INFO PSY RENNES
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Assemblée Générale du GEM-L'antre 2
Vendredi 14 Juin 2024 :
Un vent nouveau
co-présidents du Gem-L'antre2
Depuis 2005, partout en France, ont fleuri des Groupes d'Entraide Mutuelle.
Ainsi, grâce a ces associations d'un nouveau genre, de plus en plus de personnes affectées par des troubles psychiques (fragilités psychiques), ont pu sortir de leur isolement et retrouver une vie sociale.
Mais le but des Gem n'est pas seulement de trouver des occupations à ses membres, il s'agit aussi qu'ils et elles deviennent actifs dans leurs structures. Même si très souvent, des animateurs salariés sont là pour assurer la pérennité de l'organisation, l'idée, c'est que les membres de l'association doivent s'occuper eux-mêmes de leurs affaires. Cette disposition, cet ancrage dans une démocratie assez directe, ne va pas de soi. En effet, les relations entre les membres, les responsables et les salariés peuvent générer des symbioses, mais aussi des tensions. Nul n'a la recette magique pour que tout soit en harmonie. C'est la pratique qui fait cheminer vers des trouvailles, des petites solutions d'une réalité toujours changeante. Et même si l'affaire n'est jamais gagnée (il faut relancer sans cesse les forces actives), le GEM L'Antre 2 reste un formidable outil pour servir les intérêts des personnes qui ont décrochées dans l'intégration sociale. Ils et elles s'organisent pour lutter contre la précarité du lien.
Mais il faut sans cesse interroger ce modèle, pour redéfinir, qui fait quoi, quels sont les rôles de chacun, comment circule l'information. Et comme toute aventure humaine, le GEM L'Antre-2, a son histoire et sa singularité.
Au tout début, il y a 20 ans, le collectif, qui s'inventait lui-même, était bouillonnant. Les envies et les propositions alimentaient une association naissante qui se cherchait. Tout le monde participait à tout et cela allez dans tous les sens.
Mais avec le temps, comme pour toute organisation, les choses se sont structurées. Cela a abouti à une organisation a deux instances : d'abord les commissions, ouvertes à tous les adhérents, elle mettent en place les activités. Ensuite le collège des co-présidents, constitué de membres élus pour deux ans, qui coordonnent l'association, en privilégiant toujours la participation du maximum de membres. Cependant, les acteurs de l'Antre-2 peuvent s'appuyer sur une équipe de salariés, c'est-à-dire de deux animateurs et d'un coordinateur.
Et même si beaucoup de personnes croient au projet et s'investissent beaucoup, la gouvernance reste un jeu délicat, fait d'équilibre entre pouvoirs et affects.
Pour relever tous ces défis et après le départ de deux animatrices, un petit groupe de membres s'est constitué, pour rallumer la flamme du désir de collectif et la soif de s'auto-déterminer. Ils ont décidé de se présenter, de manière collective, aux élections de leur association. Mais leur but, n'est pas simplement de prendre le pouvoir. Non, leur démarche repose sur des projets clairs et précis :
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Rajeunir et féminiser les effectifs des membres.
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Développer des partenariats sur le territoire de Rennes Métropole
afin que L'Antre-2 soit davantage une passerelle vers l'extérieur.
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Faire en sorte que la réhabilitation sociale ait plus d'effet chez nous.
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Remettre à plat l'autodétermination des adhérents
Pour réaliser tout ça, les acteurs veulent améliorer la communication de l'organisation, passer des conventions avec d'autres structures, valoriser l'engagement bénévole et réviser les statuts.
Surtout, ce qui anime le groupe, c'est de relancer l'investissement des membres, pour que les choix effectués dans l'association, correspondent aux besoins et aux envies des associés.
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La richesse d'une association, c'est sa capacité à se renouveler, à se remettre en cause, pour trouver un nouvel élan. En retrouvant son sens originel, elle doit s'adapter aux nouvelles donnes, sans perdre son âme.
La force de l'Antre-2, c'est à la fois sa souplesse et sa continuité. Si je traverse un moment difficile, ou je me sens isolé, seul, je sais que je peux toujours compter sur l'association, pour voir du monde. Je peux aussi la quitté un moment, pour y revenir, sans qu'on me demande de me justifier. Les animateurs salariés sont là pour garantir une coordination, mais surtout pour assurer une meilleure communication entre les membres et pour que tout le monde trouve sa place dans l'association.
Cette nouvelle équipe de co-présidents et les nouveaux animateurs-salariés, se lancent dans une nouvelle expérience humaine, qui nous l'espérons tous, saura nourrir le collectif, pour que l'association se développe.
Donc souhaitons bon vent au GEM L'Antre-2 !
Activité physique et santé mentale :
suite de la SISM 2024, ateliers et conférences du 7 mai 2024
Bougez-vous ! Sortez ! Faites du sport !
L'injonction à se mettre en mouvement est partout dans la société. Que ce soient les médias, les autorités sanitaires, les grandes associations de promotion de la santé, il semble que l'activité physique soit devenue l'alpha et l'oméga pour être en bonne santé.
Mais un petit retour historique est nécessaire pour bien saisir la nouvelle donne de l'activité physique. Alors qu'auparavant, sous l'ancien régime, où 95% de la population était paysanne, l'activité physique était « encastrée » dans la vie sociale et professionnelle. A cette époque, on ne séparait pas les périodes d'actions corporelles et les moments d'actions intellectuelles. L'activité physique était inhérente à la vie paysanne. L'effort physique était partout, dans le travail des champs, dans le soin apporté aux animaux, dans l'entretien des partis communes, jusque dans les rites religieux (de longues marches).
Mais un jour (ou plutôt lors d'une longue période de bouleversements)la révolution industrielle est passé par là. De plus en plus de travailleurs, sont devenus des salariés et dans ces nouvelles entités productives appelées entreprises et dans ces nouvelles ruralités appelées exploitations agricoles, le travail se rationalise et se mécanise.
En outre, la production économique et la vie domestique se séparent. Dès lors, il existe des temps bien définis où le travailleur travaille et où le travailleur se repose ou en tout cas où il cesse l'effort physique.
Mais surtout, l'économie se « tertiarise » et se « secondarise ». Le nombre de personnes travaillant dans les bureaux explosent. Dès lors, de plus en plus de travailleurs restent, toute la journée, devant un bureau ou devant une machine. Alors qu'auparavant, on ne réfléchissait pas au mouvement du corps, puisqu'il était consubstantiel à toutes les activités (travail au champ, longue marche pour aller vendre le bétail dans une foire, etc...), une nouvelle question sociale apparaît : celle de l'hygiène des corps et de l'entretien de sa santé.
Et d'ailleurs, c'est un peu dans ces mêmes périodes, historiquement, qu'émerge une activité étrange : le sport.
Le mouvement n'est plus lié, uniquement, à des fonctions du travail, mais il devient une entité séparée, avec des règles précises, et surtout, sans rapport avec l'activité économique. En fait, on commence à faire de l'activité physique pour de l'activité physique.
Mais quel rapport avec la santé mentale ?
Et bien cette question, nous nous la sommes posée le 7 mai, lors de conférences et ateliers, à la maison départementale du sport. L'événement fut organisé par la semaine d'information sur la santé mentale (SISM), dans le cadre des futurs Etats généraux de la santé mentale de Rennes (EGSMR), qui aura lieu en Novembre 2024.
Grâce à l'intervention de spécialistes de l'activité physique, d'associatifs et d'éducateurs sportifs, nous avons cherché à décortiquer ce qui fait l'engagement dans l'activité physique. Notamment, nous avons eu la chance de profiter de l'intervention de l'association « Breizh insertion sport ». Cette dernière, qui ne s'occupe pas exclusivement des troubles psychiques, a quand même beaucoup de choses à nous dire sur les moyens de retrouver une activité physique, pour les personnes isolées et « désaffiliées ». Pour résumer, il semble qu'une fois que la personne est prise dans une dynamique sportive, une spirale positive, elle va par elle-même s'engager. Cela va lui procurer du plaisir et si elle est respectée dans son intégrité physique et morale, c'est elle qui va demander, c'est elle qui va avoir besoin de cette activité sportive. Egalement, l'association, qui défend tous les projets sociaux, nous rappelle que le sport fait partie de nos rites sociaux modernes. Face à un isolement toujours plus fort, et même à des situations de détresse affective, le sport reste encore un des meilleurs moyens pour rencontrer des gens et donc de partager des activités. Dès lors, il semble très louable que les différents financeurs publics, investissent dans ces « aventures humaines » que sont les activités sportives. Une personne qui se découvre une passion sportive, c'est moins de médicaments psychotropes, moins de drogues, moins de frais de santé !
Pour ce sujet, une des problématiques qui semble émerger, c'est : pour une plus grande participation des personnes en troubles psychique dans des activités physiques, comment faire travailler, en symbiose, le monde psy (sanitaire et médico-social) et le monde du sport ?
L'activité physique est aussi une activité sociale
En effet, elle n'est pas juste un mouvement physique, elle est aussi un mouvement social. Les personnes en troubles psychiques, nous éclairent sur « l'effort social » nécessaire à la mise en mouvement.
Par exemple, les cardiologues nous recommandent de marcher au moins 30 min par jour. Si j'ai une vie sociale riche, en tous cas active, cela n'est pas un problème. En revanche, d'autres personnes, qui souffrent d'apragmatisme ou de dépressions, sont tombées dans un désert social et affectif. Perdus, hors du travail, des vacances et de toutes les temporalités normales, ils errent entre devoir social et démission. L'activité physique est le dernier de leur souci.
Dès lors, faut-il renoncer au mouvement pour les personnes les plus fragilisées ?
Et bien, contre ce fatalisme, de nombreux professionnels relèvent le défis. Ils ont même inventé une nouvelle discipline : l'activité physique adaptée
Dans le cadre des études de STAPS, une nouvelle filière est même apparue : licence, master et doctorat APA santé. Aménager les choses, pour qu'une personne en situation de handicap puisse avoir accès aux activités physiques et au sport.
Pour ce qui nous concerne, le handicap psychique, le travail peut se jouer sur des questions de motivation et d'hyper réactivité émotionnelle. Le rapport au professionnel est très important. Plus que pour les autres handicaps, il faut s'adapter aux différentes interprétations possibles et faire preuve de réassurance. Comme l'éducateur sportif n'est pas un expert des troubles psychiques, il faut qu'il travaille en bonne intelligence avec le sanitaire et le médico-social. Ce n'est pas stigmatiser la personne que de se soucier de ses difficultés, qu'elles soient psychotiques, de l'humeur ou bien anxieux.
A écouter les intervenants dans les ateliers, il semble que tout l'art de l'APA pour les personnes en troubles psychiques, c'est de stimuler sans infantiliser. Activer le désir pour l'activité physique quand c'est opportun, accepter la vacance, la non-mobilisation quand l'individu n'est pas disposé.
Et puis bien sûr, c'est la grande loi en santé mentale, le professionnel doit réussir à créer une relation de confiance avec la personne. Avec comme arme principale, pour ces travailleurs de la relation : une réelle attention.
Alors, oui, sans activité physique, nous ne sommes pas en bonne santé. Comme rester chez soi, sans aucune occupation, dans l'oisiveté, cela engendre des troubles anxieux-dépressifs. Mais l'injonction à être toujours en mouvement, toujours actifs, toujours joignables (téléphone portable, réseaux sociaux) est-ce vraiment si positif pour notre santé mentale ? Le culte de la réussite et de la performance individuelle, couplés par des technologies toujours plus invasives, n'est elle pas en train de transformer l'homme en un être perpétuellement frustré, aux désirs sans bornes et finalement dépossédé de toute sécurité sociale et affective ?
Semaine d'information sur la santé mentale
du 16 mars au 29 mars 2024 à Rennes
« En mouvement pour notre santé mentale »
Comment ça va ?
C'est l'expression courante, de politesse, quand on salut une personne.
C'est aussi la question centrale en santé mentale. En effet, le but de toutes les approches psy, c'est l'accès au bien-être.
Et pour aller bien faut-il être toujours en mouvement ? La contemplation est-elle négative ? Dans une société obsédée par la performance, il ne faudrait jamais s'arrêter, être joignable tout le temps (téléphone portable, réseaux sociaux) pour tenir le plus longtemps.
Mais cette question ne s'applique pas qu'aux individus, cela peut aussi concerner toutes les structures. Ces regroupements de personnes humaines n'ont certes pas un psychisme, mais ils sont traversés par des forces qui peuvent aboutir à un certain état, ou les membres, les agents, seront plus ou moins heureux ou malheureux. Dans une structure, on tisse des liens, on se confronte, on vit ensemble et notre fonctionnement produit des satisfactions ou des tensions.
Alors comment va le collectif de la SISM Rennais ?
Et bien, on peut dire qu'il a réussi à se renouveler. Face à un petit essoufflement dans l'implication des structures historiques, le collectif a su rebondir, grâce à l'aller vers. Cela a permis l'émergence de nouvelles associations. Elles ont réussi rapidement, à trouver leurs marques. Et se sont lancées à fond dans le collectif et ont entrepris l'organisation de moult événements.
Peut-être que la plus grande innovation, fût le travail de l'association Rebond 35.
En effet, la SISM de Rennes ne veut pas être cantonnée à certains milieux et à certaines thématiques. Non, nous avons tous une santé mentale et donc toutes les catégories socio-professionnelles sont concernées.
Et de mémoire des anciens de la SISM, à Rennes, on n'avait jamais vu un événement traitant spécifiquement de la santé mentale des chefs d'entreprises.
Donc, l'association a organisée, le mardi 19 mars, à l'hôtel de Rennes métropole, une conférence débat interactive.
Ce fut l'occasion de briser l'omerta.
L'association ose parler d'un sujet si tabou, chez les entrepreneurs, à savoir les burn-outs et autres dépressions.
Dans un milieu ou l'esprit compétitif et la performance sont les carburants de l'action, comment parler des fragilités psychiques, comment parler de l'esprit qui ne suit plus la cadence ?
Oser en parler oui, mais comment ? Et surtout, peut-être avec qui ?
Là encore, comme partout en santé mentale, c'est la pair-aidance qui fonctionne le mieux. En effet, sur des sujets si intimes et perçus comme honteux, je parle plus facilement à quelqu'un qui sait de quoi je parle : le même vécu, les mêmes références, les mêmes codes, les mêmes sensibilités politiques, etc...
Et l'écoute, franche et empathique, peut déjà mettre des mots sur les maux, en faisant évoluer les perceptions négatives, en les transformants en questions utiles.
Pour illustrer la valeur d'un entretien, en début de soirée, nous avons eu le droit à deux petites scènes théâtralisées, ou on rejoue le rapport écoutant/écouté. Cela montre, à des personnes qui n'osent pas demander de l'aide, qu'oser parler de ses troubles psychiques, cela ne veut pas dire qu'on est « fous » ou faibles, mais c'est accepter, que n'importe qui, dans des situations et des conditions de vie particulières, peut basculer dans une souffrance psychique.
Il faudrait enfin reconnaître, que même si nous sommes tous des êtres humains singuliers (histoire de vie, tempérament, traumatismes, etc...) personne ne peut résister bien longtemps à un stress illimité. Et donc, ce ne sont pas seulement les salariés qui trinquent, mais ce sont aussi ceux qui doivent mettre en place un certain modèle économique. L'entreprise moderne, capitaliste, étrille tous ses membres, même les patrons. Et ce n'est pas un jugement idéologique, que de constater que le productivisme est très violent pour notre santé mentale.
Un autre nouvel acteur de la SISM a crevé le plafond. Il s'agit de l'association OASIS, oser une autre voie. Ses membres très actifs, ont proposé, pour une première participation, pas moins de 7 événements (organisé ou co-organisé).
Avec l'association Rebond 35, elle a organisé le mercredi 20 mars, un atelier collectif de prévention de l'épuisement, pour les responsables d'entreprises.
Le jeudi 21 mars, elle s'est attaquée à un problème politique nouveau, à savoir l'angoisse liée au dérèglement climatique : l'éco-anxiété. Ce nouveau phénomène prouve bien, que les différents troubles psychiques, dépendent des époques et des sociétés. Le dysfonctionnement climatique provoque une angoisse tout à fait rationnelle : comment construire un avenir, quand on constate l'auto-destruction de l'humanité ? A quoi cela sert que je m'investisse dans la vie si le monde devient un enfer (canicules, inondations, tempêtes, etc...) Mais pour calmer notre anxiété, nous avons eu le droit à un atelier d'expression artistique sur ce thème. Et là, la magie de l'art-thérapie a opéré. On ne sait pas pourquoi, mais le fait de faire cet exercice de dessins, de jeter des couleurs, cela nous a permis de nous sentir mieux.
Dans un autre registre, Oasis a aussi organisé deux café-philo.
Le premier, le jeudi 21 mars, fût l'occasion de s'exprimer sur une des injonctions paradoxales de nos sociétés : « Qu'est-ce qui nous limite : la peur de rater ou la peur de réussir ? Grâce à des techniques d'animation très bien rodées et inclusives-comme le bâton de paroles-les participants ont pu donner leurs avis sur des sujets à la fois philosophiques et à la fois très santé mentale. Dans l'ambiance du bistro, des gens qui ne se connaissent pas, ont pu échanger, écouter et être écoutés. Lors des discussions, on note que la réussite individuelle marque de plus en plus nos vies. Chacun se justifie, se rassure, en développant sa propre philosophie de vie. Dans la semaine, l'association a « récidivé », en organisant un autre atelier philo, sur le thème : « La différence est une richesse ? »
Sinon, c'est un grand plaisir, de voir que la clinique du Moulin est de retour parmi la SISM. Cette clinique, qui se trouve sur la commune de Bruz, en pleine campagne, n'accueille pas les personnes en grosses crises psychotiques. Non, elle propose un « asile » pour des personnes, souvent dépressives, qui n'arrivent plus à tenir leur engagement domestique, professionnel ou familial.
Pour les personnes très isolées, c'est aussi l'occasion de rencontrer ses « pairs », en prenant le temps de nouer des relations amicales, sans pression. Le fait que toutes les personnes hospitalisées, rencontrent des problèmes de santé mentale, cela libère la parole et provoque un rapport à l'autre décomplexé.
Comme bon nombre d'établissements en santé mentale, la clinique développe de plus en plus d'activités thérapeutiques. Notamment, l'art-thérapie, cette discipline qui met l'art au service de l'affirmation existentielle. Dès lors, Fanny Seiller, animatrice à la clinique, a voulu dépasser l'expression artistique individuelle. Grâce aux compétences de l'artiste polyvalent, Fernand Ajagamelle, on a proposé à chaque visiteur, de participer à une œuvre collective. Grâce à des machines inventées pour l'occasion, nous avons projeté de la peinture sur une fresque.
L'art c'est aussi le pouvoir symbolique. Mais qui, dans la peinture conceptuelle, décide de la valeur d'une œuvre ? Des critiques réputés ? Des galeristes de grande notoriété ? Des conservateurs patentés ?
Il arrive que pour des personnes accablées par des troubles psychiques, l'art (ainsi que l'écriture) soit le dernier objet de « narcissation ». Même si l'art exige des compétences et un certain état d'esprit, on n'empêchera jamais personne de prendre un pinceau et de se faire soulever par l'inspiration.
Et si tout le monde peut créer, ce n'est pas tout le monde qui est reconnu. Seul un très petit nombre peut en vivre.
Alors, ce mercredi 27 mars, à la clinique du Moulin, le « psymoov'art » a démocratisé l'expression artistique, puisque le but n'était pas de justifier une expression individuelle, mais juste de faire reconnaître la participation légitime de tous.
Dans cette même optique, le mercredi 27 mars, l'association Oasis, Oser une autre voie, a mobiliser tout ces savoirs-faire, pour nous proposer de sublimer nos émotions, en dessinants, peignants, collants. Chacun a pu s'exprimer, en explorant son intimité et sa vie psychique.
Mais ces nouveaux acteurs dynamiques, n'ont pas éclipsé la "vielle garde"de la SISM de Rennes.
Le jeudi 28 mars, c'est le SAVS Altaïr et le sevice d'art-thérapie du CHGR, qui ont proposé des ateliers d'Art-Thérapie à partir d'oeuvres de la collection permanente du Musée des Beaux-arts. Encore une fois, cet événement démontre tout l'intérêt, de démocratiser les différentes expressions artistiques. L'art ne doit pas être au service de collectionneurs milliardaires. Non, l'art doit être au service de nos imaginaires collectifs, de nos affirmations singulières pour un vivre ensemble, qui puise dans les harmonies universelles.
Comme tous les ans, Jean-Luc Thésé, président de coop'1service, nous a proposé de partir des problèmes concrets des usagers, pour qu'ils témoignent de toute la difficulté de la condition psychiatrique.
Les partenaires habituels, l'UNAFAM et TVS(thérapie et vie sociale), ont fidèlement répondu présent.
Jean-Luc Chevalier, président de TVS et mémoire vivante de l'histoire psychiatrique rennaise, nous a remémoré la période « délicieuse » des années 60-70, quand la combativité et la foi en l'avenir, concernaient aussi la psychiatrie.
Jean-Yves Blandel, délégué départementale de l'UNAFAM 35, a su, par sa connaissance fine des rouages de la psychiatrie, nous mettre en perspective, tous les enjeux de l'évolution de la psychiatrie.
Et cette année, les discussions se sont transformées en débat ouvert, sur les réalités des suppressions de lits.
