien sûr, il ne faut pas être caricatural et misérabiliste. Heureusement, encore beaucoup de gens sont heureux dans leur travail. Ils sont dynamiques sans prendre de produits dopants.

  Mais si on inclut les psychotropes légaux, comme les antidépresseurs et les anxiolythiques, alors on constate que l'addiction à toute sorte de produits, devient le modèle dominant.

  Bien sûr, il faut relativiser. Il est moins grave de consommer trop de barres chocolatés que de prendre de la cocaïne. Heureusement que nos petites addictions ne débouchent pas sur une « maladie » ou sur la perturbation importante de notre vie professionnelle et sociale.

  Il n'empêche, l'addiction pour tenir, pour garder son poste, pour obtenir des résultats, est le non-dit de notre mode de production capitaliste.

  Par exemple, l'alcool, qui existe depuis très longtemps dans notre culture, dans nos us et coutumes, est de moins en moins une communion festive, ritualisé et de plus en plus une consommation solitaire.

 

  Tous ces propos veulent défendre une thèse : l'addiction est aussi un problème politique.

  En effet, nous ne sommes pas qu'une agrégation d'individus, libres, autonomes qui font des choix rationnels et où chacun est récompensé par son mérite.

  Non, une société vit en nous. Et elle est façonnée par un modèle économique.  L'accumulation de capital, ou le capital va au capital, fait que les êtres humains sont aussi des marchandises (même s'ils appellent ça ressources humaines). Dès lors, ils doivent être rentables.

  Dans une guerre de chacun contre tous, on prend des stimulants pour tenir et des calmants pour dormir.

  Même si la singularité de chaque être humain, ne fait pas de nous de simples supports de structures, on peut analyser les phénomènes addictifs, comme le triomphe d'un individualisme exacerbé, où l'homme se sent tellement seul, livré à un destin factice et désenchanté.

  Alors oui, les drogues peuvent aussi être un refuge à tant de vacuité.

 

  La consommation des diverses addictions a-t-elle augmentée ?

  On peut spéculer que oui, même si les statistiques manquent sur le sujet.

  En tout cas, il faut faire le lien entre addictions et « l'être social ».

  Sans vouloir une société parfaite, chimérique, la lutte contre les addictions ne doit pas être l'apanage de la psychiatrie et de l'addictologie. Elle doit aussi poser la question sociale et la lutte pour l'émancipation collective.

                          

                                            Erwan

                                                                                      

 

                  

                          

                                     

 

 

 

                                         

                                                  

  

                                                                   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                               

 

 

 

 

 

 

    

 

 

 

 

 

             

                

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

             

                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                        

 

                         Intégration, lien social et troubles mentaux

 

 

 

   Quel rapport entre la société et les troubles mentaux ?

Peut on avoir une explication sociale des troubles mentaux, de quelque chose qui paraît si intime, si individuel ?

 

  Le premier qui osa donner une réponse scientifique, est Emile Durkheim, un des pères fondateurs de la sociologie. Pour lui, le suicide n'est pas qu'un problème personnel et psychique. En effectuant un travail dantesque de collectes statistiques, il démontre que le suicide a aussi une explication sociale. Pour faire vite, elle est aussi liée à l'intégration et à la régulation. Une personne avec trop peu de lien social (ou inversement avec trop de lien social) aura plus de risque de se suicider (suicide égoîste et suicide altruiste). Une personne ayant un désir illimité, pas assez régulé (ou inversement) aura plus de risque de se suicider (suicide anomique et suicide et fataliste).

 

  Peut on donner une explication sociale à d'autres troubles mentaux que le suicide ?

Sans faire de grandes théories, on peut dire que le social est imbriqué dans les troubles mentaux.

Tout d'abord on constate que les troubles mentaux sont absents, évoluent, disparaissent selon les sociétés et les époques. Les cas les plus connus sont l'homosexualité et l'hystérie. Ces deux cas sont sortis des nosographies psychiatriques. Aujourd'hui dans la plupart des pays, l'homosexualité n'est plus considérée comme une maladie mais comme une orientation sexuelle. Quant au comportement dit autrefois « hystérique » il est aujourd'hui vu comme une affirmation de la femme.

Qu'est ce qui a changé ?

Le regard de la société.

Pourquoi a-t-il changé ?

Il a changé grâce aux mouvements sociaux d'émancipation. Les mouvements féministes et « LGBT » (lesbien, gay, bisexuel, transexuel) ont permis un autre classement des comportements, une nouvelle définition du normal et du pathologique.

En outre, il semble évident que les troubles dépressifs et anxieux ont des origines sociales.