Certains pensent que ces restrictions peuvent faire que les personnes seront prises en charge hors-hôpital et c'est tant mieux. D'autres pensent qu'il faut se battre pour les deux, à la fois pour le sanitaire (plus de lits) et à la foi pour l'extra-sanitaire (ambulatoire, associations, etc...).
Mais la SISM ce n'est pas que de l'information et des débats compliqués. C'est aussi la participation et l'expression des usagers. Dans une société bloquée par les apparences et l'ultra-conformisme, souffrir de troubles psychiques, c'est malheureusement très souvent, être invisibilisé. Heureusement, grâce à l'ESAT les Ateliers de l'Espoir, Utopi St Jacques-de-la-lande (ADAPEI 35), le Pôle rennais de psychiatrie adulte du CHGR, l'association Oasis, oser une autre voie, nous avons été visibles et même, on s'est permis de faire le show !
Et tant pis pour certains regards dubitatifs, nous investissons l'université Rennes 2. Nous prenons place sur la place. Avec un flash Mob désopilant, sur une musique très entraînante, nous bougeons nos corps autant que nous voulons faire bouger les esprits. Le mouvement, c'est aussi oser d'aller vers l'autre, pour librement, essayer de partager du commun. En outre, dans ce passage de la vie étudiante (le hall des langues), des usagers ont joué des petites scènes de théâtre, sur les motivations et les freins de ce qui les mettent en mouvement. Un stand était aussi présent. Il a permis de donner accès à différentes ressources en santé mentale, tout en rendant possible des échanges avec certains acteurs de la santé mentale rennaise.
Une autre expression, qui a marqué la quinzaine fût la pièce de théâtre « le monde autour de moi » joués par les bénéficiaires du SAVS Altaïr (APASE) et mis en scène par Sébastien Gallet.
Les usagers comédiens se sont emparés de la thématique de cette année, en produisant une pièce de théâtre, sur le mouvement et surtout sur l'incapacité du mouvement. Pour les férus de terminologie psychiatrique, tout de suite, on pense au symptôme de l'apragmatisme, c'est-à-dire l'incapacité d'initier une action. Mais cette souffrance ne doit pas rester seulement une caractéristique des troubles psychotiques.
Non, l'apragmatisme tout seul, ça ne veut rien dire !
Ce n'est pas une force biologique qui pousse à ne rien faire. C'est plutôt une réaction du psychisme (ce champ de bataille), lié à un mal-être, à un sentiment violent, que l'action, que l'agir, n'a aucun sens.
Comment sortir de cette impasse ?
Et bien, à travers leur action théâtrale, les usagers d'Altaïr montrent que l'apragmatisme se joue dans les relations sociales. Même si ce symptôme n'est pas la réaction normale de tous les individus, le « remède » est le même pour tout le monde.
Nous avons tous besoin, quand nous n'allons vraiment pas bien, d'une petite lumière d'humanisme, d'une petite attention sincère, comme quoi nous comptons pour l'autre, comme dans la chanson de l'Auvergnat de George Brassens :
«... Elle est à toi, cette chanson
Toi, l'Etranger qui, sans façon
D'un air malheureux m'as souri
Lorsque les gendarmes m'ont pris
Toi qui n'as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener
Ce n'était rien qu'un peu de miel
Mais il m'avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manière d'un grand soleil ...»
En-tout-cas, les comédiens étaient vraiment heureux de toucher un public et surtout de ne pas être considérés comme des malades, mais comme des artistes à part entière.
Et la SISM de Rennes, ce n'est pas qu'un moment sérieux et grave.
Ainsi le Samedi 23 Mars, nous avons été conviés à des Olympiades. Grâce aux talents d'organisateurs et d'animation des structures Atypic, SAVS Altaïr, le centre de la Thébaudais, les promenades idiotes, le CHGR et la facétieuse compagnie DANA, nous nous sommes mis en mouvement, pour nous retrouver dans une allégresse tellement cocasse. Répartis dans différentes équipes, nous avons pris part aux disciplines des JOIIIE (Jeux Olympiques Inattendus, Indisciplinés, Idiots, Ensemble) : lancement de charentaises, slow-foot, air poney, etc... Franchement, ce fut le délire... Mais pas celui de la décompensation psychotique, qui cherche les signes de son égocentrisme. Non, un délire collectif, où nous ne cherchions qu'une chose : s'amuser un peu. Et surtout, ce fut un événement réservé à tout le monde : patients, professionnels, soignants, animateurs, comédiens, curieux, etc... Les identités sociales n'existaient plus, nous étions tous des festivaliers qui sortent des oeillères des convenances sociales, en profitant d'un moment festif, insouciants.
Le lundi 25 mars, a eu lieu une exposition, à l'hôtel Pasteur, intitulé « En deux temps, trois mouvements ». Deux structures, le service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) Altaïr et le service d'art-thérapie du CHGR, se sont unis pour exposer les œuvres de personnes accompagnées par leurs services. Ces derniers n'ont pas hésité à prendre du temps pour nous expliquer leur démarche et surtout, ils ont donné le sens de leurs œuvres. Avec fierté, ils ont répondu à toutes nos questions, même les plus embarrassantes. Là encore, ce qui est trouble n'est pas forcément négatif, car il peut aussi être art. En-tout-cas, cette exposition prouve et surtout reconnaît la valeur de leur travail.
Dans la même optique, le jeudi 21 mars, à l'espace social et culturel Aimé Césaire, Richard Ramahgalahy, nous a présenté son documentaire : 7 passions Rennaise.
Grâce au soutien sincère et efficace d'Atypick et du pôle rennais de psychiatrie adulte du GHGR, un usager a pu déplier son œuvre. En effet, le mouvement d'expression nécessite le mouvement de tous ceux qui ont compris que, plus on entraîne une personne à se réaliser, plus elle s'éloigne des souffrances psychiques.
Mais tous ces extra-ordinaires assauts contre les troubles psychiques seront vains, s'il ne se produit pas une réelle déstigmatisation, une réelle destruction des préjugés associés aux troubles. Mais comment faire ?
Et bien, bien sûr, informer le maximum de personnes, c'est le but de la SISM. Mais comme dans tout « militantisme », il faut partir de la conscience des gens. C'est pourquoi Oasis, Oser une autre voie, Espoir 35, Avenir Santé Villejean Beauregard, Info Psy Rennes, le club house, Les Ambassadeurs Santé mentale, se sont alliés pour réaliser un porteur de paroles (le samedi 16 mars et le vendredi 29 mars)
Et l'aller vers ça marche, car plus de 90% des personnes ont accepté de répondre à nos questions. Notre question centrale fut toute simple : « Qaund je me sens mal, je fais quoi ? » Et malgré la diversité des réponses, quelques récurrences sont apparus : « J'écoute de la musique », « Je sors », « J'appelle mes proches », etc..
Mais pas de SISM sans son forum. Il eut lieu le samedi 16 mars, au parc du Thabor. Même si l'affluence aurait pu être plus élevée, cela reste un moment important dans la dynamique du groupe. En effet, se retrouver dans un même lieu, pour expliquer notre démarche et donner envie à des passants de se rendre à des actions de la SISM, cela participe à la mobilisation, aux dépassements de nos individualités vers un mouvement collectif, vers un récit.
En parallèle du Forum, l'UNAFAM 35 a organisée des activités de plein air, intitulé « Respire et Marche » Etre en mouvement, c'est aussi mettre son corps en mouvement. Pour ne plus être accaparé par l'esprit, il ne faut pas juste avoir un corps, mais aussi « être « un corps, c'est-à-dire stimuler tous les ressentis physiques. Ainsi, pendant une heure, on a proposé à tout le monde, d'essayer différentes activités d'extérieur : marches respirées, synchroniques et afghanes, renforcement cardio-respiratoire, musculaire et articulaires, sophrologie, jeux d'équilibre et de mémoire.
Et également, pas de SISM sans son cinéma-débat. Le jeudi 28 mars, au cinéma l'Arvor, la salle était comble pour voir ou revoir, le film Whiplash, de Damien Chazelle. Cette fiction ne portait pas sur la psychiatrie. En fait, il nous invité à réfléchir sur notre propre rapport à la réussite individuelle. On veut tous réussir, mais à quel prix. L'histoire, c'est ce jeune Andrew, passionné de batterie. Son professeur, violent et cynique, le pousse à toujours faire mieux. Mais la relation avec le maître, devient rapidement malsaine. Finalement, où est le plaisir de jouer ? Où est le plaisir d'apprendre ? Dans ce film, il semble que la fin justifie tous les moyens. Pas de place pour la camaraderie, pour l'amour ou l'oeuvre collective. Seul le résultat compte.
Même si l'histoire est extrême et exagérée, elle nous interroge tous, sur notre rapport à la performance.
Est-ce seulement la souffrance et l'individualisme qui permettent notre réalisation ?
Pourquoi faut-il tout le temps prouver sa valeur ? Pourquoi nos statuts et nos compétences sont-elles continuellement remis en cause ?
Le lundi 18 mars, à la maison des associations, l'après-midi, eu lieu la plénière du Conseil Rennais de Santé Mentale (CRSM).
Cette année, elle avait une saveur bien particulière, puisqu'elle était aussi une étape vers les états généraux de la santé mentale. En effet, aux dernières élections municipales, les vainqueurs, la liste menée par Nathalie Appérée, avait dans leur programme, l'ambition d'organiser des EGSM. Et bien, ce sera chose faite. Puisque la préparation a déjà commencé (notamment la plénière) et l'événement aura lieu en Novembre 2024.
Mais pourquoi ? A quoi ça sert ?
Manifestation inédite à Rennes et quasi-inédite en France (sauf à Lyon), ces prochains états généraux seront l'occasion de faire état de la réalité sur la santé mentale, sur le territoire rennais.
Sur quelle offre (associative, institutionnelle, public, privé,etc...) l'usager, qui est aussi un citoyen, de Rennes peut-il compter ?
Qu'est ce qui fait la force de Rennes, mais aussi ses faiblesses ? Sur quoi on est bon, sur quoi on est moins bon ? Quel est le bilan des différentes politiques publiques à Rennes ?
Pour rentrer dans le vif du sujet, 5 grands thèmes ont émergé :
-la participation citoyenne
-le logement
-la jeunesse
-la culture
-la santé mentale au quotidien
Mais ces EGSM se veulent vraiment participatifs (un peu comme la fabrique citoyenne). Donc, n'hésitez pas à venir apporter votre pièce à l'édifice. Que vous soyez usager, soignant, professionnel, membre de l'entourage, curieux, militant, râleur, ou tout simplement citoyen, vous pouvez venir donner votre avis, faire des propositions, pour qu'ensemble, dans un état d'esprit de co-construction, nous bâtissions les politiques de santé mentale rennaise, de demain.
Alors un, deux, trois, états généraux !
A certains égards, cette SISM 2024 fut un succès : plus de 1000 participants, 20 événements, de nouveaux acteurs très dynamiques, etc...
Mais il nous reste un goût amer dans la bouche. En effet, nous n'arrivons pas à faire de la santé mentale et de la psychiatrie, des objets politiques. Tout se passe, comme si ces questions si délicates n'étaient pas du ressort de la politique (au sens des affaires de la cité), mais juste des problèmes personnels et de la charité.
Mais où sont les militants ?
Tous ceux qui se réclament de l'humanisme, les progressistes, restent aveugles à la détresse de la psychiatrie.
Alors pour contredire ces propos, puisque Rennes, ville pionnière, va organiser des Etats généraux en Santé Mentale, on peut souhaiter que cet événement ne soit pas que l'affaire des spécialistes et des personnes directement concernées. Brisons l'entre-soi et interpellons les partis, les syndicats et les associations, pour qu'ils parlent, dans leurs revendications, de nos malheurs et de nos luttes.
Les amis de la santé d'Ille et Vilaine :
s'associer pour vaincre la maladie alcoolique
Ah, si j'avais la force d'arrêter…
Mon désir de ne plus être esclave de cette substance est immense, mais mon sentiment d'impuissance l'est encore plus.
Même diminuer un peu, je vois l'addiction qui se moque, elle me semble tellement plus forte que moi. Même si je vois bien que certaines personnes ont réussi à arrêter, moi, je m'en sens incapable. Comme s'il fallait se priver d'eau ou de nourriture.
En arriver là, c'est être malade, non ?
Donc, il faut une prise en charge médicale, face à la « maladie addictive ».
Mais souvent, l'approche sanitaire n'est pas suffisante.
Il faut aussi « changer de vie ».
Comment ?
Cela peut-être en changeant de travail, de logement, de conjoint, d'amis, de loisirs ?
S'adapter, individuellement, dans sa propre existence, trouver des solutions personnelles.
Mais cela peut-être aussi, en s'associant, en rejoignant une association d'entraide, pour des personnes souffrantes de grave addiction.
Les amis de la santé est l'une d'ente elles. A Rennes et en Ille-et-Vilaine, elle vient en aide à toute personne, dont l'addiction devient une réelle maladie, principalement par rapport aux problèmes d'alcool.
Ainsi, nous allons expliquer, q'en s'aggrippant à une dynamique humaine, on peut se créer une nouvelle vie. Elle n'est pas la négation de son passé, mais elle est aussi, la redécouverte de soi et de toutes ses forces.
Et de petits progès en petits progrès, de petites victoires en petites victoires, on peut arriver à l'abstinance heureuse, c'est-à-dire s'affranchir complètement de l'addiction, en trouvant un réel équilibre psychique.
Mais pourquoi s'associer ?
A quoi sert une telle association ?
Comment, d'un problème si intime, on peut en faire une lutte collective ?
L'association est faite pour les personnes concernées et par les personnes concernées.
En effet, depuis le 19ième siécle, en France, (la croix bleu en 1883, la croix d'or en 1910, les alcooliques anonymes en 1935, Vie Libre en 1954 et enfin les amis de la santé en 1964) des soignants et surtout des soignés, se sont dit qu'il fallait se regrouper, pour briser l'omerta, oser parler de l' « alcoolisme », entre-soi et librement. Se soigner par la pair-aidance et l'entraide.
Ce fut la grande épopée des groupes de paroles.
Mais les Amis de la Santé, c'est plus que ça.
En effet, l'association a une approche systémique.
Elle ne va pas se limiter à des discussions entre pairs.
Non, elle raisonne dans toutes les dimensions de la maladie.
Elle est une véritable « offre de vie », qui va au-delà de l'offre médicale (addictologie et psychiatrie).
En effet, il faut changer « l'être social » pour mieux changer le rapport à la substance.
L'associatif, quand il est une structure autonome, géré et organisé par les personnes concernées, peut trouver des chemins que l'institutionnel ne trouvera pas. Une sorte de boîte à outils qu'il faut perpétuellement inventer et réinventer. Dans cet article, nous ne nous attarderons pas sur les mécanismes psychiques et physiques de la maladie. Nous nous intéresserons plutôt à tous les retentissements sociaux de l'addiction alcoolique.
Voyons donc, toutes les innovations et trouvailles des Amis de la Santé.
Face à une maladie, à une addiction, il ne faut pas rester seul.
Bien sûr, on peut faire appel à sa famille, à ses amis. Mais les proches, même s'ils peuvent avoir une réelle empathie, ils ne sont pas des pairs. Ils n'ont pas vécu, ils ne vivent pas toute cette souffrance, propre aux addictions.
Dès lors, un pair comprendra plus finement, telle ou telle caractéristique de la maladie.
Et puis, être dans la même galère, cela peut créer des liens.
En revanche, l'association donne une réelle place aux proches des addictés. En effet, ils subissent aussi gravement la maladie alcoolique. On peut même parler de co-dépendance. Dès lors, l'association propose aussi un groupe de parole spécifique, seulement pour les proches.
En effet, pour que tous les membres de l'asso crée du commun, le groupe de parole est une arme très efficace.
Ainsi, tous les mercredis, à 20h, toute personne concernée par des problèmes d'alcool (et autres addictions) peut venir participer à un « parler être » collectif.
Lors de ces réunions, on ne coupe pas la parole et on lève la main, si on veut parler. Et surtout, on s'engage à respecter une stricte confidentialité des propos tenus.
Généralement, on commence la soirée, en demandant si une personne veut partager une forte émotion, vécue récemment. Puis, on discute sur un thème.
A chaque fois, un animateur est là, pour veiller à faire respecter la parole de chacun, tout en modérant les personnes les plus bavardes.
Puis les discussions s'engagent. Souvent, les personnes les plus rétablies, expliquent comment elles s'en sont sorties, et surtout, elles démontrent, par leur cas personnel, que c'est possible de vaincre cette maladie.
Même s'il peut y avoir des rechutes, des gros découragements, on peut se soigner, on peut changer de vie.
Les débats et les échanges sont très ouverts, dans l'association, il n'existe pas de ligne directrice, de dogmes.
Mais c'est plutôt une émulation collective, qui permet d'entrevoir différents chemins.
Et bien sûr, si une personne ne va vraiment pas bien, tous les autres la soutiennent, en lui montrant ce qu'elle ne peut plus voir, le manque de lucidité, provoqué par la douleur psychique qui l'accable.
Solidarité concrète
Mais au-delà des paroles, l'association pratique la solidarité concrète. En effet, il ne suffit pas de déclamer la solidarité, il faut aussi la mettre en oeuvre.
Ainsi, certains membres, rétablis et expérimentés, proposent à toute personne qui se sent vraiment très mal, de pouvoir les appeler.
Et même si les accompagnants, n'ont pas de baguettes magiques, leur attention sincère, peut permettre une réelle pair-aidance. A un appel de détresse, un pair peut en tout cas, partager une expérience similaire. Et cela peut concourir, à briser la spirale mortifère de l'impasse, de la non-solution.
En outre, tous les samedis après-midi, l'association organise une permanence.
L'idée, c'est que dans nos sociétés toujours plus anomiques (sans régulations) et où la temporalité devient si hétérogène, on peut, tout à coup, se retrouver très seul, alors qu'on a juste besoin de papoter entre amis.
Dès lors, grâce à la permanence, quoi qu'il arrive, vous pouvez toujours compter sur des personnes, pour briser l'isolement, que tout un chacun peut connaître.
En outre, cela permet « d'affronter » la peur du week-end, l'angoisse de se retrouver esseulé.
Recréer une sociabilité, non-alcoolique
Mais on peut même aller plus loin, sur l'utilité d'une telle association.
En effet, l'addiction, l'alcoolisme s'emboîte dans les activités sociales et affectives des personnes. Parfois, on plonge dans l'addiction, avec une « bande de potes de défoncee ».
Appartenir à un groupe, cela remplit une fonction sociale, un besoin agraire, celui de s'oublier dans le collectif.
Dès lors, si une personne veut arrêter l'alcool, il faut qu'elle rompe avec « ses mauvaises fréquentations ».
Donc, si la personne ne veut pas se retrouver esseulée, les amis de la santé-qui est plus qu'un groupe d'amis- peut apporter une autre sociabilité, non basée sur la consommation d'alcool.
Des activités et des sorties
Ne pas boire : oui, mais comment ?
Et bien, une grande force de l'association, c'est d'expérimenter des pratiques alternatives, sans l'alcool.
En effet, de temps en temps, le collectif propose à ses membres, d'aller faire la fête, dans un bar dansant, entre pairs. Se confronter à la tentation, en voyant tous ces gens qui « boivent », permet de se rendre compte que l'effet de groupe, des abstinents, est une force pour s'amuser sans alcool.
En outre, l'association propose diverses activités et événements :
une soirée de jeux de cartes et de société, une sortie pour ramasser des champignons ou des châtaignes, une partie de bowling, etc...
Autant, on parle beaucoup des problèmes d'alcool pendant les groupes de paroles, autant pendant les diverses rencontres des membres, le sujet de l'alcool n'est pas omniprésent. En effet, même si c'est la maladie alcoolique, qui est le lien entre tous les membres de l'association, on n'en fait pas une obsession. On ne parle pas que de ça.
De surcroît, comme un des buts de l'association, c'est l'intégration sociale, beaucoup d'activités sont ouvertes aux familles et aux amis des membres. Cela permet aussi de dédramatiser l'addiction alcoolique, de mélanger les publics et de créer des liens sociaux variés.
Aider les autres pour s'aider soi-même
Les amis de la santé est aussi une organisation militante.
Un autre facteur de résilience, c'est d'aider les autres. Mais je n'aide pas mes pairs, uniquement par altruisme, mais aussi parce que cela me fait du bien, je me sens utile. Et si je fais un don (comme par exemple, prendre le temps d'écouter quelqu'un), je recevrai un contre-don (le remerciement, la reconnaissance sociale de mes qualités à aider les autres).
De surcroît, l'association opère des actes militants.
Son appétence à vouloir aider le maximum de personnes, l'a conduit a organiser des « visites hospitalières ». Dans les faits, quelques militants, très rétablis, se déplacent dans les différents dispositifs en addictologie (UMA du CHGR, service addicto de Saint-Laurent, service Vincent de Paul du CHU, la clinique Philae, etc….), pour faire connaître l'association. Surtout, cela permet de réelles rencontres, en présentiel. Cela crée une confrontation entre personnes rétablies et personnes encore dans la « mouise » de l'alcoolo-dépendance.
Et cette action, fonctionne excellemment bien.
En effet, la plupart des gens ne voient pas l'intérêt d'une association. Ils ne se sentent pas concernés et ne connaissent pas des personnes qui militent dans l'associatif. Mais quand ils voient des gens, des pairs, débarquer sur leurs lieux de soins, qui parlent de ce qu'ils vivent concrètement (avec les mêmes codes, les mêmes expressions), ils se disent que cette association est tout à fait adaptée à leur souffrance.
Et c'est souvent grâce à ces visites hospitalières, que des personnes décident de rejoindre l'association.
Service public ou solidarité associative ?
Et toutes ces solidarités sont vitales, pour que nos santés mentales ne soient pas aspirées par la décomposition sociale d'un monde livré aux pulsions les plus guerrières.
Historiquement, les grandes solidarités nationales et socialisées, organisées par les caisses et gérées par les syndicats (retraite, accidents, chômage, etc...), s'épuisent. Sous les coups de boutoir du libéralisme économique, l'individualisme modifie le psychisme des gens. Si l'on peut se griser de libertés formelles et s'enivrer dans le consumérisme, on peut vite plonger dans l'extrême précarité. Les filets de sécurité disparaissent de plus en plus. Est-ce que le mouvement associatif doit pallier les manquements de l'état ?
Nous avons vu que la spécificité de l'organisation associative, souple, plus proche, permettant des initiatives beaucoup plus fortes, favorise aussi l'inventivité des militants. Donc, le modèle associatif semble plus optimal que les systèmes bureaucratiques de l'état. Mais attention, cela ne veut pas dire qu'il faille supprimer l'état et ne garder que les associations. Non, les deux systèmes doivent être préservés et financés.
En effet, l'associatif doit être développé, car elle engendre un dynamisme qui s'affranchit des carcans organisationnels. Mais le service public, national, doit être aussi conforté, car il est le seul moyen de garantir l'égalité d'accès aux droits, de manière universelle et trans-partisane. Bien sûr, cette conception des choses est pragmatique. On peut aussi imaginer des dispositifs de soin qui seraient plus communautaires et auto-gérés. Comme par exemple, les expérimentations du mouvement de la psychothérapie institutionnelle (la clinique La borde, etc...)
En psychiatrie et en addictologie, les moyens financiers doivent être à la hauteur de la dignité qu'on doit à tout être humain.
Par exemple, quand la personne doit faire une cure, un temps où elle ne pourra pas boire, il faut qu'on lui trouve une place rapidement, c'est assez urgent. Et si le système n'est pas capable de fournir un lit, alors c'est véritablement, de la non-assistance à personne en danger. Pareil pour la post-cure.
En revanche, pour durer dans l'abstinence, « changer sa vie », peut-être que l'associatif est meilleur.
Donc, vraiment, les « malades » ont besoin d'une pluralité de dispositifs.
A cet égard, le rôle des soignants est primordial. Ainsi, il faut certes les former sur les mécanismes des addictions, mais il faut aussi les former sur la connaissance fine, de toute l'offre associative. Dès lors, ils seront mieux à même, d'orienter les patients.
On l'a donc vu, les amis de la santé est une association riche, innovante qui peut déployer des moyens humains conséquents.
D'autres associations d'entraide existent à Rennes. Elle, les amis de la santé a réussi à se développer, avec sa singularité et son propre dynamisme. Elle a aussi réussi à fidéliser des « membres très actifs » qui animent l'asso et assurent la gestion (administration, appels, le site, le journal, etc...) La coordination est assurée par quatre co-présidents. On peut dire que l'association ne succombe pas au mal des associations : le turn-over, le papillonage, l'attitude purement consommatrice.
C'est un groupe vivant. Avec ses particularités, ses affinités et son ambiance. Il essaie de s'ouvrir à toutes les catégories sociales de la population, aux personnes issues de toutes les origines. Elle est accueillante et bienveillante, parce que vivante et libre.
Donc si vous souffrez de problèmes d'alcool, il ne faut pas hésiter à pousser la porte. Pour voir, « si là-bas, j'y suis ».
Rennes, le 21/02/2024
Siège départemental des amis de la santé :
Maison Associative de la santé
7, rue de Normandie 35000 Rennes
Tél : 02 99 53 48 82
Site internet : http://www.as35.fr
Email : amisdelasante35@gmail.com
Portes ouvertes de la MDPH 35
du jeudi 23 Novembre 2023 :
le handicap psychique clairement concerné
Même si les personnes handicapées sont souvent invisibilisées et reclues, elles ont quand même leur maison.
En effet, dans toute la France, en 2005, en remplacement de la COTOREP, naquît la maison départementale des personnes handicapées(MDPH).
Celle d'Ille-et-Vilaine a organisé, le jeudi 23 novembre, de 13h30 à 19h30, des portes ouvertes.
Au-delà d'une volonté, de leur part, d'être ouverte et transparente, quels sont les rapports de la MDPH avec les citoyens handicapés ? Comment attribue-t-elle des aides ? Pourquoi certaines demandes sont refusées ?
Et qu'en est-il pour le handicap psychique ?
Voyons ensemble, l'évolution de cette institution et très concrètement, voyons comment obtenir des droits.
Pour cette journée de portes ouvertes, la MDPH a mis le paquet.
Par groupe de dix personnes, nous avons eu le droit à une visite guidée. Surtout, à chaque pièce, un agent, qui se consacre à une mission, nous a chaleureusement accueillis. Il nous a présenté son travail, en faisant l'effort d'être le plus explicite et le moins technocratique possible.
De surcroît, nous avons pu poser toutes les questions que nous voulions. Même si le « timing » était un peu serré, avec une limite de temps, à chaque étape, la volonté de rencontrer les usagers, est indubitable.
En fait, ces rencontres ont permis de mieux cerner le circuit d'une demande, en six étapes : -enregistrement
-instruction
-évaluation
-préconisations des orientations
-instances de décision
-recours possibles
Longtemps, la pathologie psychique n'a pas été considérée comme un réel handicap.
La schizophrénie, la bipolarité, les TOC étaient plutôt considérés comme des déviances, voire comme des maladies, mais pas comme une incapacité à être autonome dans la vie quotidienne.
Il aura fallu la loi de 2005, pour qu'enfin, on reconnaisse aux troubles psychiques sévères, un caractère handicapant.
Mais comment mesurer le handicap ?
Au cours des portes ouvertes, les agents de la MDPH ont été très clairs.
On évalue pas le degré d'handicap selon un diagnostic médical, mais selon les retentissements de ce handicap.
Ainsi, une personne affectée par des troubles bipolaires peut être considérée comme malade, mais pas comme handicapée.
Mais alors comment évaluer cette différence ?
En effet, tous troubles psychiques engendrent des souffrances qui vont forcément avoir un impact sur son autonomie.
Et bien, la MDPH met en place des critères précis et objectivables. En gros, le handicap est évalué selon la difficulté ou l'impossibilité de réaliser des tâches quotidiennes, indispensable à sa propre subsistance et à un minimum d'hygiène. Par exemple, je n'arrive pas à faire ma vaisselle, je n'ai pas assez d'énergie pour faire mon ménage, j'ai besoin d'une assistance humaine pour me laver, etc...
Alors que le handicap physique est plutôt univoque. Par exemple, je suis aveugle donc je suis incapable de faire ceci ou cela. Ou, j'ai un handicap moteur donc j'ai besoin d'assistance. Le handicap psychique revêt plus d'interprétations.
Par exemple, de nombreuses personnes, affectées par des troubles psychiques sévères et diagnostiquées d'une pathologie, ne sont pas capables de travailler. Et donc, elles touchent l'allocation aux adultes handicapés (AAH). C'est leur seul revenu (souvent avec l'APL) pour subvenir à leurs besoins primaires (manger, avoir un toit sur la tête, se vêtir, etc...).
Mais comment se fait-il qu'une personne qui a droit à un revenu, l'autre, pourtant diagnostiqué de la même maladie, n'a pas ce droit ?
Nous avons bien compris que c'est un problème de retentissements.
Mais son évaluation, n'est elle pas fondamentalement subjective ?
Certes, on peut considérer des faits. En jugeant une incapacité opérationnelle : je le fais ou je ne le fais pas. Mais quand il s'agit d'une difficulté, quand j'ai du mal à le faire, qui décide (et comment), que s'est grave et que cela constitue une réelle perte d'autonomie, susceptible « d'empêcher la vie » ?
C'est pourquoi, il ne faut pas hésiter à dialoguer avec la MDPH, pour ensemble, avec le minimum d'opacité, se mettre d'accord sur les conséquences-bien réelles-sur le degré de perturbation de la vie quotidienne, tant matérielle que morale.
D'ailleurs, c'est le rôle du Centre Local d'Information et de coordination (CLIC), qui peut vous accompagner dans toutes vos démarches, en prenant le temps.
Pour les personnes qui souffrent de troubles psychiques, pathologiques, avoir le droit à l'AAH, c'est plus que de recevoir de l'argent.
En effet, très souvent, une personne dont la vie a été dévastée, psychiquement et socialement, entretient des tensions avec ses parents.
Surtout, si ce sont les parents qui payent pour tous les besoins de leur enfant, les conflits par rapport à l'argent, sont très nombreux. Du genre : « Tu te laisses vraiment aller, tu crois qu'on va continuer à te payer tes clopes, alors que tu ne fais aucun effort pour arrêter ».
Dès lors, si la personne a son propre argent, qu'elle peut décider, elle-même, de dépenser ce qu'elle veut, qu'elle n'est plus obligée de « quémander » à ses parents, alors très souvent, les relations familiales s'améliorent. Et c'est toujours ça de gagné !
La MDPH a un rôle central dans l'aide apportée aux personnes handicapées.
Pour le handicap psychique, elle reconnaît que la personne n'est pas paresseuse ou manque de volonté, mais qu'elle est bien dans l'incapacité, irrémédiable, de vivre « normalement », c'est-à-dire de trouver la force et l'énergie pour effectuer les tâches de la vie (apragmatisme).
En effet, le psychisme peut paralyser l'agir, l'élan vital, au point que « l'adaptation » n'est plus possible.
Mais ce handicap n'est pas forcément permanent. Certains toucheront l'AAH pendant 2 ans, le temps de se reconstruire, puis voleront de leurs propres ailes. D'autres, malheureusement, auront besoin de l'allocation, toute leur vie.
Et n'est ce pas un réel humanisme et une réelle solidarité, que de considérer que n'importe quel humain, même ceux dont la raison a vacillé, a le droit d'avoir son propre revenu et les aides qui lui sont dues.
Et n'est-ce pas plus efficace, socialement, économiquement et même pour la tranquillité publique, d'ouvrir des droits inaliénables, que de marginaliser les plus démunis, qui sinon, échoueront dans la rue ou en prison.
infos :
0 800 35 35 05
Psynéma : le film Séraphine
13/09/2023
Est-ce le rôle d'un hôpital psychiatrique d'organiser un ciné-débat ?
Quelles sont les finalités d'une telle manifestation ?
La psychiatrie n'est pas une science exacte. Elle n'est pas traversée, uniquement, par la biologie et les neurosciences. Elle renvoie aussi à des questionnements propres aux sciences humaines et sociales, à l'histoire.
Et les responsables du CHGR (l'hôpital psychiatrique de Rennes) l'ont bien compris.
Les problématiques de santé mentale s'inscrivent aussi dans un mouvement culturel, ou l'institution hospitalière, peut ou pas, se poser la question de la dimension existentielle des troubles psychiques.
Pour inaugurer ce cinéma-débat, appelé « Psynéma », le CHGR nous a fait réfléchir sur le lien entre folie et créativité.
Pour plonger dans ce thème, nous avons visionné, au cinéma l'Arvor, le film « Séraphine » de Martin Provost (2008).
Ce film, c'est l'histoire d'une femme de ménage, aux revenus très modestes, qui sublime toute sa précarité, en peignant des toiles, de façon obsédante.
Elle est complètement auto-didacte, puisqu'elle n'a jamais eu la chance d'être formée, de prendre des cours de dessin ou de peinture.
Mais alors, quelle mouche l'a piqué ?
Pourquoi se lance-t-elle dans une telle épreuve, alors que toute sa socialisation-sa classe sociale, ses dispositions socio-culturelles-rend cette vocation artistique tellement improbable ?
Et bien, Séraphine est touché par la grâce, par un phénomène mystique. Un ange lui aurait ordonné de se mettre à la peinture.
Ce film, c'est aussi l'histoire d'une rencontre, de deux êtres que tout sépare.
D'un côté, Séraphine, que sa condition sociale a habitué à toujours se rabaisser. De l'autre côté, Wilhelm Uhde, un marchand d'art, distingué, bourgeois, mais qui pense que l'art ne doit pas être réservé à quelques initiés, qui connaissent les codes sociaux et culturels du champ de la peinture.
Séraphine reçoit donc une reconnaissance sociale, d'un spécialiste, alors que tout le monde lui rit au nez.
Mais la grande question de ce film, est sans doute : Mais d'où vient cette créativité artistique ? Faut-il être fou pour être un artiste ?
L'acte de création n'est pas une activité intellectuelle. C'est plutôt « une pulsion », un emballement, qui a un moment ou un autre, correspond à une certaine harmonie, une structure esthétique, peut-être.
Durant cette soirée, nous avons prolongé le film par un débat, alimenté par quatre intervenants :Dr Alain Gouiffes (psychiatre honoraire et cofondateur du festival Art et Déchirure, au centre hospitalier de Rouvray), Laetitia Jodeau-Belle (maîtresse de conférence en psychologie à l'université de Rennes 2), Peggy Viallat (artiste plasticienne et enseignante), Pr Philippe Courtet (psychiatre au CHU de Montpellier).
Le débat, notamment, a porté sur la place de l'art, dans la santé mentale.
Si l'art a une vertu thérapeutique, comment doit-elle intervenir dans le champ de la santé mentale ?
Doit-elle être une discipline, une sorte de science, qui s'appellerait " l'art-thérapie" ?
Ou doit-elle être une rencontre entre les personnes en troubles psychiques et 'l'art », sans aucune fixation, sans aucune spécificité ?
L'art n'est pas une entité qui vogue au-dessus des gens. Elle s'inscrit dans un champ, ou s'affrontent « entrants » et dominants, sur la définition de l'art, pour savoir qui est légitime à se prétendre artiste.
Beaucoup de personnes, souffrantes de troubles psychiques, trouvent dans l'art, un moyen d'expression, de réalisation de soi-même, de re-narcissation. Mais souvent, ils et elles n'ont pas les codes et surtout « le sens du jeu », pour obtenir les diverses reconnaissances du milieu.
Il faut donc leur tendre la main. Comme pour Séraphine, qui profite de l'aubaine d'une rencontre avec un spécialiste, très actif dans le champ artistique de la peinture, pour qu'on reconnaisse, pour qu'on donne une valeur à son art.
Mais les psychiatrisés ne demandent pas la charité, l'aumône. Ils aspirent juste à trouver leur place. Ils veulent que leurs troubles ne soient pas perçus que négativement, mais qu'ils soient aussi considérés comme une richesse. En effet, leurs créativités, apportent aussi une force, une originalité et une audace, fort utile au dépassement de la condition humaine.
Le psynéma du CHGR, s'inscrit donc dans les débats, les problématiques sur le sens des troubles psychiques. Puisse-t-il nourrir tous les acteurs du monde psy à Rennes et contribuer à l'amélioration des conditions d'existence des usagers et à stopper l'hémorragie des moyens médicaux.
Nous souhaitons donc bon vent au Psynéma !
La fête de la maison des usagers du CHGR
jeudi 22 juin 2023
Depuis plusieurs années, la MDU (la maison des usagers) tente de s'imposer comme une structure, un espace d'accueil et d'orientation, au bénéfice des usagers de la psychiatrie de Rennes.
Petit à petit, la vision du psychisme change. Et donc aussi la prise en charge des personnes. Il ne s'agit plus de stabiliser un individu récalcitrant, en se contentant de trouver un traitement médicamenteux adéquat. Non et cela fait de plus en plus consensus, dorénavant, il faut aider la personne à se rétablir. Elle doit trouver, (re)trouver un ancrage social, une place dans la société.
Mais pour émerger du marasme pathologique, encore faut-il, qu'il existe des lieux, où la personne en souffrance psychique, puisse trouver la bonne information sur l'offre associative existante. Trop de gens-dont les soignants-ignorent simplement l'existence d'associations d'usagers, de structures gouvernées par et pour les personnes concernées.
Que ce soit une association sur une pathologie (comme Bipol 35, lueur d'espoir, etc...)ou une association d'activités (type GEM l'antre 2, GEM clin d'oeil, etc...), toutes ces structures se retrouvent sur un point, celui de la pair-aidance.
En effet, au fil du temps, on reconnaît de plus en plus, la pertinence de l'entraide entre pairs et l'empathie propres à des expériences communes.
Même si la pair-aidance a toujours existé, de plus en plus d'acteurs de la psychiatrie, pensent, qu'elle doit être soutenue et développée.
Comment ?
Et bien déjà, en faisant mieux connaître les associations de pair-aidance.
Par exemple, la MDU, centralise dans un même bâtiment, à l'entrée du CHGR, toutes les structures pouvant apporter des ressources aux usagers.
Car pour trouver une association « à son pied », c'est quand même beaucoup mieux, de rencontrer ses responsables, en présentiel, en « chair et en os ».
Ainsi, les différentes structures adhérentes à la MDU, proposent des permanences, environ une fois par semaine, où elles accueillent toutes les personnes intéressées, par leurs activités.
Et pour accentuer la dynamique humaine, la MDU a organisé une fête, le jeudi 22 Juin 2023. Stands d'information, animations, jeux géants en bois, musiques, ont permis de créer une ambiance festive et agréable. Eh oui, on peut faire la fêtemême au sein d'un hôpital psychiatrique.
La fête n'est pas forcément un événement privatisé et dans l'entre-soi. En effet, cela peut aussi être un moment ouvert et accessible à toutes et tous, un « commun » qui fait se rassembler toutes les parties prenantes.
C'est donc dans un climat détendu et ensoleillé que nous nous sommes retrouvés, usagers, soignants, travailleurs sociaux, psychiatres, psychologues, bénévoles, entourage du patient, responsables du CHGR, pour que les associations « vivent ». Et c'est bien elles aussi qui étaient à la fête.
On ne valorise jamais assez toutes ces associations, qui avec peu de moyens, organisent des groupes de paroles, formations, activités en tout genres, accueils personnalisés, etc...
Et elles ne se substituent pas au sanitaire. En effet, leur but n'est pas le soin, mais l'identification à un groupe et le dépassement de l'individu dans l'oeuvre collective.
Il ne faut pas oublier que les différentes pathologies psychiques, sont des souffrances lancinantes. Et les affronter seul, c'est encore pire.
S'associer, pour combattre les « maladies », agir collectivement, se nourrir des expériences des autres, ce n'est pas quelque chose de facultatif.
C'est en fait le cœur d'une humanité retrouvée et la meilleure façon, authentiquement, de développer ses habilités psycho-sociales.
La maison des usagers du CHGR
Tél : 02 22 51 41 25
Courriel : maison.usagers@ch-guillaumeregnier.fr
La fraterie du quartier
Quoi de neuf, à Rennes, chez ceux qui ne se résignent pas à l'exclusion sociale des personnes en troubles psychiques ?
Et bien depuis 2 ans, une nouvelle association essaie-à contre courant-, d'allier cuisine de qualité et intégration socio-professionnelle.
Cette nouvelle venue, s'appelle : La fraterie du quartier et elle organise « une cantine-atelier engagée et solidaire ».
Elle relève un défi énorme, qui pourrait paraître inatteignable : rendre accessible, concrètement, aux personnes précaires et/ou en troubles psychiques, une nourriture de qualité.
En effet, beaucoup de personnes, accablées par la désorganisation liée à leur maladie psychique, mangent souvent vraiment très mal : des pâtes, des burgers, des frites, des kebabs, de pizzas, etc...
Mais est-ce une fatalité ?
Peut-on toujours reléguer ce problème, à des vœux pieux et faire avec une « mal-bouffe » envahissante.
Souvent on entend : « Déjà les gens qui n'ont pas de troubles psychique, ils n'arrivent pas à bien manger, alors pour les « malades », c'est peine perdue ».
Mais à la fraterie du quartier, tous les mercredis, on prouve le contraire ! On réussit à cuisiner de façon sobre mais qualitative, pour obtenir une nourriture équilibrée et saine, vraiment accessible à tout le monde.
En effet, les fondateurs de l'association, ont jeté pour base, dès le début, que tous les repas seraient à prix libres ! Le prix du repas est évalué à 9 euros, mais chacun donne ce qu'il peut et ce qu'il veut.
Mais il n'y a pas que le prix des repas qui est accessible.
Le lieu est vraiment inclusif et génère une ambiance chaleureuse et accueillante. Personne ne doit se sentir étranger ou mit à l'index.
Alors que dans certains lieux classiques de sociabilité, comme certains bars ou les boîtes de nuit, on peut se sentir jugé ou avoir le sentiment qu'on doit prouver sa présence sociale, à la Fraterie, c'est comme dans la pub à la télé : on peut venir comme on est !
Souvent la bonne ambiance fait qu'on se croirait presque comme en famille.
En outre, en France, pays de la gastronomie, le repas fait partie de la sociabilité.
D'ailleurs qu'est ce que manger veut dire ? Manger : est-ce que c'est juste se remplir le ventre pour assouvir sa faim ?
Le grand isolement de beaucoup de personnes en troubles psys, exige des réponses adéquates, en termes de dispositifs de ré-inclusion.