Le chômage, la précarité, la solitude, le célibat, engendrent mécaniquement une souffrance qui, à cet égard, n'a rien a voir avec une psychopathologie ou une organogénèse.

 

  D'ailleurs existe t-il des sociétés sans troubles mentaux ?

On sait, grâce à l'OMS, que par exemple, en Inde, jusqu'à récemment, il n'y avait pas de cas de schizophrénie.La question culturelle se pose ? Nous n'avons pas la prétention de répondre à cette question. Cependant, en observant les situations sociales des personnes dîtes « malades »on peut envisager quelques régularités.

Ce qui est récurrent, c'est que le trouble mental isole les personnes qui en sont atteintes. Avant « la maladie » beaucoup n'avaient pas trop de problème de lien social (sous-jacent ?)

Mais le trouble mental exclut.

Même votre meilleur ami, si vous lui parlez ouvertement de votre trouble, il vous tournera le dos.

Je ne rentrerais pas dans le débat, à savoir si la schizophrènie, dans son essence, avec les symptômes négatifs, notament le repli sur soi, est la cause de l'exclusion.

D'ailleurs n'est- il pas « normal », vu l'absurdité de notre monde, de tourner le dos à ce monde ?

 

  Mais prenons actes. Les troubles mentaux excluent et c'est souvent une souffrance.

Dès lors, quels sont les enjeux de toutes ces exclusions sociales ?

Que peut on faire ?

En retrouvant une vie sociale n'étont plus « malade » ?

La première réponse serait que le retour à une vie sociale créerait une force, qui aménerait, par étape,

à une autonomie sociale et une intégration. La fréquentation de centres, d'associations, améneraient petit à petit à une « reliance » (le retour du lien social) , qui par un cercle vertueux (j'ai des relations sociales donc je vais mieux, donc j'ai plus de relations sociales donc etc...) ferait sortir des troubles mentaux. L'idéal serait que la personne, en retrouvant une force sociale, n'aurait plus besoin des dispositifs et « voguerait de leurs propres ailes ».

Est ce si simple ?

En effet, dans la pratique, on voit des personnes qui ne peuvent pas se passer des structures sociales.

Il ne peuvent pas faire les démarches sociales pour créer leur propres relations amicales. Ils ne vont pas sympathiser, appeler, inviter. Dès lors les structures sociales leur sont indispensables pour « juste » pouvoir parler à des gens.

En tous cas ce qui est sûr, c'est qu'après une grosse décompensation, une hospitalisation longue, le temps ne s'est pas arrêté pour les autres. Vos relations sociales (à part peut-être la famille et les quelques amis très proches) ne vous ont pas attendus. Et comme vous n'avez pas (à cause d'une hospitalisation trop longue) entretenus vos relations sociales, à la sortie, vous n'en avez presque plus. Et si on a réussi à vous rétablir, au niveau bio-chimique, il vous faut aussi vous rétablir « socialement ». C'est là le rôle de tous les dispositifs de « reliance »

 

  Mais l'intégration sociale est un problème pour tout le monde.

En effet la solitude et le célibat gangrènent nos sociétés modernes.

Mais cela ne tombe pas du ciel.

Elle est le fruit d'une construction social. Il nous faut donc parler des solidarités. Et donc des dispositifs sociaux et politiques. Après la deuxième guerre mondiale, le conseil national de la résistance a engendré tout un processus de création de solidarités socialisées, ne reposant pas sur le bon vouloir, la charité ou l'aumône. Grâce aux cotisations et aux prestations, ceux qui ont un emploi seront solidaires des chômeurs, les biens portants seront solidaires des malades, les actifs seront solidaires des retraîtés etc...

Toutes ces sources immenses d'inquétude (la maladie, le chômage etc...) sont vaincus par nos solidarités actives.

 

  Mais quels rapports me direz vous, avec la schizophrénie, la bipolarité ect...Et bien que l'affaiblissement de nos solidarités engendrent l'individualisme. Or la plupart des troubles psychiques sont des maladies de l'individu. D'ailleurs, les sociétés primitives, « communistes », sans classes sociales, ne connaissaient (et aussi les quelque sociétés primitives qui restent) quasiment pas de troubles psychiques. Dans ces sociétés on été pas des individus mais une tribu. Comme il n'y avait quasiment pas d'activités économiques(on se contentait de chasser, de cueillir, de pêcher) il n'y avait pas de différenciation sociale, et on était juste un membre de la tribu comme un autre. Qui dit pas d'individu dit beaucoup moins de stress. En effet, alors que dans les sociétés primitives, les aléas de la vie, les échecs, les problèmes sont attribués à la collectivité dans son ensemble, dans le monde moderne tout repose sur l'individu, les réussites et les échecs. Cela génère beaucoup de stress. Or le stress, nous dit les neurosciences, est un des facteurs essentiels, dans le déclenchement des troubles mentaux.