Et quoi de plus socialisant que de partager un repas !
En effet, quand vous êtes à table, vous allez naturellement entamer la conversation avec vos voisins.
Donc, la fraterie propose des repas à prix libres ou tout le monde est le bienvenu.
Mais qui les cuisines ?
Ce sont des volontaires, porteurs de troubles psy. Ils sont accompagnés par des bénévoles encadrants, qui se chargent d'assurer la pérenité de l'organisation.
Le travail se fait de façon sérieuse et pro, tout en s'adaptant aux rythmes et aux capacités des individus. A la productivité effrénée de la cuisine des restaurants ordinaires, ce substitut un modèle ou le comment est plus important que le résultat. Mais toutes ces considérations n'empêchent pas la faisabilité de la production. A chaque fois, les repas sont assurés.
Pour nombre de cuisiniers, la Fraterie est un bon moyen de se réinsérer, en douceur. C'est la possibilité de retrouver confiance en soi grâce à la bienveillance et la compétence des bénévoles encadrants.
En effet, souffrir de troubles psychiques, ce n'est pas juste être bizarre ou déprimé ou délirant.
Au-delà du traitement médicamenteux (qui est essentiel), la personne ne peut se rétablir, que si elle parvient à créer un autre rapport au monde, qui fait de son existence, une cohérence qui fait tout son sens. Ce cheminement personnel, presque ésotérique, ne se réalise pas tout seul, dans son coin. C'est la confrontation aux autres et la place qu'on nous laisse, qui peut faire mûrir une raison personnalisée, singulière, mais qui s'emboîte avec le monde.
Dès lors, si le désir est créé, alors on est disposé à se trouver soi-même.
C'est une mission de la fraterie : cuisiner et servir des repas, pour reprendre goût à l'activité et à la réalisation des tâches. Tout faire pour que la personne retrouve un rythme de travail et une fierté à réussir la cuisine et le service. D'ailleurs, les compliments des clients, généralement satisfaits de la prestation, gonflent les voiles de leur re-narcissation.
Immanquablement, le rétablissement passe par l'autre.
Un autre mal pour les personnes en troubles psychiques, c'est leur guéthoisation.
Si l'entre-soi est propre à toutes les sociétés, les personnes psychiatrisées se retrouvent trop souvent entre elles même. Le problème, c'est que cela engendre une acculturation parfois négative. L'égocentrisme des uns peut alimenter l'égocentrisme des autres. Il peut se créer une « culture » pathologique, une agrégation de « non-sociabilité ».
Et oui, les personnes en troubles psychiques ont aussi besoin d'être avec des gens qui vont bien. Il ne faut pas que partager les richesses, il faut aussi partager les relations humaines !
La fraterie œuvre pour cette mixité sociale, si importante à notre vivre-ensemble. Au restaurant, vient tout type de personnes : des voisins, des artistes, des soignants, des curieux, des travailleurs sociaux, le libraire du coin, des familles, etc...
L'association fait aussi tout pour s'ancrer dans le quartier et donc pour participer activement à la vie du quartier.
Bien sûr, bon nombre de ses clients sont des voisins, qui aiment se retrouver pour le déjeuner, en mangeant bien pour pas chère.
L'association met aussi un point d'honneur à organiser des évènements : conférences, débats, rencontres, etc...
Le monde urbain a une tendance intrinsèque a anonymiser sa population et a créer toujours plus d'isolement et de solitude.
Heureusement, que des association comme la Fraterie, oeuvrent pour créer des « communs », au plus près des besoins et des préoccupations des habitants.
Une autre source de mal-être pour les personnes psychiatrisées, c'est qu'elles sont très souvent stigmatisées. La plupart des médias, dans leurs courses éffrénées à l'audimat, préfèrent surfer sur les fantasmes et les peurs, en créant un artefact du malade mental, qui serait par nature dangereux. Cela alimente tous les préjugés et condamne beaucoup de personnes, à cacher leurs troubles, comme si c'était une maladie honteuse.
Que peut-on faire contre ces discriminations tenaces ?
Et bien, on peut créer des lieux ouverts où des personnes sans troubles, vont rencontrer, in situ, des personnes avec des troubles.
Donc, répétons-le, à la Fraterie, tout le monde peut venir y manger et on fait sentir aux clients, que la norme, c'est que justement aucune norme de sociabilité ne s'impose à vous.
Une autre force de l'association, c'est la valorisation du travail accomplis.
En effet, tous les cuisiniers reçoivent « une petite gratification », dont le montant dépend de la recette du jour et du nombre de clients.
Même si travailler à la Fraterie, cela ne permet pas d'en vivre, cette rémunération contribue a engendrer une reconnaissance sociale et un petit gain pécunier fort appréciable.
La encore, la réinsertion sociale passe par une offre sociale, qui s'adapte aux besoins de la personne et qui doit toujours inventer et réinventer de nouveaux dispositifs.
Comme beaucoup d'associations de solidarité innovantes, la Fraterie est porté par des personnalités charismatiques, qui sont vraiment passionnées par leur travail, et dont la vocation semble inébranlable. Bien sûr, Isabelle Fiand, la fondatrice et présidente, mais aussi tous les bénévoles encadrants : Sylviane, Rosemarie, Lime.
Mais maintenant, ce restaurant si alternatif, ce n'est pas que l'objet des bénévoles enca drants, c'est aussi l'oeuvre des cuisiniers, qui s'associent pour défendre et développer leur association.
Comme pour les autres associations, un processus d'identification s'est mis en place. Il permet à des gens différents, socialement, culturellement, de collaborer ensemble, mais de façon authentique. Pas comme certaines entreprises commerciales, où les relations sociales sont plombées par une hypocrisie, une façade que les personnes en troubles psychiques ressentent plus que les autres.
Pour les personnes souffrants d'une pathologie psy, un lieu ressource est aussi important que des médicaments. Il permet de faire des progrès, à son rythme, en se réinstallant dans une activité non-stressante, mais réellement professionnelle, non-récréative.
Et quand « la mayonnaise réussit à monter », c'est tout un psychisme qui se libère, des conflits du développement.
C'est bien la structure qui soigne.
Au fur et mesure du développement de l'association, se tisse des solidarités, mais justement parce que le lieu et ses activités, permettent les rencontres.
Finalement, le restaurant génère une certaine ambiance, débarrassée des jugements sociaux et des sélections, pour que manger soit un moment de plaisir et de répit.
Pour faire face à l'effroyable désengagement de l'état dans la psychiatrie, il faudrait que fleurisse et réussisse, des dizaines et des dizaines d'expérience comme celle de la Fraterie.
Mais le rôle du secteur associatif est-il de remplacer le sanitaire ?
Il semble que le modèle associatif ne remplacera pas la prise en charge psychiatrique hospitalière. Mais il peut montrer d'autres voies possibles, dont la réussite peut amener à une amélioration de l'approche clinique, et plus globalement, à une bien meilleur prise en charge du patient.
A Rennes comme ailleurs, l'inventivité et le volontarisme des associations seront vain, si on ne réinvestit pas, massivement, dans le service public psychiatrique.
Le sanitaire et le social ne doivent pas être opposés. Au contraire, cela ne doit pas être l'un sans l'autre, les usagers ont besoin des deux.
Autrement dit, un secteur associatif fort, ne veut pas dire un secteur public faible. Et inversement.
e-mail de l'association : lafraterieduquartier@gmail.com
tel : 07 83 42 08 20 (réservation des repas jusqu'au lundi soir 20h)
Rennes, le21/06/2023
L'hôpital de jour de la Thébaudais
En quoi consistent les soins en psychiatrie ?
-Prendre des médicaments
-avoir des entretiens avec un psy ou une infirmière
-veiller à son hygiène de vie
-mieux comprendre sa maladie
-faire de la remédiation cognitive (pour la mémoire, la concentration, etc...)
-trouver la cause psychique de tous ses troubles
-etc...
Bien sûr, on peut déjà dire que le traitement dépend de la conception du psychisme.
Pour nous, souffrir de troubles psychiques, ce n'est pas seulement avoir un cerveau malade, un cerveau déficient.
C'est aussi une maladie de l'existence, où le psychisme (qu'on ne peut pas réduire au cerveau) confronté à des conflits et des impasses, va engendrer de très lourdes souffrances.
Je n'arrive plus à me lever le matin, j'angoisse, je sens que je pars dans des délires, je ne veux plus voir personne, je ne dors plus et je me sens excité, j'ai des pulsions suicidaires, etc...
On peut considérer, sans nier les aspects biologiques, que ces troubles sont d'abord la difficulté du rapport à l'autre, la difficulté à se prendre au jeu, à ce jeu si spécial, celui du jeu social.
Par exemple, je déprime parce que personne ne m'aime, je suis très anxieux parce que je dois obtenir des résultats dans ma relation professionnelle, etc...
Les troubles psychiques sont des « maladies » aux causes multifactorielles. Même si nous ne connaissons pas (scientifiquement) l'origine de ces phénomènes si complexes, on peut envisager des facteurs endogènes et exogènes. Effectivement, pour certains troubles, même si je vais mieux et que je fais des progrès (je me suis fait des amis, j'ai trouvé un boulot intéressant, j'ai enfin trouvé l'amour, etc...), très souvent, quand la maladie s'est installée, je ne peux pas me passer d'un traitement médicamenteux. C'est un peu comme pour le diabète, la maladie devient inhérente à la personne.
Mais cela ne veut pas dire qu'il fasse juste attendre que les médicaments agissent pour aller mieux. Non, le rétablissement de la personne, exige un redressement social et culturel, existentiel.
Dans une société avec des statuts non-héréditaires, il faut trouver sa place.
Et surtout, dans un monde de plus en plus complexe, il faut trouver un sens à sa vie, un objet particulier, son propre objet.
Mais toutes ces idées, n'ont aucune valeur, si elles ne sont pas traduites dans des « choses » thérapeutiques. En effet, il faut s'aider de ces analyses, pour inventer, réinventer, non pas des remèdes, mais des lieux, des « asiles » au bon sens du terme, qui permettent de rompre l'isolement et de vivre des relations humaines « vertueuses », qui desservent la maladie psychique.
Nous présentons ici, toutes les réalisations de l'hôpital de jour de la Thébaudais.
La structure, de par son histoire et le volontarisme de ses équipes soignantes, propose une façon de faire, pour des personnes ayant des troubles psychotiques sévères et chroniques.
Voyons un peu qu'est ce qu'ils ont trouvé pour « soigner » les malades.
Les troubles psychiques affectent toute la vie humaine.
Ils ne sont pas seulement des souffrances ou des incapacités, mais de véritables « trappes » à la vie sociale.
En outre, si la personne n'est pas capable de s'inscrire dans une activité professionnelle ou même associative, qu'est ce qui lui reste ?
Comme toute personne humaine, le malade a besoin de rythme social, d'horaires et d'activités collectives. Pour le sociologue Emile Durkheim, si la personne est dans une situation sociale « anomique », c'est-à-dire sans bornes et sans régulations, elle va déprimer.
La première mission de l'hôpital de jour de la Thébaudais est donc d'être un lieu qui restructure une temporalité et donne un rythme aux journées des patients.
Comme pour tout le monde, on ne peut pas avoir une bonne santé mentale, en restant tout seul chez-soi.
En outre, le trouble schizophrénique et son symptôme négatif de replis sur soi, exigent une mobilisation thérapeutique, très sensible aux moindres appétences de vie sociale du patient.
Et on ne peut pas décréter le désir !
Il faut le chercher et le bâtir pour soi.
En effet, certains patients, de par leurs difficultés à « correspondre à l'autre », peuvent se retrouver dans des situations de solitude extrême. Personne à qui parler pendant des jours et des jours.
Le centre de la Thébaudais a donc une mission très pratique et oh combien utile : avoir toujours au moins quelqu'un à qui parler.
Grâce bien sûr à l'écoute bienveillante des soignants, mais aussi grâce à toutes les relations qui se créent entre les patients (d'ailleurs, de façon informelle, une partie de scrabble ou de cartes est souvent mis en place).
Finalement, ce centre est un lieu « refuge », épargné par tous les jugements sociaux, les compétitions, les sélections, où on peut venir comme on est, sans avoir à prouver et à justifier sa présence.
Et même s'il ne produit pas de miracle dans le rétablissement social, il est, de fait, un moyen de s'intégrer à une collectivité humaine. C'est aussi, en ce sens, qu'il est thérapeutique.
Les activités
Mais surtout, le centre de la Thébaudais met en place des activités, qui sont bien loin d'être seulement occupationnelles.
Avec les moyens qu'elle dispose, elle réussit à faire, que les patients s'ouvrent et s'accomplissent dans des activités forts variées.
L'expression artistique
De plus en plus et comme les collègues d'autres structures en santé mentale, les soignants de l'hôpital de jour ont compris toute l'importance et la force, de ce qu'on pourrait regrouper sous le label « Art-thérapie ».
L'art n'est pas réservé à une élite, car tout le monde a besoin de s'exprimer. En effet, l'absence d'intégration professionnelle peut engendrer une mésestime de soi, une dévalorisation.
Mais créer des choses, par le prisme artistique, tout en recevant une réelle reconnaissance de la part des soignants, cela permet de reprendre confiance en soi et de retrouver du désir.
Ainsi, régulièrement, la structure propose, des activités d'art plastique. Les patients s'essaient à la mosaïque, la sculpture, le dessin, etc...
Leurs œuvres, même modestes, sont aussi valorisées par leur exposition dans le centre. Et certains patients, ont une fierté toute particulière, à vous expliquer tout leur processus artistique.
Le chant, grâce aux moyens numérique du karaoké, est aussi un exécutoire pour le sujet. Selon ses envies et ses capacités, sans aucune pression de résultats, régulièrement, un groupe de patients se « lâchent » dans l'interprétation de chansons. Bien sûr, les goûts sont différents, mais certaines chansons font l'humanité et elles permettent une « communion festive ».
La encore, je ne suis pas qu'une maladie psychique, je suis capable de développer toute une richesse artistique et j'ai le droit, j'ai accès à la culture et aux arts.
Et ce n'est pas un gros investissement que d'aider les patients ainsi. Il suffit que les soignants aient une réelle attention envers les patients et qu'on leur laisse une certaine initiative dans les activités proposées.
Réinvestir les tâches quotidiennes
Les personnes affectées par la schizophrénie, peuvent souffrir « d'apragmatisme ». Ils ne sont pas paresseux, mais ils manquent d'élan, ils ont beaucoup de mal à initier les activités. Pour certains, même la réalisation des tâches quotidiennes (ménage, vaisselles, cuisine, etc...) devient problématique.
Mais ce manque de désir n'est pas une fatalité. On peut très bien lutter contre des spirales négatives, de type, je me replis sur moi, je déprime, je m'isole donc je me retrouve dans une situation sans motifs d'action et sans dynamique.
Mais grâce à des soins (médicamenteux, prises en charge pycho-sociale, etc...), je peux rentrer dans un cercle vertueux : j'ai plus de facilité à agir, donc je réussis à réaliser des choses, donc je trouve plus de plaisir à faire les choses, donc je vais mieux, donc je suis capable de réaliser de plus en plus de choses.
Les soignants de la Thébaudais ont bien compris ces mécanismes. C'est pourquoi, ils proposent bon nombre d'activités pour réinvestir les tâches quotidiennes.
La culinothérapie, l'art d'utiliser la cuisine comme moyen thérapeutique, est au menu du centre. En effet, cuisiner ce n'est pas juste subvenir aux besoins vitaux. En France, cela fait partie de la vie sociale, des traditions et malgré la « mal-bouffe », c'est une activité encore très valorisée. Bien sûr, bien manger-et cela plus personne ne le conteste-, c'est être en bonne santé.
Mais comment s'y mettre et comment y trouver du plaisir ? Quand les habitudes et les savoirs-faires manquent à la personne ?
Pour la cuisine comme pour les autres activités, le plus dure, c'est d'initier l'action. On ne peut pas forcer quelqu'un à cuisiner. Mais on peut-et c'est tout l'art des soignants-inviter la personne, en lui expliquant bien tous les ressorts de l'activité, à lui faire comprendre que le plaisir escompté sera plus élevé que l'effort consenti. Surtout, l'effet de groupe et la bienveillance des soignants, peuvent arracher la décision de s'investir.
Et peu à peu, les « je ne suis pas capable », les « je n'ai pas envie » cèdent la place a « je ne pensais pas que c'était aussi facile », ou a « je ne pensais pas que c'était aussi sympa », etc...
Le fait de créer, de ne pas juste consommer (comme avec les plats tout préparés) développe des compétences, qui seront acquises et pourront même déboucher sur de nouvelles envies.
Bien sûr, cuisiner engendre une fierté, celle d'avoir réussi un plat et de créer ainsi une valeur.
Puis au moment de savourer ce que l'on a soi-même créer, de partager son repas avec les autres, de se distinguer dans le patrimoine culinaire, on se sent exister, on se sent vivre sa vie.
Une autre activité importante dans la vie sociale, c'est faire ses courses, faire du shopping.
Plaisir pour certains, corvées pour les autres.
En tous cas, pour les personnes affectées de troubles psychotiques, cela peut devenir une épreuve.
En effet, se rendre dans un magasin, c'est pour un sujet fragilisé par l'interprétation, s'affronter aux autres. Affronter les regards, affronter les attitudes.
Et vu le manque d'avenant de certains personnels de supermarché, la paranoïa peut envahir un individu. Pas forcément une paranoïa aiguë, mais une sorte de méfiance et de suspicion.
Or, il est quand même important de pouvoir acheter ce que je souhaite et donc de pouvoir faire soi-même ses courses.
Conscient de ces difficultés possibles, le centre de la Thébaudais propose des sorties shopping pour ses patients.
En groupe, on est beaucoup moins enclins à interpréter les regards des autres.
Et surtout, comme cela a déjà été dit, cela permet d'initier l'action.
Finalement, on se rend compte que le shopping se passe bien. Personne n'a eu de comportements stigmatisant et le personnel est même sympa.
Sortir de sa maladie psychique, c'est aussi se réapproprier les tâches de la vie quotidienne et expérimenter de nouveaux chemins.
Mais on peut aussi sortir sans forcément consommer, profiter du plaisir simple d'une ballade contemplative.
Or, souvent, le patient s'y refuse, s'il doit sortir seul. La possibilité, grâce au centre, de le faire en groupe, c'est la possibilité d'accéder à des moments de convivialité, qui éloigne le poids de la solitude.
Le sport
Une autre activité importante pour « rester en forme », c'est le sport.
La encore, la participation se construit, elle ne s'impose pas comme ça.
Souvent, les patients disent qu'ils n'avaient pas envie d'y aller, mais une foi l'activité réalisée, ils sont très satisfaits d'avoir fait l'effort.
Le centre profite des cours de sport, gratuits, proposé par la ville de Rennes. Dans ce cadre, un éducateur sportif, professionnel, propose de découvrir différentes activités physiques, comme le step, le basket, etc...
L'encadrement est vraiment bienveillant, et même si l'animatrice stimule bien les personnes, jamais on ne sent la pression de la réussite.
En effet, les différentes maladies psychiques, peuvent engendrer des difficultés cognitives. Certaines personnes peuvent avoir des difficultés à suivre des consignes ou à rester concentré longtemps.
Et alors ?
Ce n'est pas parce que je me perds un peu dans les exercices, que ça veut dire que je suis dilettante ou pas sérieux.
Adaptez les activités physiques aux problématiques des usagers de la santé mentale, ce n'est pas faire une activité au rabais.
Non, le sport ce n'est pas forcément la compétition et le culte de la performance.
Et développer ses sensations corporelles, être un corps, cela participe à une meilleure santé mentale.
Surtout, que beaucoup de patients prennent des neuroleptiques. Ces derniers, de façon mécanique, en supprimant la sensation de satiété, fond prendre beaucoup de poids. S'entretenir par l'exercice physique, peut aussi permettre de limiter le sur-poids.
Le journal
Dans un tout autre registre, le centre réalise un journal interne.
Le but est de valoriser l'expression des patients et de leur donner une reconnaissance sociale.
Les personnes y parlent librement de leurs activités, de leurs hobbies de leurs passions dans tel ou tel domaine. Chacun témoigne, exprime ses expériences ou argumente sûr tel ou tel sujet.
Echanger sur l'épreuve de la maladie, voir que d'autres ont aussi des souffrances similaires, cela permet une sorte de pair-aidance, du collectif qui s'éloigne de l'égocentrisme.
Et puis écrire dans un journal, c'est trouver dans l'écriture, une sorte d'harmonie, une satisfaction étrange et délicieuse, de trouver les bons mots.
Les sorties
Mais l'activité préféré des patients, ce sont les sorties/séjours.
Changer d'environnement, changer le train/train habituel, changer d'ambiance, en partant, en voyageant, cela permet tout simplement de se sentir mieux. D'ailleurs, souvent, les patients disent que quand ils voyagent, ils ne se sentent plus « malades ». En effet, que ce soit une balade sur la plage, la visite d'un musée, la joie de profiter d'un petit resto, l'excursion dans une cité médiévale ou encore la découverte d'un parc d'attraction, à chaque fois la personne sort de ses lieux habituels et donc des chaînes signifiantes qui lui sont associés.
Ces « mini-vacances » sont aussi pour les soignants, l'occasion de mieux connaître les soignés, de découvrir d'autres aspects de leurs personnalités et de leurs ressources.
Et cela fait des souvenirs en commun, un récit, une appartenance à une histoire collective.
Selon les besoins
La maladie psychique, notamment la schizophrénie, peut devenir un handicap.
Si elle n'est pas « traitée », elle peut évoluer vers une forme d'autisme.
Le but des soins est donc que le sujet (re)trouve une certaine autonomie, qu'il puisse opérer des choix de vie, de « l'empowerment (capacité d'agir sur sa vie) ».
Toutes les activités que nous avons décrites, ne sont pas juste récréatives et occupationnelles. Non, elles essaient par étapes et selon les rythmes de la personne, de transformer les potentialités de chacun, en actes, en faire.
Pour autant, il ne faut pas que l'individu ressente une injonction à l'autonomie. D'ailleurs, l'hétéronomie n'est pas un mal, nous avons tous besoins les uns des autres.
Du coup, il faut que les soins aient pour objectif l'autonomie, sans considérer la dépendance comme un échec.
Le cadre d'un établissement en santé mentale
L'hôpital de jour de la Thébaudais, ne fait pas partie du C.H.G.R (l'hôpital psychiatrique de Rennes).
Il est financé par l'assurance maladie et gérer par le groupe UGECAM.
Avec une trentaine de patients, 4 infirmières, 1 psychiatre et un directeur, la structure est à taille humaine. Pour le patient, la petite taille de la structure, permet de trouver plus facilement ses repères. L'entité humaine du centre, ce microcosme, n'est pas vaste et impersonnel comme un hôpital psychiatrique classique. La personne accueillie délimite tout de suite l'espace des soins. Et la taille limitée de l'établissement, engendre une ambiance familiale, ou le sujet n'est pas perdu par une multitude de visages et de situations.
En outre, et ce n'est pas un détail, les locaux sont flambeaux neufs, spacieux et avec des couleurs agréables.
Ils ont été conçus en pensant aux contraintes et aux exigences de la psychiatrie. Ainsi, il existe une petite salle de repos, avec des sièges confortables, ou le patient peut, s'il a un « coup de mou », se permet de se reposer.
Les salles d'activités sont nombreuses et adaptées à leurs usages. Par exemple, pour la culinothérapie, il existe une salle équipée d'une cuisine.
Toute cette architecture n'est pas neutre.
Elle participe à entretenir une ambiance, qui n'est pas engendrée qu'à partir du comportement des soignants et des soignés.
Un lieu a toujours une âme et oui il peut concourir à l'apaisement.
Une histoire de personnes
Au-delà de l'organisation de la structure, de la gouvernance, des règles, des activités, il est un aspect irréductible à l'institutionnelle : l'engagement des soignants.
Notamment, l'équipe infirmière, avec la personnalité de chacune et en toute complémentarité, se pose des questions sur leur travail et le sens de tous les soins.
Face à des patients, parfois un peu apathiques, leur dynamisme et leur lucidité, permettent le mouvement de la structure et l'adaptation aux singularités humaines. Et surtout, elles font preuve d'une réelle attention aux difficultés des patients.
La psychiatrie ne doit pas se replier sur elle-même et retourner à des approches purement médicamenteuses et organiques.
Même face à une pénurie de moyens, de lits, de soignants, elle ne doit pas céder à la facilité des sophistes de la psychiatrie, qui voudraient réduire la personne à une pathologie.
Non, il faut expliquer et encore expliquer que le « malade » doit être soigné et accompagné de façon systémique. Le logement, l'accès à la culture et aux arts, la participation effective dans les associations, la citoyenneté, tout ceci est lié et tout ceci doit être pris dans sa globalité.
Le centre de la Thébaudais, en plus des soins médicaux, œuvre pour soutenir, toujours plus, la vie sociale des individus et donc à la rupture de leur isolement.
Comme d'autres structures, elle cherche, elle invente de nouveaux dispositifs thérapeutiques.
Et même si elle pourrait avoir plus de moyens, elle n'en fait pas un prétexte pour ne pas agir, pour cesser toutes ses initiatives.
Aider une personne à lutter contre ses troubles psychiques envahissants, handicapants, cela ne s'improvise pas, c'est un vrai métier.
Il faut continuer à penser les dispositifs, à réfléchir sur leur efficacité.
Ainsi, on pourra vraiment dispenser des soins et surtout prendre soin de personnes, pour les soulager de toutes ces souffrances psychiques.
Rennes, le 27/03/2023
L'hôpital de jour de la Thébaudais
L'accès à la santé mentale des personnes en situation de précarité
organisé par le Conseil départemental d'Accès au Droit (CDAD)
vendredi 9 décembre 2022
« Rien n'est précaire comme vivre » disait le poète Louis Aragon.
Qu'est-ce que la précarité à avoir avec la santé mentale ?
Historiquement, en France et dans le monde occidental, on peut distinguer l'explosion de la précarité, avec la fin des trentes glorieuses et le retour du libéralisme économique. Il fallait libérer les forces du marché et flexibiliser le travail. Les travailleurs devaient plus compter sur eux-mêmes et beaucoup moins sur « l'état social » et les solidarités.
Mais avant ce revirement, le mouvement de protection des travailleurs, ne fut pas une étatisation, comme on l'entend trop souvent, mais une socialisation des richesses, organisés par les représentants des salariés (via les syndicats) et le patronat, par la constitution de « caisses » de solidarités (CAF, assurance maladie, etc...). Une fraternité nationale (impulsé par le conseil national de la résistance) a créé un pays où les actifs occupés sont solidaires des chômeurs, où les plus jeunes sont solidaires des plus vieux, où les biens portants sont solidaires des malades, etc...
La précarité n'est donc pas qu'une affaire individuelle, un problème d'échec personnel, elle est aussi le lit d'une dégradation des droits sociaux et fondamentaux.
Et tout ce « précariat » est une nouvelle donne, dans la façon dont nous faisons société, dans nos échanges, dans nos statuts. Cela va jusque dans notre monde intime et dans notre santé mentale.
Face à tous ces bouleversements, que peuvent faire les travailleurs sociaux et les soignants ?
Quels sont les nouveaux enjeux de nos sociétés si atomisées et fragmentées ?
Comment le monde du travail social et le monde psy peuvent-ils travailler ensemble, en synergie et en bonne entente ?
Comment la clinique et l'intervention sociale évoluent au gré de tous ces changements sociaux, économiques, sociétaux, administratifs et bien sûr politiques ?
Cette table ronde, organisée par le CDAD, fut vraiment salutaire, car il faut que ces deux cultures (le social et le sanitaire) puisse se rencontrer, échanger, partager, pour essayer d'arriver à une prise en charge globale de la santé mentale des plus précaires.
La conférence débuta par le point de vue médical. En la personne du professeur Drapier (responsable au sein du pôle hospitalo-universitaire de Rennes), nous partîmes directement sur le fond du problème : « la bidirectionnalité »
Ainsi, la précarité peut engendrer de la pathologie, et inversement, la pathologie peut entraîner de la précarité. Pour illustrer ces mécanismes, les chiffres sont assez probants. Par exemple en Ille de France, 1/3 des SDF ont des troubles psychiques. Et vous avez dix fois plus de risques d'être affectés par des troubles psychotiques, si vous êtes à la rue ou en situation de grande précarité.
Mais quel rapport entre ces catégories de population et le soin psychique ?
En fait, n'assistons pas nous à une psychiatrisation de la question sociale ?
Ces personnes n'ont ils pas plutôt besoin d'emploi, de droits et de lien social, que de la psychiatrie ?
En effet, mais si l'on considère que voir un psy : c'est se soigner, alors il faut aussi que les personnes les plus précarisées, aient aussi un droit d'accéder au travail psychothérapeutique.
Et la psychiatrie ce n'est pas seulement le traitement des grosses crises, comme la schizophrénie, la bipolarité, les T.O.C, etc... Non, c'est aussi le « moyen moderne » d'avoir une écoute, une prise en charge, pour un mal-être et une souffrance.
Alors pourquoi les plus précaires, n'auraient ils pas accès aux soins ?
Les personnes à la rue, les personnes précaires ont aussi une vie psychique, qui comme les autres, peut être analysée et travaillée.
Pour répondre à tous ces questionnements, rien ne vaut l'analyse des personnes qui sont sur le terrain.
Ce vendredi, nous avons donc eu la chance d'avoir eu l'expertise de deux grosses structures : L'équipe mobile psychiatrie précarité (EMPP) et le réseau Louis Guilloux.
Raphaël Leroux, psychologue au EMPP et Christine Lemoine, Assistante social et coordinatrice, nous ont présenté les missions de leur structure :
-Comment faire appel à eux ?
-Leurs modes d'intervention
Tout d'abord, ils définissent la précarité selon différentes dimensions.
Au niveau psychologique, elle est l'avenir incertain, non-assuré et instable. Au niveau économique, c'est le contrat de travail précaire (CDD, Intérim, etc...) et des revenus non assurés. Au niveau sociologique, on parle de désaffiliation du lien social.
En effet, la personne se trouve de plus en plus isolée, n'arrive plus a structurer son temps, perd la majorité de ses repères sociaux et vie en décalage par rapport aux rythmes de vie commun.
Ce n'est donc pas qu'une difficulté d'ordre existentiel, c'est toute une situation sociale qui prive la personne des ressources élémentaires pour exister.
Bien sûr, c'est la grande pauvreté et l'absence de logement, mais pas que.
La précarité, c'est aussi le manque de reconnaissance sociale, dû à une absence de participation réelle à la société. Je n'arrive plus à construire mon identité sociale et culturelle et du coup je papillonne, je ne peux plus forger ma personnalité sociale et trouver ma place dans la société.
D'ailleurs, tous les emplois précaires, les petits boulots et le travail dégradé, ont fortement diminué la fierté de pouvoir travailler.
En outre, le déclin des grandes instances de socialisation, que fut en France, l'Eglise catholique ou le Parti Communiste Français, ont aussi fortement affecté l'affiliation sociale.
Mais il ne faudrait pas analyser le capitalisme et la précarité qu'il génère, de façon monolithique et figé.
Ce système économique est mouvant et s'adapte perpétuellement à tous ceux qui le contestent.
Dans le très brillant livre de Luc Boltanski et Eve Chiapello, « Le nouvel esprit du capitalisme », on comprend mieux les dernières évolutions des rapports sociaux de production.
A la critique virulente et libertaire de Mai 68 et de ses suites, le capitalisme s'adapte en récupérant les critiques. Dans les entreprises, il transforme le modèle autoritaire, dirigeants/dirigés par un autre modèle, un idéal-type, beaucoup plus souple, où le cadre devient un manager, qui ne donne plus seulement des ordres, mais qui doit aussi susciter l'appétence de ses collaborateurs.
De cet éthos, se développe un monde en réseau, ou il faut connaître la bonne personne au bon moment.
Mais quel rapport avec la santé mentale, me direz vous ?
Et bien le monde économique influe fortement sur tous nos rapports humains.
Le rapport à l'autre change !
L'exigence sociale, la socialité est de plus en plus individualisée et requière toujours plus de codes sociaux. Le savoir-être, l'adaptation, la simulation sont des compétences sociales de plus en plus importantes.
Savoir « jouer » dans le monde social, permet d'accéder à des positions dominantes, qui repoussent les incertitudes et les aléas.
Du coup, les plus précaires sont aussi les personnes qui n'arrivent pas a se glisser dans la scène sociale et a jouer plusieurs rôles sociaux.
Et la psychose, ce détachement social, devient l'anti-thèse de l'hyper adaptabilité libérale.
La précarité n'est donc pas qu'un problème de partage des richesses, c'est aussi un échec de mobilisation sociale, dans la réalisation d'une entreprise personnelle.
Le train de la nouvelle sociabilité passe et ceux qui n'ont pas réussi à monter dedans, vont souffrir de dénuement social et d'une perte d'objet.
Mais que peut-on faire pour aider les personnes les plus précaires ?
Les professionnels se rejoignent sur un point fondamental : il faut créer une relation avec la personne.
Raphaël Leroux insiste sur la dimension temporelle de la prise en charge psy. Face à la précarité du sujet, soumis à une existence déstructurée, affectée par l'immédiateté, ou au contraire par l'apathie, il faut prendre le temps de construire une histoire inter-active. Et si la personne n'est pas prête, tant pis, il faut trouver le moment opportun qui peut créer l'échange.
Durant la table ronde, on a aussi beaucoup entendu les professionnels parler d'un frein énorme à la prise en charge : l'image de la psychiatrie.
Même si l'institution récolte aussi la perception qu'elle a engendrée, en réalité, il ne faudrait pas mettre tous les soignants dans le même sac.
Du coup, il faut déconstruire certains préjugés : non, parler à un psychiatre ne va pas automatiquement vous faire enfermer ou que vous allez être obligé d'être bourré de médicaments. La psychiatrie ce n'est pas le traitement de la folie qui enfermerait des gens dangereux et violents. La personne doit comprendre que la psychiatrie n'est pas un bloc uniforme et qu'elle doit trouver dans toute l'offre médicale, des professionnels qui lui corresponde, des personnalités, des profils avec qui « le courant passe » et qui permettent de se saisir de son psychisme.
Et si l'alliance thérapeutique se produit, les barrières au travail psychothérapeutique s'amenuisent :
plus de RDV zappés, plus de retards, plus de défiances infondés. Petit à petit, deux personnes s'apprivoisent et l'être humain pris dans le chaos du monde, va rencontrer un humanisme, une écoute qui peut l'aider à remettre du sens et de la cohérence, à travailler ses projets de vie, à faire face à des situations si violentes et à revaloriser sa personne.
Partenariats
L'EMPP et le réseau Louis Guilloux, n'ont pas vocation à intervenir directement, en première ligne. Par exemple, ils n'effectuent pas de « maraudes ». Mais ils répondent aux sollicitations de toutes les structures, confrontées à des situations de précarité, en lien avec des problèmes de santé mentale.
Ils insistent pour expliquer qu'ils sont à l'interface des différentes interventions.
En effet, les structures du social et du médico-social, les associations de solidarités peuvent parfois se sentir démunis face à des problématiques de santé mentale.
Que ce soit des décompensations ou du mal-être durable, les travailleurs sociaux ou les militants, les animateurs socio-culturels sont confrontés à des situations, où il ne suffit pas de dire : « Vous n'avez qu'à aller voir un psy ! »
Non, souvent, il faut tout un travail pour passer du monde social au monde médical. Mais le gros avantage du social, c'est que généralement, ils connaissent très bien les personnes en souffrance et ils ont déjà réussi à établir un lien de confiance. Dès lors, il faut s'en servir, pour qu'en l'absence d'une demande claire, et même en présence d'un déni des troubles (anosognosie), le sujet chemine lentement vers une acceptation du caractère pathologique, des grosses difficultés, qu'il vit.
Mais les deux structures ne sont pas dans le suivi au long cours. Elles sont là pour déchiffrer des problèmes, les évaluer, pour les nourrir d'un avis psy. Selon les troubles, elles peuvent orienter la personne vers la psychiatrie.
L'EMPP et le réseau Louis Guilloux sont aussi confrontés à une autre problématique, celle des migrants.
Tout d'abord, pour les personnes qui ne maîtrisent pas très bien le français, elles peuvent recourir à des services d'interprétariat.
En outre, les personnes migrantes, souffrent souvent de troubles propres à leur parcours d'exilés. Les traumatismes de la migration (maltraitance, arnaques, échouages, dénuement extrême), peuvent réveiller chez certains sujets, des blessures psychiques.
Bien sûr, la précarité administrative (pas de papiers) et économique (pas le droit de travailler) peut engendrer de forts troubles anxieux et/ou dépressifs.
Et même si la réponse devrait être d'abord administrative et politique, il n'en reste pas moins, que les migrants, comme tout le monde, doivent avoir le droit de profiter de soins psy.
La précarité n'est pas une maladie psychique.
Mais même si cette situation n'est pas due à des causes d'ordre psychiques, elle sera toujours une fragilisation de l'être social.
Il semble, que de plus en plus, les précaires n'ont pas accès aux soins.
Alors que les personnes assez aisées peuvent se payer un psy et que les sujets affectés d'une pathologie lourde et bien identifiée ont une prise en charge effective et bien fléchée, les troubles psycho-sociaux semblent être la zone grise de tous les soins en santé mentale.
Proposer des soins est-ce vraiment psychiatriser la misère ?
On pourrait dire que quelles que soient les raisons d'une souffrance, tout être humain a le droit à une prise en charge. Nous avons tous une santé mentale. Dans le monde moderne, nous sommes tous des sujets sensibles et individualisés, en quête de reconnaissance sociale.
Il n'existe pas de société sans matrice culturelle et symbolique, sans constitution d'un sens commun.
Et il se peut, que l'adversité rencontrée dans les situations précaires, exige aussi un travail psychologique, qui redonne du sens quand tous les repères s'effondrent.
Semaine d'information sur la santé mentale #33
pour ma santé mentale, agissons pour notre environnement
du 10 au 20 octobre 2022, à Rennes
Mais d'où vient notre santé Mentale ? De soi ? De notre environnement ?
Tout d'abord, on peut dire que la notion de santé mentale renvoie plus à une question personnelle, d'une certaine « capitalisation » de bonnes pratiques, d'entretien et d'hygiène mentale.
En revanche, la notion d'environnement renvoie plus à des questions collectives, extérieures à l'individu et qui serait une structure agissant sur le sujet.
Mais ne faut-il pas dépasser cette dichotomie, cette binarité ?
L'individu n'est il pas toujours collectif et socialisé ?
Même si certaines personnes semblent disposées à agir, à voir, à sentir certaines choses, peut-on renvoyer la santé mentale d'une personne à son individualité ?
Ou au contraire, peut on juste accuser la société, les autres, d'être responsables de ses propres troubles ?
Faut-il séparer la sphère privée, l'intime, le subjectif et l'environnement ?
En outre, peut-on réellement agir sur son environnement ?
Tout au long de cette SISM, différentes structures et différentes personnes, ont voulu exprimer leurs points de vue, leurs impressions, leurs ressentis, leurs arguments, sur la relation entre santé mentale et environnement.
L'environnement, ce lieu où on vit, ce lieu où on noue des relations sociales et où l'on se construit, n'est pas une donnée, une contrainte immuable auxquelles il faudrait juste s'adapter. Non, l'environnement est en nous, de par nos décisions collectives et donc politiques.
Voyons ce que les professionnels, les usagers, les proches et les militants nous disent de cette problématique, à Rennes, en 2022.
La SISM a commencé par des vernissages.
Le lundi 10 octobre, l'action intitulée « Pour ma santé mentale, je nettoie mon quartier » a eu lieu an Centre social Ty-Blosne.
Dans le quartier du Blosne, différentes personnes et différentes structures (ESAT les ateliers de l'espoir, UTOPI St Jacques et UTOPI l'Hermitage, CATTP La Sauvaie, l'hôpital de jour de la Thébaudais, Aiguillon Construction, ATYPIcK, CDAS du Blosne) ont décidé d'agir directement sur leur environnement, en ramassant des déchets. Pour eux, cela aura été une bonne occasion, de mieux se rendre compte, de la déliquescence de nos espaces publics, vu le nombre de sacs d'ordures ramassés (plus de 70 kilos en une heure).
Pour immortaliser l'événement, différentes photos ont été prises par l'association ATYPIcK.
Avec des bouteilles en plastique, recouvertes de papiers journaux, une sorte d'arbre fut érigée. A ses branches, fut pendus sur de petites feuilles, l'expression écrite des participants. Par exemple : « Ramasser les déchets dans le quartier me fait me sentir utile, ça fait du bien », « J'habite dans une déchet'ville », « impressionnant de trouver autant de déchets en si peu de temps », « C'est plus une ville, c'est une déchetterie », etc...
Au centre de l'expo, sur une palette, quatre maquettes furent exposées. Chaque maquette représente une saison de l'année.
C'est une production artistique sans rien acheter, juste en recyclant des objets, récupérés dans les ateliers de l'ESAT.
Pour tous les participants, usagers et professionnels, cette aventure artistique et citoyenne, relève de l'inclusion sociale, de l'intégration sociale.
En effet, une personne témoigne : « Les gens ne me voient plus différemment, ils voient juste quelqu'un qui ramasse des déchets. »
Et surtout, elle permet à toutes et à tous, de s'exprimer.
La création artistique n'est pas réservée qu'à une élite.
Au contraire, tout le monde a besoin de s'exprimer, tout en étant entendu.
Plus généralement, avoir une reconnaissance sociale, pour ses œuvres, pour ses actions et pour ses activités, c'est dans le monde moderne, pouvoir avoir une existence sociale.
Pour bien comprendre les fondements de notre société, il faut se référer à l'histoire de nos structures sociales. Avant l'avènement du capitalisme, dans le système féodal, les statuts sociaux étaient figés et héréditaires. Dorénavant, nous existons beaucoup plus dans le regard de l'autre et nous devons, perpétuellement, justifier notre être social.
Evoluer dans un environnement « sécure », qui reconnaît mes droits et mes compétences, permet de me « réaliser », de trouver une certaine place, où mon expression compte vraiment.
Dès lors, il ne faut pas seulement partager les richesses et le travail, il faut aussi partager le symbolique, ce qui fait « le prestige social ».
Et c'est aussi le travail des professionnels (soignants, travailleurs sociaux, etc...) de redonner une légitimité sociale, un crédit, à des personnes qui sont sorties « des clous de la sociabilité dominante ».