 

  Qu'est ce qui permettrait moins d'individualisme ? Et pour ce qui nous intéresse ici, qu'est ce qui permetterait, au niveau social, d'atténuer la souffrance mentale ?

Eh bien peut-être de ne pas laisser la personne, jamais, livrée à elle-même, et de lui assurer une véritable prise en charge globale. Mais attention cela ne doit pas être une obligation. Sinon cela s'apparentrerait à du contrôle social et de toute façon cela ne marcherait pas.

Non, il faut juste donner la possibilité à tous, de recevoir les outils permettant d'exister. Et cela dans tous les domaines. Pas juste la seule prise en charge médicamenteuse.

Tout d'abord, bien sûr le travail.Pas forcément du travail salarié, mais une activité qui ne soit pas que des loisirs. L'utilité, la réalisation de choses, permettent d'aller mieux.

Ensuite une prise en charge psy, qui quelle que soit son obédiance, permette au patient d'être écouté, et surtout pas de façon éphémère (au minimum 20 min).

Enfin, la possibilité d'intégrer des dispositifs d'intégration sociale, où la personne va pouvoir rencontrer d'autres personnes, créer des liens et surtout avoir la garantie que la structure sociale est permanente et qu'elle pourra toujours compter sur elle. Dans ces structures il faut éliminer toute la contrainte des convenances sociales qui lui barre la route dans les structures classiques. Par exemple, si vous êtes dans une structure classique(club, association,ect...) et que vous êtes absent longtemps, a votre retour, vous aurez à vous justifier et personne ne fera d'effort pour que vous raccrochez au groupe. En revanche, dans une structure spécialisée (pouvant recevoir des personnes en troubles psychiques), personne ne vous demandera de comptes et l'association essaiera toujours d'intégrer le plus grand nombre, sans critères sociaux (être ceci, être cela). Cela ne veut pas dire que c'est aisé et que cela ne pose pas des questions d'adéquations sociales et culturelles.

 

  Mais attention, il ne faudrait pas adopter un point de vue trop holiste (c'est la société qui fait les undividus).

On peut être « malade », faire une décompensation, en ayant une vie sociale correcte.

 

  Pour conclure, il faut rappeler que les troubles mentaux ne sont pas qu'une affaire de cerveau.

C'est aussi tout un jeu de relations sociales, où une fragilité, a exacerbé la difficulté à l'autre (que tout le monde ressent) à fait sortir les personnes des sillons sociaux, à produit des fixations, et à créer une sensibilité morbide. Un gros changement de vie, des blessures psychiques qui traînent, la frustration sociale, peuvent rendre fous.

Même si les troubles mentaux ont toujours existés (sauf peut-être dans les sociétés primitives ? ) elle interroge grandement notre modernité et l'affaiblissement de nos solidarités.

 

                                                                    Jean Plaque

                                       Point de vue sur l'histoire local

                                                         le livre : « regards sur un établissement »

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  Il existe beaucoup de livres sur l'histoire de la psychiatrie et ses dispositifs. Mais généralement, l'histoire est nationale. Dans ce livre, les auteurs centrent leurs propos sur l'établissement psy de Rennes, de l'aumônerie de Saint-Méen au Centre hospitalier Guillaume-Régnier, de 1627 à 1997. C'est un ouvrage collectif où 6 auteurs interviennent chacun sur un thème (la vie religieuse, l'évolution architecturale et patrimoniale, la vie médicale à l'hôpital psychiatrique de Rennes, les personnels, la vie économique, De la mort à la vie. Les changements de motivation de l'hospice à l'hôpital).

  S'interesser à l'histoire d'un établissement psy, ce n'est pas seulement connaître des choses du passé, mais c'est aussi éclairer le présent sur les luttes de domination qui prennent racines dans l'histoire.

En effet, ce livre montre les conflits (entre les différentes catégories de personnels, avec l'administration, etc...) et surtout l'évolution des pratiques via l'évolution de la vision des troubles psychiques. A chaque époque son paradigme, a chaque époque ses enjeux sociaux et économiques.

  A travers l'ouvrage, on voit bien que l'hôpital s'est amélioré grâce à la combativité et à l'imagination de certains soignants. Ils étaient convaincus qu'en apportant un traitement humaniste aux malades, on pouvait améliorer de façon beaucoup plus forte, leur santé mentale. Et même si ça coûte plus cher en moyens, finalement pour la collectivité, puisque les malades se stabilisent et se réinsèrent, le coût est bien moindre.