Le lendemain, nous sommes allés à un autre vernissage, à la Polyclinique de Saint-Laurent, intitulé : « Nos regards sur notre environnement ».
Des adhérents d'Atypick, des personnes accompagnées par le Service d'Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) d'Altaïr et des patients de la Polyclinique Saint-Laurent, ont réalisé tout un travail photographique sur le thème du lien entre environnement et santé mentale.
Chaque photo exposée dans les couloirs de la clinique, est accompagnée d'un texte, du photographe, qui met en contexte et explique, le cheminement artistique.
Au cours de cet après-midi, nous avons eu la chance de rencontrer les artistes et de pouvoir débattre avec eux. Au cours des échanges, on a senti l'importance de l'environnement sur nos existences. L'urgence écologique n'est pas vécue forcément de la même manière, mais toutes les personnes ressentent que l'environnement est en danger et finalement si fragile.
Là encore, ce vernissage est très important pour les participants. Ils ont été volontaires pour ce projet artistique et ne sont vraiment pas déçus d'y avoir participé. On a senti une fierté, un sentiment d'honneur, de pouvoir comme des pros, exposer leurs œuvres au public.
Même si les motifs de satisfaction sont très divers-sentiment d'utilité, activité apaisante, exécutoires- tous et toutes on fait s'éloigner la pathologie et/ou le mal-être, par une réalisation qui trouva un résultat palpable (l'expo).
Mais ce n'est pas être dans la flagornerie, de dire, que tout ce bouillonnement artistique n'a été possible que grâce à l'engagement et la sollicitude des professionnels des différentes structures. L'animation des ateliers photos et les sorties, ont été organisées dans un esprit d'ouverture et de sagacité, par des spécialistes de la santé mentale, qui ont su trouver dans leurs compétences-c'est un véritable métier-les moyens de faire émerger toutes les appétences. Dans les échanges, on a aussi senti que les personnes étaient considérées comme de véritables artistes et pas comme des malades. Surtout, les participants ont éprouvé une égalité de traitement, qu'on soit usagers de la psychiatrie ou professionnels en santé mentale.
Le soir, nous sommes allés au cinéma, voir le film « Douce France » à L'arvor. Ce film de Geoffrey Couanon, est un questionnement sur l'engagement et la politisation des jeunes générations, notamment sur les problématiques environnementales.
Via leurs professeurs, des lycéens sont amenés à réaliser une enquête sur un projet de centre commercial et de loisir : Europacity.
Au début, les jeunes n'ont pas vraiment d'avis. Mais au fur et à mesure des rencontres, avec les habitants, les promoteurs immobiliers, les agriculteurs et les élus, ils se rendent compte que ce projet les concerne, qu'un tel bouleversement de leur environnement, aura un impact réel sur leur vie.
En outre, à leurs âges, ils se posent beaucoup de questions sur leur propre devenir professionnel. Le sens de leur vie et le sens du monde s'entrechoquent.
Le film est aussi la maturation et la prise de conscience des choix politiques sur l'écologie, notamment sur l'artificialisation des sols.
Le réalisateur, Geoffrey Couanon, montre que « l'aller vers autrui », rencontrer des gens aux histoires et aux intérêts différents, permet de sortir de sa coquille et donc d'enrichir sa vision du monde.
Le modèle des grands centres de loisir et de commerce est donc remis en cause. Pas par une posture idéologique, mais par un cheminement politique, une ouverture qui crée des liens entre les choses.
Finalement, les jeunes se rendent compte que leur environnement, c'est leur affaire.
Après le film, nous avons eu la chance de profiter d'une mini-conférence, du chercheur Jordy Stefan, du centre de recherche Askoria, sur le rapport nécessaire entre l'environnement naturel et la santé. Ce fut une démonstration de force scientifique ! Le psychologue social prouve, par un raisonnement expérimental et des corrélations indubitables, qu'être en présence de la nature, cela engendre une meilleure santé mentale. De solides arguments pour tous les écologistes du monde !
Le jeudi 13 octobre, nous avons été conviés au centre social ty-Blosne, a assisté à la projection d'un documentaire, réalisé par Richard Ramangalahy.
Le réalisateur, intéressé par les questions de l'impact de l'environnement sur notre santé mentale, a donné la parole à diverses personnes, de façon éclectique, tout en voulant montrer la complexité des troubles psychiques.
Notamment, le docteur Elizabeth Sheppard, du CHGR, nous a synthétisé les différents facteurs environnementaux :
-l'importance de la famille
-le travail
-le milieu social et affectif
-la vie dans le quartier
-le sociétal
-le statut des pathologies psychiques
-Etc...
Immanquablement, le sujet de l'urbanisme fut abordé. Aujourd'hui, cela fait consensus (aussi grâce à de nombreuses études) que la ville ne peut pas rester une entité bétonnée et uniquement minérale. Des espaces verts, des arbres, des fleurs, des buissons doivent faire partie de nos vies, même dans les grosses villes. Bien sûr pour notre santé physique (la verdure diminue la pollution), mais aussi mentale (voir les études de Jordy Stefan).
Et l'urbanisme, c'est aussi penser la vie sociale.
Il faut éviter la construction de grandes tours et privilégier les petits collectifs. Préserver de grandes places pour accueillir les événements collectifs. Dans tous les quartiers, il faut des locaux municipaux, pour faire vivre le mouvement associatif, le sport et les loisirs. Et même si cela reste un peu symbolique, il faut faciliter l'installation de jardins partagés.
L'aménagement territorial (urbain et rural) doit combiner des rites sociaux inclusifs.
En effet, aujourd'hui, de nombreux jeunes ne peuvent pas faire la fête, car ils sont exclus des lieux de fêtes (par exemple, les boites de nuit). Dès lors, les municipalités doivent offrir des moments festifs, socialement ritualisés, pour que tous les types de population puissent se retrouver.
Et le soir, nous sommes allés au théâtre !
A la salle de spectacle ADEC, les participants de l'atelier théâtre du SAVS Altair, nous attendaient pour nous proposer leur création collective.
Grâce à la mise en scène de Sébastien Gallet (éducateur spécialisé au SAVS) et Agnès Genêt (art-thérapeute), nous sommes rentrés dans un drôle de monde, celui de la représentation théâtrale.
Notre santé mentale est assaillie par de très étranges phénomènes : les émotions.
Elles sont la force de l'humanité, mais elles peuvent aussi devenir un cauchemar.
En effet, si elles ne sont pas contrôlés, elles peuvent submerger le sujet, engendrant des souffrances et même parfois, des dissociations.
Ah, que pourrait t'on faire pour les maîtriser ?
Et bien, dans cette fiction théâtrale, les artistes apportent une réponse poétique. Il faut créer une entreprise qui les transforme et les recycle : « La fabrique Emoi »
Tout au long de la pièce, dans un burlesque délicieux, des travailleurs et des clients, font commerce des émotions, en les bricolant et les réparant, comme si c'étaient des marchandises.
Comique de situation, comique de l'absurde, décalages, la vie de cette entreprise nous embarque dans une poésie, où les comédiens, très généreux, foncent dans l'expression théâtrale.
Après la pièce, nous avons pu débattre pour savoir, qu'est ce qui rendrait le théâtre plus inclusif.
Faire du théâtre, cela doit rester un plaisir.
Même s'il est tout à fait naturel d'avoir le tract avant une représentation en public, il ne faut pas que l'activité artistique génère un stress trop important.
L'essentiel est que la personne, affectée ou non par des troubles psychiques, puisse sentir (notamment de la part du metteur en scène) qu'elle est capable de jouer un rôle et qu'elle a quelques talents à pouvoir le faire.
Le samedi 15 octobre, nous nous sommes rendu à une conférence débat, sur le trouble Borderline. L'association Borderline Espoir, organisatrice de l'événement, nous a proposé une action pour présenter le trouble et faire la part belle aux témoignages et aux échanges.
Mais qu'est ce que le trouble borderline ?
Existe-il-vraiment ?
Pour les membres de l'association, ils en sont convaincus, ce trouble est une véritable pathologie, au même titre que la bipolarité ou la schizophrénie.
Pour le démontrer et comme dans tout classement nosographique, ils mettent en avant plusieurs symptômes récurrents qui constituerait la maladie. Ils parlent d'impacts sur « l'humeur, la gestion des émotions, les relations et l'image de soi. Les personnes affectées de troubles Borderline souffriraient
donc de troubles névrotiques, comme l'hyper-réactivité émotionnelle, des difficultés relationnelles, une humeur labile, une perturbation de l'image et de l'estime de soi, etc...
Mais elles souffriraient aussi de troubles, dit psychotiques, comme des idées de persécutions et/ou des symptômes dissociatifs. Elles seraient donc aussi affectées par la « folie », que Foucault définissait comme la recherche des signes pour son égocentrisme.
Pour mieux comprendre ce trouble, peut-être faudrait-il rappeler qu'il fait partie des troubles de la personnalité.
Ce serait une sorte de disposition durable, acquise par des conflits dans le développement de la personne. Mais cette personnalité deviendrait pathologique en contact avec un environnement stressant. Des défenses se mettraient en place et elles engendreraient une perte de l'objet, une difficulté à s'orienter et à orienter ses sentiments. Comme dans une intersection, le sujet ne saurait plus où s'investir et où trouver de l'apaisement.
Le trouble Borderline, qu'il soit reconnu par certains ou non, interroge énormément.
Quelle est l'unité de tous ces symptômes ?
N'est-il qu'une construction sociale, propre à notre époque, à un type de culture, de pays ?
D'ailleurs, qui décide que tel trouble est une maladie ?
Les médecins, le DSM, les laboratoires, les institutions de régulations ?
Si l'on considère que l'élaboration scientifique, dans la psychiatrie, n'est pas qu'une affaire de raison et d'évidences académiques, mais est aussi le résultat de luttes entre acteurs, dans un champ spécifique, on peut essayer de regarder les choses différemment. Dès lors, les troubles et leurs définitions peuvent être considérés aussi comme des artefacts sociaux et des rapports de force, socialement situés.
Le trouble Borderline nous parle de personnes en souffrance, mais il indique aussi l'état de nos relations sociales et de l'environnement qui les sous-tend.
Oui, on peut se permettre de dire, même si cela reste schématique, qu'une société anomique et atomisée, favorise le trouble Borderline.
Sans nier la singularité de chacun et chacune, ni des différentes intensités des différents troubles, nous pouvons affirmer que nous sommes tous de plus en plus étrangers à nous-même, perdus dans un monde de plus en plus complexe. Et de ça, certains et certaines le transforment en une véritable maladie, voir même, un handicap.
Il faut donc reconnaître le normal et le pathologique, mais pour ouvrir des droits pas pour en faire une identité qui se replie sur elle-même et qui figerait l'individu dans une position discriminée.
Dès lors, il faut reconnaître les souffrances Borderline et aider les personnes, via notamment leurs associations, à donner des mots aux maux.
Le lundi 17 octobre, fut organisée par l'association d'usagers coop'1 service, une soirée intitulée : « Santé Mentale et Environnement ».
Des membres de l'UNAFAM et de l'association thérapie et vie sociale sont venus témoigner, faire partager leurs expériences et aussi donner des éléments d'explication sur l'impact environnemental sur notre santé mentale.
Notamment, Anne-Marie Kerjean, délégué UNAFAM 35, nous a fait remarquer fort judicieusement, qu'il fallait prendre en compte l'aspect diachronique des maladies psychiques.
En effet, même si une personne sort de la spirale infernale de la pathologie, elle peut encore souffrir des conséquences de la maladie. Si les troubles ont été sévères et qu'ils ont malmenés l'être social, en isolant fortement la personne, « l'ancien malade » se retrouve dans une situation sociale très appauvrie.
En effet, pendant cette période de maladie, il n'aura pas pu se faire des amis-où même les conserver-, il n'aura pas pu développer son réseau social et professionnel, il n'aura pas pu s'investir dans le sport et les loisirs, etc... Une perte sèche de capital social !
A cet égard, il ne faut pas considérer l'environnement comme seulement une donnée du présent, mais aussi comme une production du passé.
C'est pourquoi, il faut envisager le rétablissement comme un processus assez long, qui nécessite du temps pour que les « dividendes sociaux » de la résilience, puissent se transformer en acquis durables, en un environnement social et affectif, favorisant une bonne santé mentale.
Le mercredi 19 octobre, nous nous sommes rendus au GEM-L'Antre 2, pour partager un moment d'échanges et de débats, autour de la projection du court-métrage « L'envers du décor ».
Ce petit film, réalisé par les adhérents et sympathisants de l'association, nous fait voyager dans les différents environnements, que la vie humaine nous fait accéder.
Pourquoi est ce qu'on se sent mieux dans certains lieux et mal dans d'autres ?
Souvent, cela reste indicible, on ne sait pas pourquoi. L'ambiance, l'athmosphère nous rend heureux ou alors c'est le cadre naturel. Certains se sentent tout de suite bien à la montagne, d'autres à la mer ou en forêt.
En outre, un environnement est souvent lié à une activité.
Même si notre relation à notre environnement reste très subjectif, il est indubitable que certains environnements ne peuvent être que négatifs. Par exemple, l'ouvrier qui travaille à la chaîne, dans le froid et le sang, pour l'industrie agro-alimentaire. Ou le passionné de plongée sous-marine, qui au fil des décennies, plonge dans une mer de plus en plus acide et sans vie, où la faune et la flore disparaissent.
Ainsi, protéger notre cadre de vie, défendre la possibilité d'une connection avec la nature, c'est lutter pour une bonne santé mentale.
Pour finir cette SISM, le jeudi 20 octobre, nous nous sommes rendus à l'auditorium des champs libres, pour se poser cette question : « L'éco-anxiété, un nouveau trouble psychique ? »
Cette soirée co-organisée par l'UNAFAM 35 est d'une brûlante actualité. Le déréglement climatique ne fait plus de doutes : sécheresses, innondations, tempètes, disparition de la bio-diversité, etc...Et nous venons d'avoir un mois d'octobre anormalement chaud.
Comment ce désastre écologique modifie notre santé mentale ?
Peut-on parler d'une nouvelle pathologie : l'éco-anxiété ?
Le docteur Brigitte Guillerm-Marc, psychiatre et pédo-psychiatre, nous a permis d'entamer une réflexion sur le sujet.
Le bouleversement climatique, qui devient de plus en plus concret pour les gens, peut donc entraîner des troubles anxieux. Une peur, une frayeur face à l'avenir.
Bien sûr, face à cette réalité apocalyptique, les personnes, selon leur psychisme, vont réagir différemment.
Comme dans la fameuse chanson D'Antoine : « J'y pense, puis j'oublie », certains ne vont pas nier la menace, mais vont s'attacher à une certaine distance et fatalité, pour ne pas en souffrir, psychiquement.
D'autres, en toute lucidité, vont en faire un objet politique et donc politiser leurs inquiétudes. Ils vont donner sens à cette catastrophe suicidaire, en activant un militantisme, quel qu'il soit, mais qui est une réponse rationnelle à un danger.
Enfin, d'autres, vont être dépassés par l'anxiété et vont déprimer.
Au lieu de faire face, ils vont se sentir tellement impuissants, qu'ils vont réagir à cette agression, par des mécanismes de défenses, qui engendrent souffrance et délitement personnel.
Faut-il classer cette manifestation dans la nosographie psychiatrique ?
En tous cas, la nouveauté de ce trouble psychique, appelle des réponses thérapeutiques nouvelles.
Même si ce trouble semble faire partie des troubles anxieux, il n'est pas un TAG(troubles anxieux généralisés), pas un TOC (trouble obsessionnel compulsif), ou même un trouble phobique, etc...
Alors qu'est-ce que c'est ?
La situation anxiogène, le monde va s'effondrer et peut disparaître, engendre un trouble d'incapacité, comme si le danger ne pouvait être évité.
L'éco-anxiété semble donc exiger une prise en charge spécifique.
On ne sait pas très bien comment. Peut-être qu'une psychothérapie, centrée sur le travail d'une quête de sens personnel, pourrait correspondre à toutes ces angoisses de « finitude ». En fait, il nous faut répondre à cette question des temps modernes : qu'est-ce que je veux dans ce monde ?
Ainsi, cela permettrait peut-être de sublimer ce monde qui s'auto-détruit.
Trouver une « cause », des significations, qui chassent la culpabilité et la « solastalgie ».
Durant toute cette SISM, le thème de l'environnement nous ait apparu assez plurivoque.
Tantôt, il apparaît comme un cadre physique, bien solide, tantôt il est ressenti comme un cadre politique et social.
Et bien-sûr, de plus en plus, il est cet environnement naturel, qui fait face à un système économique, financier, mondialisé qui nous paraît si inéluctable et hors d'atteinte.
Des processus irréversibles, de destructions de la bio-diversité, de réchauffement climatique sont maintenant bien évalués. Ainsi, nous réalisons que le temps nous est compté. Si nous ne faisons rien maintenant et très prochainement, ce sera trop tard. Avouez qu'il y a de quoi s'inquiéter...
Comment dans un monde ou chaque pays à des intérêts économiques divergents, pourrait on trouver un intérêt mondial (et donc une politique économique mondiale), seul capable de transformer nos modes de production, vers une économie réellement écologique ?
Mais le côté positif à cette menace si dantesque, c'est qu'elle crée une réelle intégration.
En effet, alors qu'avant l'écologie, on pouvait considérer la société comme fondamentalement divisée en classes sociales antagonistes, la politique ne semblait servir qu'un camp ou un autre. Désormais, comme nous n'avons pas de planète de rechange, nous allons être obligés de trouver d'autres rapports sociaux de production, pour des solutions globales et internationales.
Et toutes ces évolutions, ces transformations radicales, façonnerons une autre santé mentale.
Un être humain de retour dans la nature, dans un monde revenu à l'essentiel et où les relations sociales et économiques seront l'oeuvre de petites communautés. Enfin, on peut toujours rêver ! Il paraît que cela fait du bien à la santé mentale...
Café rencontre de l'UNAFAM 35 :
La médiation pour aidants et aidés
de l'UDAF d'Ille-et-Vilaine
le 15/06/2022
La maladie psychique n'affecte pas que la personne qui la vit. Souvent, elle bouleverse sa famille. Elle peut même la déchirer.
Tout d'abord, au début de la maladie, c'est un choc :
Comment mon enfant peut-il être concerné par la folie ?
Qu'est-ce qu'on a fait de mal pour en arriver là ?
Sommes-nous de mauvais parents ?
Avons-nous mal éduqué notre enfant ?
Etc...
Si l'on parle beaucoup de dénie et d'acceptation de la maladie de la part du malade, la famille doit aussi accepter un trouble si tabou et si stigmatisé.
Et face à un désarroi implacable, les relations familiales peuvent se détériorer, et même se transformer en tensions et en conflits.
Malheureusement, certains parents nient la maladie et n'arrivent pas à comprendre qu'il ne s'agit pas de mauvaise volonté ou de comportements déviants, mais d'une véritable maladie.
Ensuite, même pour la famille qui réussit à cheminer vers une prise de conscience du caractère pathologique de ce qui arrive à leur proche, les difficultés sont immenses.
Sachant que la psychiatrie est très loin d'être une science exacte et que le plus souvent, on « tâtonne », des désaccords sur la prise en charge de la personne peuvent apparaître :
Faut-il pousser notre enfant à intégrer un centre psychothérapeutique ?
Faut-il qu'il ait son propre logement indépendant ?
Faut-il le pousser à travailler ?
Faut-il insister sur la prise des médicaments ?
Etc...
Et puis surtout, aider une personne en troubles psychiques, demande du temps et de l'énergie. On peut vite reprocher à l'autre, de ne pas s'engager assez pour la personne.
Heureusement en France, la famille n'est pas livrée à elle-même. De nombreux professionnels interviennent, de manières très différentes, pour soigner, accompagner, et surtout aider au rétablissement. Vu la complexité des troubles et la singularité de tout être humain, il n'existe pas de chemin tout tracé, qui conduirait à des solutions miraculeuses.
Il n'empêche que la famille a aussi besoin d'aides.
Avec ce café-rencontre, l'UNAFAM 35 a voulu mieux faire connaître le dispositif « médiation pour aidants et aidés »de l'Union départementale des Associations familiales d'Ille et Vilaine, l'UDAF.
Les professionnels de l'association ne sont pas dans une démarche psychothérapeutique, de formation ou encore d'accompagnement social, mais dans un travail sur les relations interfamiliales. Ces dernières sont immanquablement pétries d'affectifs, ce qui peut engendrer une perte d'objectivité. Il peut alors être très précieux d'avoir recours à une tierce personne, qualifié et neutre, pour servir de médiation.
La méthode de la médiation
Déjà, les professionnels de l'UDAF, agissent en toute humilité. Ils et elles ne sont pas là pour asséner des vérités, ou dire aux familles ce qu'elles doivent faire.
Non, ils sont là pour que les membres de la famille puissent communiquer, (re)nouer le dialogue, en s'appuyant sur leurs compétences d'aidants familiaux.
Mais au fait, c'est quoi une famille ?
Une famille est un organisme vivant. Chaque membre y occupe une position et opère des compromis, des ajustements pour assurer la continuité, la pérennité des relations familiales. Mais si les tensions supplantent les harmonies, le fonctionnement familial et sa régulation, peut se déliter et déboucher sur des souffrances et des conflits.
Bien sûr, il n'existe pas de familles universelles et atemporelles. Chaque famille se constitue selon les époques, les cultures et les catégories sociales d'appartenances. Mais en Occident, aux 21 siècles, même si la famille a beaucoup changé, elle reste, pour beaucoup, un soutien prépondérant. Au niveau financier, elle peut permettre un filet de sécurité (même si heureusement, en France, la personne souffrant de troubles psychiques peut toucher l'allocation pour adultes handicapés)
Et surtout, face à la possible perte d'autonomie du proche, à son isolement et à tous les affres liés aux troubles, la famille peut apporter un soutien moral et des aides pratiques.
D'ailleurs, pour illustrer l'importance de la famille, on peut faire remarquer que quand la personne vit une crise très forte, qui souvent requière une hospitalisation, c'est la famille, en dernier recours, qui se charge d'aider et d'accompagner. Rarement, le cercle amical.
L'action des médiateurs de L'UDAF
Les médiateurs\rices veillent à clarifier les places et les rôles de chacun face à la maladie psychique du proche.
En étant réellement à l'écoute et en identifiant les besoins, les professionnels peuvent faire émerger des problématiques, propres à la singularité des familles, permettant une reconfiguration des attentes et des ressentis. Il s'agit là, de trouver des solutions, construites ensemble.
L'action de l'UDAF se fait par étapes.
Tout d'abord, elle propose à la famille une réunion d'information gratuite, pour expliquer la démarche de la médiation familiale et voir si elle peut être utile.
Puis, elle met en place des séances, (individuelles ou conjointes ou familiales), où grâce à des outils professionnels, les intervenants vont tenter de démêler les « noeuds » des interrelations familiales, c'est-à-dire toutes les raisons qui ont pu fragiliser la vie familiale.
Et pour ce qui concerne la maladie psychique, plus les aidants familiaux auront travaillé sur eux-mêmes, plus ils pourront aider leur proche.
Les services proposés par l'UDAF sont adaptés aux difficultés rencontrées par les familles confrontées à la maladie psychique d'un de leurs proches car, souvent, elles répondent à un besoin de « réorganisation » face à la déflagration du trouble psychique. En effet, si les membres de la famille veulent aider leur proche, il est nécessaire que les liens familiaux évoluent, de façons adaptées, pour que l'intégration familiale perdure. Concrètement, il faut réellement prendre en compte la maladie, en aidant, mais sans infantiliser. Il faut trouver comment le rôle de père, de mère, de frère, de sœur peut avoir un sens, une utilité, pour que cette altérité, le trouble psychique, n'annihile pas la place du malade dans la famille.
La famille moderne, individualiste, contractuelle, aux statuts mouvants, appelle des solutions beaucoup plus circonstanciées et négociées qu'avant, où le dialogue est indispensable.
Aider les familles permet de sauver un socle de solidarités, pour une personne en souffrance, trop souvent livrée à elle-même, dans des organisations sociales toujours plus excluantes.
UDAF 35
Tél : 02 30 03 95 80
Mail : mediationfamiliale@udaf35.unaf.fr
Site internet : www.udaf35.fr
Inauguration d'une œuvre de la Maison Des Usagers (MDU)
En France et à Rennes, il existe une multitude d'associations qui oeuvrent pour aider les personnes affectées de troubles psychiques. Souvent bénévoles, ces militants en santé mentale, se sont forgé la conviction qu'il fallait (re)-trouver un pouvoir d'action et d'expression.
Ils participent activement, aux côtés des divers partenaires, à rompre le cercle de l'isolement et de la « débrouille » individuelle.
Mais qui aide ces associations ?
A Rennes, au Centre Hospitalier Guillaume Régnier (GHGR), il a été décidé de créer une maison pour tous ceux (pas que les usagers), qui cherchent des informations sur l'offre associative Rennaise ou/et qui ont besoins d'une écoute et de conseils. Bien sûr par le biais des associations, mais aussi grâce aux structures institutionnelles, comme par exemple, l'Ordre des avocats/Barreau de Rennes.
Ainsi, en centralisant toutes les ressources dans un même endroit, on permet un meilleur accès à la vie associative et aux structures d'accompagnement.
Cela favorise aussi la rencontre des différents acteurs en santé mentale, de divers horizons, comme le sujet de la dépression, de la bipolarité ou encore des addictions, etc...
Et à l'heure du tout numérique, heureusement qu'il existe encore des lieux « réels ». En effet, on ne pourra jamais réduire la vie sociale et ses si curieuses interactions, à des échanges purement virtuels. On aura toujours besoin de la présence humaine, qui seule, peut engendrer des liens sociaux, bien plus forts que la fatuité des réseaux sociaux.
Et donc, le jeudi 25 Novembre 2021, eu lieu l'inauguration d'une œuvre artistique, sur un panneau d'information de la MDU.
Pour cette création, l'idée a été de valoriser la créativité des usagers du CHGR.
Donc, ils ont pu participer à la réalisation de ce panneau, pour une maison, qui leur est dédié.
Sous l'impulsion et l'accompagnement de deux artistes professionnels, Eric Mahé et Anna Boulanger, membres de l'association l'Atelier du Bourg, ils ont su travailler ensemble, coopérer et « s'apprivoiser » pour finaliser cette œuvre. Grâce à six ateliers, ils ont appris les techniques de sérigraphie et développer leurs compétences et savoirs-faires artistiques.
On apprend toujours mieux en réalisant un projet concret, que par des formations trop scolaires.
Lors de cette matinée, les artistes professionnels et les participants nous ont expliqué le sens qu'ils donnaient à cette expérience.
Les artistes sont ravis de partager leur art et de démocratiser son accès. Ils ont bien souligné que leur rôle n'était pas de produire des injonctions artistiques, des cadres, mais de faire venir le goût de l'esthétique, une certaine harmonie universelle, en « outillant » les désirs et l'expression.
Et les participants ont apprécié !
Une d'entre elles a pris la parole pour témoigner de sa gratitude devant la sollicitude des organisateurs et des intervenants.
Cette collaboration montre que le travail en partenariat, ça marche !
L'hôpital psychiatrique a tout à gagner à s'ouvrir à la société civile : artistes, dispositifs culturels, associations en tout genre, etc...L'institution psychiatrique ne doit pas être mise sous cloche et renouer avec son passé autarcique.
Plus il y aura de gens extérieurs qui interviendront, plus cela favorisera la déstigmatisation des troubles psy.
Et pour l'usager, c'est une aubaine. Celle de se sentir, non pas une personne psychiatrisée, à part, malade, mais un citoyen, un individu qui a certes besoin de soins, mais qui a surtout besoin d'une « enveloppe sociale », qui a besoin de ne pas se sentir seul.
Au CHGR et ailleurs, il faut multiplier ce type d'initiatives, où les décideurs font appel à la participation des usagers, en leur donnant une réelle place.
Cela ne coûte pas un centime de tendre la main aux usagers, en organisant une approche, une culture où chacun (usagers, professionnels, entourage du patient) peut trouver les moyens, les outils pour lutter contre les souffrances psychiques.
En revanche, il faut de l'argent (mais cela ne mettra pas en péril le budget de l'état) pour que le service public de la psychiatrie ne soit pas cantonné à gérer la pénurie, mais qu'il puisse investir dans tous les talents humains !
La Maison des Usagers/ CHGR-Rennes
Tél : 02.22.51.41.25
Courriel : maison.usagers@ch-guillaumeregier.fr
32 Semaine d'information sur la santé mentale (SISM) à Rennes
du 2 au 15 octobre 2021
pour ma santé mentale, respectons mes droits !
La santé mentale et à fortiori la psychiatrie, restent des sujets tabous. Pour des personnes affectées par des troubles psychiques, il faut un sacré courage, pour oser en parler ouvertement.
Mais ce n'est pas une fatalité. Si l'on dépasse une expression individuelle, que l'on se regroupe, qu'on s'organise, on peut, ensemble, trouver dans la force du collectif, dans la dynamique humaine, les moyens de s'exprimer avec moins de peur. C'est le principe de la SISM.
Et s'exprimer, en étant entendu, c'est recevoir une reconnaissance sociale.
En effet, les personnes psychiatrisées subissent une double peine. En plus de souffrir terriblement de leur pathologie, elles sont reléguées, pour les plus affectées, à une quasi inexistence sociale.
Bien sûr, me direz vous, la « maladie » psychique éloigne des autres. La psychose impose cette inextricable difficulté du rapport à l'autre.
Et pourtant. Le rétablissement du sujet ne peut que passer par une (ré) -intégration sociale.
Et même si les psychothérapies et les médicaments, sont de puissants leviers pour se dé-coller des troubles, ils ne suffisent pas. Le « malade » a comme tous les êtres humains (ces êtres si sociaux), besoin d'un « autrui » approbateur et encourageant.
La question psychique, même si elle est d'abord une question individuelle, en rapport avec sa propre existence, revêt indéniablement, une dimension collective et politique.
Dans un monde de plus en plus complexe, où les relations humaines sont de plus en plus distendues, beaucoup se perdent dans la jungle des sociétés humaines : décalages entre les discours et les actes, injonctions paradoxales, hypocrisies, manipulations, exploitations, etc...
Qui est fou ? L'individu ou la société ?
Comment trouver un sens à sa vie quand le monde ne semble en avoir aucun ?
Mais face à cette guerre de chacun contre tous, les résistances collectives ont imposées une autre logique : celle des droits humains.
Depuis le début du mouvement ouvrier jusqu'à aujourd'hui, une lutte acharnée, variable selon les périodes, a revendiqué le droit à la dignité et au respect.
Et les droits n'apportent pas que la justice sociale et le partage des richesses, il contribuent aussi à une meilleure santé mentale.
En effet, le psychisme n'est pas qu'un cerveau à réguler. Il a besoin irrémédiable de reconnaissance sociale et de sécurité.
Contre le stress, bien sûr, il faut pouvoir satisfaire ses besoins élémentaires (pouvoir se nourrir, avoir un logement, etc...).
Mais pas que.
Le droit à une existence sociale, à la possibilité « d'être au monde » est nécessaire, si nous ne voulons pas avoir des vies aseptisées, pauvres, insipides, factices, qui nous font crever d'ennuis et de solitude.
Et donc cette année, la SISM de Rennes avait pour thème : « Pour ma santé mentale, respectons mes droits ».
Comme tous les ans, il devait se tenir le Forum de la SISM, place de la mairie. C'est un moment convivial, où beaucoup de personnes du « milieu » Rennais en santé mentale aiment se retrouver. Et c'est surtout une occasion « d'aller vers le public », pour expliquer la démarche de la SISM et les actions qui vont avoir lieu.
Mais cette année, à cause d'une pluie battante et de très fortes bourrasques de vent, le forum a du être annulé. Heureusement, abrité par les murs de l'Arvor, le ciné-débat, lui a été maintenu.
Nous avons visionné le film « Hors les murs » d'Eric Tolédamo et Olivier Nakache.
Cette fiction, inspirée de l'histoire réelle de deux associations, nous parle de la prise en charge des personnes affectées d'autisme sévère, dont plus personne ne veut.
Mais la grande originalité de cette aventure rocambolesque, c'est la rencontre de jeunes « issus de quartier difficile » avec d'autres jeunes en grande difficulté de communication, en troubles autistiques.
Ainsi, on propose à certains (jeunes un peu « désocialisés ») de s'insérer en insérant les autres (des jeunes qui semblent ne plus avoir de socialisation).
Le film pose aussi la question de l'engagement des travailleurs sociaux et professionnels du soin.
Jusqu'où on peut aller dans la réalisation de ses missions ? Peut-on, petit à petit, sacrifier sa vie privée, pour trouver des solutions à tous ?
En outre, le film évoque la rencontre des altérités, la perception des étrangetés.
En fait, nous sommes tous des étrangers. De quelque chose. De quelqu'un.
Au cours du débat qui a suivi, certaines personnes se sont alarmées du manque de structures adaptées et des formations insuffisantes.
Le lundi 4 octobre, s'est tenu une table-ronde, organisée par l'UNAFAM 35, association de l'entourage de personnes malades et/ou handicapées dans leur psychisme.
Cette soirée fut très intéressante à plus d'un titre. D'abord, elle a permis un véritable regard croisé des différentes professions. Ensuite, elle a permis d'apprendre des choses très pratiques, pour tous ceux qui rencontrent des difficultés dans l'exercice de leurs droits (dont les professionnels qui accompagnent les usagers).
En effet, les personnes souffrantes de troubles psychiques ont souvent besoin d'un accompagnement social.
Et ce dernier passe par des droits fondamentaux.
Le plus important est sans doute le droit à un revenu : l'allocation adulte handicapée.
Il faut rappeler que ce revenu alloué à une personne en situation de handicap, n'est pas juste de l'argent.
En effet, elle est une véritable solution thérapeutique.
Bien sûr, elle permet de supprimer les angoisses, liées à la survie économique (se nourrir, se loger, se vêtir, etc...).
En outre, elle procure une autonomie vis-à-vis de sa famille. En effet, la dépendance financière n'aide pas au rétablissement. Au contraire, elle exacerbe les conflits, produit de l'infantilisation et peut aggraver toutes les régressions affectives. Par exemple, si un patient fume beaucoup de tabac (et vu le prix exorbitant de ce produit psycho-actif), ses parents qui l'entretiennent, peuvent s'insurger contre cette dépense et cela peut provoquer de vives tensions. Mais si la personne a son propre revenu, elle fait ce qu'elle veut de son argent. Du coup, le conflit avec ses parents, sur ce sujet, va s'estomper. Et un conflit de moins, c'est toujours ça de gagné !
Mais la question sociale posée par les troubles psy dépasse le seul droit à un revenu.
Souvent, la personne qui développe une pathologie psy, a besoin d'une prise en charge, pour l'aider à faire face à une certaine précarité, au sens d'une désaffiliation sociale. On doit donc l'aider à (re) trouver un logement, une vie sociale et une activité professionnelle, quand c'est possible.
Comment ?
Tout d'abord, la réponse sociale doit être adaptée aux besoins et à la situation de la personne, dans toute sa singularité. Il n'existe pas de « recette magique », qui pourrait être appliquée à toutes les histoires humaines.
Dès lors, pendant cette soirée, ce fut très intéressant de croiser les regards des différentes structures.
-La MDPH 35
-Le CDAS (antenne de Rennes Centre)
-ADEL
-SEA35
-SAVA itinéraire bis
-CIO
-EMPP du CHGR
-WE CARE(mission locale)
Que peut-on en retenir ?
D'abord une problématique :
Que doit-on faire d'abord ? D'abord soigner ? D'abord trouver une solution sociale (un logement par exemple) ?
C'est là qu'il faut bien comprendre la nature, la spécificité des troubles psy, notamment celle des troubles psychotiques.
On peut illustrer cette subtilité, par un exemple assez probant. C'est l'histoire d'une personne à la rue, qui souffre de « schizophrénie paranoïde ». Grâce à des travailleurs sociaux, elle réussit, vaille que vaille, à trouver un petit logement indépendant. Elle est vraiment ravie. Mais ses graves difficultés psychiques n'ont pas été réglées. Peu à peu, elle se sent très seule (comparé à la vie dans la rue, où il y a toujours des gens à qui parler). Elle va mal et ses symptômes psychotiques réapparaissent. Au bout d'un moment, elle est persuadée que derrière les ampoules de son appartement, il se trouve des micros et des caméras qui l'espionnent. Elle se sent opprimée et décide de quitter son logement, elle qui avait tant fait pour l'obtenir.
Cette histoire de vie montre que pour une personne affectée de troubles psy sévères, l'action sociale est insuffisante. Il faut aussi soigner la personne. Avant ? Pendant ?
Encore une fois, il ne faut pas généraliser, mais il semblerait que le plus bénéfique serait de faire les deux en même temps : le social et le soin. En tout cas, trouver une bonne adéquation, une bonne alchimie entre les deux dimensions.
Le mercredi 6 octobre, a eu lieu, dans les locaux du GEM L'Antre 2, la restitution et l'analyse de témoignages, sur le thème : « C'est du soin, si c'est contraint ? »
Des membres et des amis de l'association ont voulu, de façon autonome, parler de l'hospitalisation psychiatrique.
Leur démarche, d'une sincérité et d'un grand sérieux, a été de mener un travail d'enquête, en associant le maximum d'usagers.
Comme on pouvait s'y attendre, le constat est plutôt amer.
Beaucoup de personnes ont vécu l'hospitalisation comme une épreuve, avec parfois des situations traumatisantes (contentions, chambres d'isolement, pyjama bleu, non-accès aux effets personnels, etc...).
Surtout, ils n'ont pas eu l'impression d'être soignés, mais plutôt d'être gérés. Beaucoup regrettent un manque d'écoute et surtout un manque de disponibilité du personnel.
Mais cette soirée ne fut pas une charge contre l'hôpital. Plutôt une invitation à débattre et à trouver des solutions, ensemble. D'ailleurs à la fin de l'exposé, il fut proposé une liste de propositions, pour améliorer le « système ».
Donc, voici quelques propositions des adhérents et des amis du GEM L'ANTRE-2 :
-Arrêt immédiat des contentions et des camisoles chimiques.
-Repenser les politiques de santé publique en faveur du soin et du rétablissement.
-Augmenter les moyens alloués à la discipline, surtout et avant tout les moyens humains.
-Réinstallation d'une formation spécifique pour les infirmiers.
-Soutenir les professionnels qui s'investissent, innovent et proposent des alternatives de soin basées d'abord sur la relation humaine.
-etc... (pour la suite des propositions, voir le livret)
A la fin de la soirée, on distribua à tous les convives, un petit livret, présentant tous les contenus du travail effectué.
Dès lors, la volonté de ceux qui ont réalisé cette production, c'est bel et bien de prolonger le débat. Si vous êtes intéressés par le sujet, vous pouvez contacter le GEM L'Antre 2 : gemlantre2@yahoo.fr
Pour qu'en France, un pays riche, qui se définit par les droits de l'homme, on aboutisse à des soins de qualité et que même entre quatre murs, on respecte mes droits !
Et d'ailleurs, les usagers regorgent de ressources et de créativité.
Cela a été aussi illustré le vendredi 8 octobre, à l'hôpital de jour de la Thébaudais. Les patients de la structure, dans une œuvre vidéo, ont exprimé librement, toute leur soif d'avoir des droits.
La configuration retenue fut : une personne, une musique, un droit.
En effet, pour chaque bénéficiaire, le droit à une figure différente.
Pour certaines et certains, c'est le droit à la reconnaissance : « droit au respect », « de parler et d'être écouté », « d'être tel que je suis », « d'être aimé tel que je suis ». Pour d'autres, c'est le droit à certaines activités : « droit d'avoir des vacances », « droit de danser », etc... Ou encore, c'est le droit à une certaine identité : « droit d'être moi », « droit d'être une femme », « droit d'être breton », « droit d'être malade », etc...
Après cela, nous avons partagé un verre et quelques petits gâteaux.
Pour beaucoup, ce fut aussi l'occasion de découvrir les nouveaux bâtiments de la thébaudais, flambants neufs.
Et bien sûr, nous échangeâmes sur l'oeuvre des patients, et plus généralement, sur le sens des droits pour les usagers. En effet, obtenir des droits, cela peut aussi donner un sens à son existence. Et pour certaines et certains, cela passe par une dénonciation des conditions de vie.
Ainsi, le 9 octobre, à la maison des associations, l'association Borderline Espoir, forte de ses convictions très marquées, a voulu parler des maltraitances en milieu psychiatrique.
A l'aide de courts extraits de film, les différentes personnes présentes, ont pu réagir à des situations que l'on peut rencontrer en psychiatrie. Et encore une fois, ce qui rejaillit dans les débats, c'est le manque de reconnaissance. Et même des fois, une réelle indifférence, voir pire.
Sur ces sujets très sensibles, certaines personnes, se sont senties mal à l'aise. Il est vrai que certains extraits de film étaient assez rugueux et ne présentaient pas assez la genèse et la complexité des prises en charge. Parfois, l'expression fut un peu trop binaire.
Mais cela a quand même permis des débats riches et une expression autonome et dissonante.
Après cette rencontre, le soir, à l'association Bourg l'Evêque, l'état de la psychiatrie fut aussi évoqué.
Mais cette foi-ci, ce qui a été mis en exergue, c'est le traitement médiatiques des troubles psy.
Ce travail, issu du sous-groupe médias du GT participation citoyenne du CRSM, a pour but la déstigmatisation des troubles psy.
Elle s'attaque à un des principaux vecteurs des représentations sur la psychiatrie : les médias. Les préjugés, les fantasmes et les méconnaissances, sont très souvent alimentés par les journaux, les chaînes de télé, les réseaux sociaux, etc...
Pourquoi toutes ces facilités et ces raccourcis ?
Pourquoi parler de certaines catégories de personnes (les patients, les psychiatrisés, etc...), sans quasiment jamais partir de leur vécu et de leurs points de vue ?
Pourquoi caricaturer tout un secteur, la psychiatrie, en reproduisant toujours les même schémas de pensée (le fou, l'idiot, etc...) ?
Pourquoi un tel décalage, entre ces représentations médiatiques et ce que vivent les gens (les usagers bien sûr, mais aussi les professionnels, l'entourage) ?
On peut penser que pour eux, la psychiatrie ne serait qu'un moyen de jouer sur les peurs et de nourrir le sensationnalisme (source d'audimat).