Ce livre est disponible au CSTC du Centre Hospitalier Guillaume-Régnier

 

 

 

 

                                                 

                      La psychose est la difficulté du rapport à l'autre

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  Dans notre monde moderne, avec son extrême division du travail, la multiplicité et la volatilité des statuts, la complexité grandissante de toutes les choses, il est de plus en plus difficile de s'ajuster aux autres.

 

   Et encore plus pour les personnes psychotiques.

La psychose n'est pas qu'un problème de chimie dans le cerveau ou de la vie psychique.

Elle est aussi la défaillance de la régulation relationnelle.

Tout le monde peut ressentir de la frustation et de la déception dans sa vie relationnelle. Pour autant, la plupart des personnes se fraient un chemin dans l'imbroglio des relations humaines, en pesant sa propre responsabilité et la responsabilité des autres. Mais quand l'égocentrisme d'une personne est trop fort, soit qu'elle prend trop en considération l'autre, ou au contraire elle ne prend pas assez en considération l'autre, la vie sociale devient pathologique. Le psychotique est soit trop proche et trop exigeant vis à vis de l'autre et de lui même, soit au contraire trop distant et sans attentes. Et cela peut engendrer bon nombre d'exclusion sociale et de solitude. Et surtout une grande souffrance. En effet, imaginez un peu. Pour une personne psychotique, chaque mot, chaque attitude, chaque mimique peuvent être interprêté comme un danger, une menace. Qu'ils viennent de soi ou des autres. On peut le ressentir comme une agression ou alors comme une faute, une erreur que l'on arrive pas à relativiser. Et du coup, le rapport à l'autre demande beaucoup d'efforts. Le psychotique, dans la communication, voit « en grand » tous les détails (les imperfections, les aspérités, les petits malaises) que les autres ne voient pas. Il « psychote » sur ses relations humaines : paranoïa, culpabilité, projections, etc. Ou au contraire, il est insensible aux sollicitations des autres. Il s'enferme dans une distance de façon « autistique ».

Paradoxalement, il peut arriver que le psychotique s'affranchisse des restrictions relationnelles. Par exemple dans un accès maniaque (exaltation), la personne peut se sentir très à l'aise et réussir à parler avec tout le monde. Même si un tel comportement est valorisé dans notre société ("ah ! il a trop la tchache", "Quelle grande gueule !") il renvoit aussi au rapport à l'autre. Surtout qu'une telle performance relationnelle est souvent éphèmère et artificielle.

 

   Mais cette différence dans le rapport à l'autre peut aussi être une richesse. Elle peut permettre l'invention, la réflexion, des découvertes etc...

Encore faut-il que les proches, les soignants, les travailleurs sociaux « voient de l'or dans des pierres socialement éteintes »

 

   Mais quel est le lien entre la difficulté du rapport à l'autre et les délires ?

Je n'ai pas la prétention d'y répondre.

On peut juste dire, peut-être, que la non concordance avec les autres peut engendrer un repli sur sa propre vie psychique. Peut-être qu'à force d'être « trop sur soi », on laisse aller des désirs et des convictions « dissociés ».

Mais le lien entre les deux reste encore un mystère.

 

   Mais on doit aussi se demander comment la société traite les psychotiques et leur sociabilité déréglée .

Dans une société atomisée et individualisée comme la nôtre, il faut beaucoup d'efforts et d'ingéniosité pour s'adapter aux autres. Cela devient dailleurs carrément mission impossible pour les personnes les plus psychotiques. En effet, le rapport à l'autre est devenu une compétition. Il faut « glisser » entre les différentes sociabilités des gens pour se faire le maximum de capital social. Et donc réussir. Mais ces performances sociales cachent un non-dit, une « socialité », c'est à dire une capacité de faire un "bon commerce" symbolique avec les autres. Elles diffèrent selon les catégories sociales, mais en règle général, il ne faut pas montrer ses sentiments, il faut se présenter de façon positive, avoir un humour ironique et élégant et toujours, bien sûr, savoir se contenir.

Dès lors, de nombreuses personnes, dont les psychotiques, n'ont pas l'adresse sociale pour bâtir leur réseau social. Rappelons que pour certains, rien que d' avoir 2 ou 3 relations, c'est déjà très dur.

Il faut donc, pour les nombreuses personnes peu habiles socialement, des lieux de sociabilité différents, plus ouverts, avec moins de normes et de codes précis, et surtout avec plus de temps pour engendrer des relations amicales.

 

                                                                             Jean Plaque

 

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