Face à ce mur médiatique, Sarah Jolly (usagère et autrice) et Thierry Beucher (metteur en scène) nous lancent un défi. Et si la création théâtrale-le théâtre documentaire-pouvait fissurer l'emprise médiatique dominante ?
L'idée est que la dé-stigmatisation par les seuls arguments rationnels a ses limites. Peut-être que l'association de documentaire et de l'art, peut permettre de toucher d'autres sensibilités.
En effet, beaucoup d'usagers de la psychiatrie se sentent incompris. Comment expliquer l'apragmatisme, l'ambivalence, les hallucinations, etc... ?
Peut-être que le partage d'émotions (pas que des idées), via le théâtre, pourra apporter un « saisissement », un ressenti, un chemin vers l'empathie.
En tout cas, le travail de Thierry et celui de Sarah, pugnace et très fourni, nous font espérer un autre possible, dans l'approche et les représentations des troubles psy.
D'ailleurs, à cette soirée, leur travail nous a déjà paru très abouti. Cela laisse augurer, que la représentation définitive, sera d'une excellente facture.
Ensemble et grâce à la créativité de chacun et chacune, nous pouvons créer des contre-pouvoirs symboliques et artistiques, qui participent au droit le plus essentiel : celui de la dignité.
D'ailleurs, à Rennes, le questionnement culturel sur la santé mentale, anime beaucoup de structures et de personnes.
Le mardi 12 octobre, ce fut l'occasion d'en débattre et de confronter diverses expériences. Cette rencontre, organisée par la fédération Santé Mentale France, fut animée par Dominique Launat.
Comment l'accès à la culture permet-elle une meilleure santé mentale ?
Et d'abord, en quoi la culture est source de réalisation personnelle ?
En effet, si l'on parle beaucoup de partage des richesses et de pouvoir d'achat, on omet souvent le partage de la culture et le pouvoir de faire culture. C'est comme si la culture était accessible à tous, naturellement. Il suffirait de le vouloir.
Or les sociologues, notamment Pierre Bourdieu, ont bien montré que la culture était aussi un « capital » et que son appropriation et sa légitimation, est une lutte de pouvoir et de domination.
Quel rapport avec la santé mentale ?
Par rapport aux pathologies et si l'on accepte que le but des prises en charge n'est pas que la rémission de symptômes, mais le rétablissement de la personne, alors on doit s'intéresser à la situation culturelle du sujet.
En effet, les troubles psychiques sont aussi la difficulté, la discordance du lien social.
Or, l'intégration sociale et le retour à l'estime de soi, passe par une signification culturelle, une place, dans les interactions sociales.
En effet, ne pas maitriser les codes culturels, ne pas comprendre les enjeux culturels, concourt souvent à une exclusion sociale. Pas au sens de ne pas avoir d'amis ou d'être très seul. Non, au sens d'une délégitimation sociale et donc d'une mauvaise estime de soi. Et cela vaut pour tout le monde.
Dès lors, toutes les réalisations qui permettent de ré-ancrer une personne dans quelque chose de « culturelle », participe à une réelle insertion sociale, une existence sociale.
En outre, la culture n'est pas un bloc homogène, elle dépend aussi des catégories sociales, des groupes.
Et si on ne valorise que la culture dominante, celle des classes dominantes, la construction identitaire des plus éloignés à ces normes, peut souffrir d'une « démonétisation » sociale. Cela peut engendrer du rejet et donc de la souffrance mentale.
Donc, partager la culture, c'est aussi accepter que les « distinctions » culturelles ne sont pas naturelles, mais socialement construites.
Dès lors, ne pas reconnaître la valeur des systèmes culturels des catégories marginalisées et/ou psychiatrisées, c'est aussi enfermer ces personnes, dans une certaine mesure, dans la maladie.
De façon beaucoup plus évidente, on sait que la culture dépend aussi des pays, des nationalités.
D'ailleurs, lors de cette rencontre SISM, on a donné la parole à des migrants, accueillis par le centre de formation pour adultes CLPS. On leur posa cette question : « Qu'est-ce qui pour vous, en France, est vraiment différent ? »
Une réponse marqua les esprits : « Ici, c'est la paix ».
Edifiant, si on considère qu'en France, à quel point on nous rabâche les oreilles, sur le fait que notre société serait ultra-violente, en quasi-guerre sociale et que des mesures très sécuritaires s'impose à nous.
S'ouvrir à d'autres cultures, c'est aussi le moyen de relativiser toutes ces « doxas », de mieux saisir les manipulations symboliques, pour avoir un avis politique plus éclairé.
Lors de cette action, la projection du film « Ce foutu cube » de François Possémé » nous a permis de nous interroger sur la dimension artistique du rétablissement.
Tout le monde veut et a besoin de s'exprimer. Même les personnes les plus timides, marquent leurs empreintes-en étant juste là, sans parler-sur les évènements sociaux.
Mais comment permettre l'expression et en faire une réalisation qui a du sens et qui produit une « re-narcissation » ?
Tout d'abord, comme l'explique une infirmière dans le film : « Je ne soigne pas les gens, je les accompagne » [...] »Enfin, cela participe aux soins ».
En effet, un soignant, un professionnel n'est pas là pour dire ce que doit faire, ou ne pas faire un individu en souffrance. Non, la véritable action thérapeutique, c'est plutôt de révéler les ressources de la personne.
Beaucoup de « malades » ont une fibre artistique. C'est-à-dire qu'ils ont la capacité, de décaler les choses, pour en faire quelque chose d'esthétique. Mais souvent, ils manquent de confiance en eux et se dévalorisent beaucoup. C'est là qu'un professionnel peut intervenir. Non pas en rajoutant des exigences sociales, mais en faisant preuve du plus grand humanisme qu'il soit : l'attention.
Sans juger, sans analyser, mais en laissant jaillir la créativité qui vient.
Et si en plus, on peut partager, en toute égalité, sa création avec celle des autres, on arrive à une sorte de communion, une véritable rencontre humaine, apaisante.
Hé oui, en psychiatrie, le travail le plus important, c'est le travail sur les relations humaines !
Pour ce faire, les associations peuvent jouer un rôle important.
Ainsi, l'association Atypick, permet à des personnes ayant des difficultés psy, de réaliser des créations, dans le domaine du numérique et du graphisme. Comme des pro, ils s'investissent dans des projets, qui leur procurent de la gratitude. Comme par exemple, la création de l'illustration graphique de la SISM, pour le programme et l'affiche.
De façon collaborative, les membres de l'association s'entraident et se donnent des outils, des savoir-faire, pour que chacun et chacune révèlent ses talents créatifs.
L'expression artistique peut aussi passer par le corps.
Ainsi la compagnie Dana propose la pratique de la danse pour toutes et tous, sans aucun prérequis.
Les troubles psy peuvent malmener les corps : prise de poids, anorexie, carences dans l'entretien, etc...
En outre, le culte du corps, avec ses standards imposés (minceur pour les femmes, musculature pour les hommes, etc...) peut être très dur à approcher quand vous prenez certains médicaments psychotropes (comme les neuroleptiques). Inéluctablement, ces derniers peuvent vous faire prendre beaucoup de poids (notamment à cause de la diminution de la satiété).
Mais quel que soit son corps, sa motricité, son tonus ou son rythme, on a le droit à une expression artistique corporelle. La encore, il s'agit de partager l'art. La danse n'est pas réservée à une élite, avec un physique parfait.
En effet, tout le monde peut ressentir des sensations, une certaine transcendance, en « bougeant » son corps.
La compagnie Dana l'a bien compris et elle adapte ses méthodes, son enseignement à des personnes aux corps et aux esprits « différents ».
Danser : un droit pour toutes et tous.
Les habitants fréquentant le centre social Ty-Blosne, qui nous ont chaleureusement accueillis, ont témoignés de l'importance d'une vie de quartier.
Face à un modèle urbain, qui atomise et anonymise la vie sociale, on peut retrouver « une vie de village », grâce à des structures comme le centre social.
Si l'on part des problèmes des gens, de leurs vies, on peut trouver des activités sociales qui correspondent à leurs besoins. Et tisser du lien, s'ouvrir aux autres, c'est le début d'une micro-culture qui intégrera finement les habitants, tout en leur donnant un sens collectif. Donc une meilleure santé mentale.
Le jeudi 14 octobre, eu lieu une table ronde/débat, organisée par l'association Coop'1service, affilié à la FNAPSY.
Ce fut l'occasion d'avoir de nombreux échanges, tout en prenant le temps de débattre et de s'informer.
Des usagers et des usagères de la psychiatrie ont pu témoigner librement, sur la difficulté de faire respecter leurs droits. Notamment, le droit de disposer de son argent.
En effet, pour protéger certaines personnes, qui ont pu mettre en péril leur budget, la loi peut leur « adjoindre » une curatelle ou une tutelle. Mais ce sujet est délicat et complexe. Comment juger, sur quels critères, le manque de discernement d'une personne ayant des troubles psy ?
Heureusement, en France, il existe un fort encadrement de ces procédures. Mais il n'en reste pas moins, que pour les personnes concernées, la mesure peut être ressentis comme une infantilisation et une déconsidération sociale.
C'est la même question (traitée plus haut), quand une personne est hospitalisée et qu'on la prive de certaines libertés et de certains droits.
La dangerosité est elle réel ou la privation correspond à un besoin de la société d'écarter, de neutraliser des personnes dérangeantes ?
Une responsable de l'UNAFAM 35, Nicole Sarret, est venu à la réunion, pour mieux nous expliquer certains arcanes des droits sociaux pour les personnes en situation de handicap psy.
Notamment, elle nous a rappelé, que pour l'obtention de l'allocation adulte handicapée, la MDPH (organisme délivreur) évalue le degré de handicap, non pas sur telle ou telle maladie diagnostiquée (la schizophrénie, la bipolarité, etc...) mais sur les difficultés concrètes rencontrées dans la vie quotidienne (faire ses courses, se laver, entretenir son logement, etc...).
La militante nous a aussi informé, fort judicieusement, que dans les dossiers à remplir pour la MDPH, on trouve désormais (c'est assez récent), une partie qui peut être remplie par les aidants familiaux. Ainsi, si un patient souffre d'anosognosie (non conscience du trouble) et qu'il n'arrive pas à décrire ses troubles, un proche peut expliquer les difficultés rencontrées et ainsi justifier la prise en charge.
La encore, cette information complémentaire ne doit pas se substituer au désir de la personne.
Pour finir, le vendredi 15 octobre, les Champs Libres et le CREFAP nous ont offert, comme chaque année, une bibliothèque vivante. On peut dire que le concept ne vieillit pas avec le temps.
Pour tous ceux et celles qui veulent, non pas juste poser des questions, mais rencontrer vraiment quelqu'un, ces rencontres sont précieuses. 20 Min d'entretiens en tête-à-tête avec la personne de son choix.
Entre autres, il a été possible de parler d'un trouble émergent : les Hikikomoris.
Ce n'est pas vraiment une dépression, mais plutôt un dégoût du monde. Une sorte de raisonnement logique implacable : si le monde court à sa perte (écologie, etc...), pourquoi je m'y investirai ?
Sinon, au niveau du débat sur le rétablissement, Guillaume et Pascale nous ont montré l'importance de la valorisation du patient, dans son désir créatif.
Guillaume est passionné de musique et très à l'aise avec l'informatique. Un jour, Pascal, soignant, lui propose de créer un atelier MAO (Musique Assistée par Ordinateur). Devant l'appétence du patient, l'infirmier lui propose de devenir animateur de l'atelier.
En effet, il ne faut pas laisser le patient sous-cloche. Et si on croit à leurs ressources, il ne faut pas hésiter à leur donner des responsabilités.
L'empowerment, le pouvoir d'agir sur les conditions réelles de son existence, passe par le pouvoir. Mais au sens du partage du pouvoir, pas au sens de la domination excluante.
Et bien sûr, à cette bibliothèque vivante, impossible de ne pas parler du COVID et de l'après COVID.
Si la saturation des services de réanimation a été très médiatisée (et pour cause), on a beaucoup moins parlé de l'engorgement de la psychiatrie.
Toutes les mesures de confinements et de restrictions ont considérablement alourdi le travail des soignants, qui était déjà très lourd.
Nous n'allons pas ici faire un article sur le COVID, cela prendrait des dizaines et des dizaines de pages. Mais on peut quand même se permettre de dire, que cette pandémie a aussi remis en question les droits des usagers en psychiatrie : liberté de circulation, droits au soin, droit à la vie sociale...
Cette année, le thème de la SISM a été très politique. Les droits humains, la déclaration des droits de l'homme, sont le fondement de notre démocratie et de notre république.
Mais il ne suffit pas de les proclamer, encore faut-il les faire appliquer.
C'est là, qu'à l'inverse d'un système totalitaire, les contre-pouvoirs (associations, syndicats, organismes indépendants, etc...) sont indispensables.
Finalement, à l'hôpital psychiatrique, les contre-pouvoirs usagers sont faibles. Heureusement, que certains soignants et professionnels tendent la main aux patients, pour qu'ils puissent, de façon autonome, défendre leurs droits.
A Rennes, une multitude d'acteurs en santé mentale, se battent, innovent, inventent des petits pas, des petites solutions, pour que les usagers trouvent une place dans la société.
Malheureusement, tous ces efforts pourraient bien être annihilés, si on ne règle pas les problèmes en amont.
Très concrètement, le service public, gratuit, n'a plus les moyens d'offrir le minimum des soins.
En CMP (centre médico-psychologique), en moyenne, il faut attendre un an pour voir un psychologue et trois mois pour voir un psychiatre.
Pour obtenir l'AAH, il faut patienter, en moyenne, un an.
Bien sûr, il n'y a pas que la psychiatrie qui craque.
Mais ces graves carences de la prise en charge, ne sont pas que des chiffres. Ils ont des effets bien réels sur la vie de tout le monde.
A Rennes comme ailleurs, on croise de plus en plus de gens qui décompensent, qui errent dans la rue, abandonnés.
Il faut donc se battre, se coaliser pour que tout le monde puisse accéder au soin.
Pour ma santé mentale, Voir un psychologue : c'est un droit !
Voir un psychiatre : c'est un dû !
Les services psychiatrie et addictologie
de la Polyclinique Saint-Laurent
Qu'est-ce qu'on peut faire pour aider une personne en grande souffrance psychique ?
Elle peut être prise en charge par un psy : psychiatre, psychologue, psychothérapeute, etc...
Elle peut prendre des médicaments psychotropes.
Elle peut profiter de tous les services du médico-social, des associations, etc...
Mais si la douleur est trop forte et que des idées noires apparaissent, il se peut qu'elle ait besoin d'une hospitalisation.
Elle va donc recevoir des soins, dans un lieu médicalisé où elle va résider.
Mais quels soins ?
Si tous les établissements en santé mentale, proposent des thérapies médicamenteuses et des consultations psychiatriques, certaines institutions vont beaucoup plus loin.
En effet, ces structures n'attendent pas seulement que les médicaments fassent effet.
Non, elles organisent, elles pensent une véritable prise en charge psychothérapeutique.
Les services de psychiatrie et d'addictologie de la polyclinique Saint-Laurent, à Rennes, s'inscrivent pleinement dans cette démarche.
Nous allons donc voir, en quoi leurs dispositifs sont thérapeutiques pour les patients.
Des moyens considérables
Peut-être qu'en psychiatrie, les gens ont fini par se résigner au manque cruel de moyens, à la pénurie, à être le parent pauvre de la médecine.
La polyclinique de Saint-Laurent infirme cette fatalité.
Ici, on a les moyens de ses ambitions. Par exemple, la salle de sport, avec ses appareils modernes et di- diversifiés (rameurs, vélos d'appartement, etc...) permet d'effectuer une prise en charge complète et adaptée, aussi "pro" que dans une salle de sport classique. Les locaux de la polyclinique sont spacieux et modernes (très récents, puisqu'ils ont été construits il y a deux ans).
Les chambres des patients, les salles d'activités et d'entretiens, les bureaux sont agréables et fonctionnels. Pour chaque service, il a été décidé de créer des cafétérias. Ce sont des espaces de détente, en même temps que des lieux de convivialité et de sociabilité. On y trouve des machines à boissons et à friandise, ainsi qu'une grande télé et l'accès à des jeux de société, perles, mandalas, dessins, peinture...
Ici, le patient trouve toujours, rapidement, un soignant à qui parler, du fait de la disponibilité des équipes paramédicales et médicales.
En outre, ce ne sont pas moins de sept psychiatres et de trois addictologues qui se relaient pour les consultations sur leurs spécialités. Le patient a donc l'assurance de voir un psychiatre tous les jours. D'ailleurs, ils se déplacent dans les chambres.
L’équipe pluri professionnelle se compose d’un coordonnateur du pôle psychiatrie et addictologie, d’un cadre de santé d’addictologie, d’un cadre de santé de psychiatrie, d’un psychologue, d’une assistante sociale, d’une coordonnatrice du service d’ateliers thérapeutiques (SAT), d’un professeur d’activités physiques adaptées, d’infirmières, d’aides-soignants, et d’agents de service hospitalier.
Une certaine approche thérapeutique
Mais pour faire une « bonne psychiatrie », il ne suffit pas d'avoir seulement des moyens.
Encore faut-il avoir une approche thérapeutique qui met le patient au cœur des préoccupations.
Pour combattre « la maladie psy », il a été décidé d'agir sur toutes les dimensions des troubles.
Tout d'abord, bien sûr, sur la chimie du cerveau. Malgré des critiques toujours persistantes, la médication a été une révolution pour les patients. Elle a permis de soulager des douleurs incommensurables et de sortir certains, de la prison des troubles psychotiques. Cependant, les effets indésirables, revers de la médaille, peuvent assujettir la personne à d'autres souffrances.
Sur ce sujet, à la polyclinique, les psychiatres avec l'aide de tous les professionnels de santé essaient, pendant l'hospitalisation, d'ajuster le traitement, avec la balance coûts/bénéfices.
Mais l'être humain ne peut se réduire à des circuits neuronaux.
Il est aussi un être social, dont l'existence est marquée par des quêtes de sens et de rapports à l'autre.
On peut donc travailler sur le rapport à soi-même et sur le rapport aux autres et au monde.
Pour ce faire, les soignants adoptent une méthode non-
directive. Ils ne sont pas des "sachants", qui ont compris
la vie et qui dirait faite ceci, faite cela. Non, c'est au patient, dans l'interaction soignante, de trouver ses propres réponses et surtout de touver en elle-même, des ressources
pour dépasser ses difficultés.
Le corps médical et l’équipe pluri professionnelle sont là pour questionner le psychisme, tout en donnant des « armes » thérapeutiques.
L'autre grande aide qu'on peut apporter au « malade », c'est la dynamique institutionnelle, le fait que la personne soit portée dans une autre situation sociale, celle de résider à la Polyclinique. En étant hospitalisé, le sujet va couper avec son quotidien et connaître d'autres rapports sociaux. Changer son environnement et son être social peut aussi changer sa conscience donc son psychisme.
A cet égard, la polyclinique est un véritable asile. Pas au sens péjoratif, de prison des aliénés, mais au sens positif, comme un lieu où on s'extrait d'un monde social violent et excluant. Un lieu où on peut se reconstruire, ou en tous cas, un lieu pour se ressourcer.
Voyons maintenant comment on applique ces principes thérapeutiques.
Le service d'Ateliers Thérapeutiques (S.A.T)
Il peut arriver que des établissements de santé mentale affichent une ambition
psychothérapeutique et qu'en réalité, elle n'existe pas.
A la polyclinique, ce n'est vraiment pas le cas.
Le service d'ateliers thérapeutiques est la cheville ouvrière de tout l'arsenal thérapeutique.
Ce ne sont pas des activités occupationnelles, mais de véritables leviers thérapeutiques, qui permettent un travail sur la souffrance psychique des patients.
D'ailleurs, après chaque séance en atelier thérapeutique, le patient est évalué lors des transmissions effectuées par les professionnels de santé.
Le but n'est pas de juger la personne, mais de voir son évolution, ses problèmes et ses besoins.
Ainsi, « les comptes rendus » rédigés par les soignants, paramédicaux et psychiatres qui sont consultables, via le réseau informatique, par tous les professionnels de santé de ces services.
L'évaluation n'est pas spontanée, elle est le fruit d'un débat entre les professionnels de santé.
Elle permet, par une meilleure connaissance du patient, d'apporter des soins personnalisés et individualisés. Donc une prise en charge de qualité.
Les ateliers thérapeutiques qui redonnent du désir
A la polyclinique, beaucoup de patients souffrent de dépression (avec pour certains des addictions).
Même si les médicaments sont efficaces, souvent, ils ne suffisent pas.
Il faut que la personne sorte de ses obsessions négatives où tout est noirci. Qu'elle retrouve le goût des choses.
En effet, elle reste bloquée dans une pensée autodestructive et ne se sent plus capable de faire quoi que ce soit.
Surtout, cette maladie se manifeste par une perte du désir, de l'envie.
Dès lors, les ateliers thérapeutiques peuvent réamorcer progressivement la « pompe du désir ».
Ainsi, un patient pourra se voir proposer un atelier d'activités physiques adaptées. Malgré sa dépression, s'il arrive à faire l'effort d'y aller, il pourra retrouver du plaisir (par les endorphines libérées dans le cerveau), en effectuant ces activités, en fonction de ses capacités.
Il y a d'autres ateliers très efficaces qui vont permettent de travailler d’autres axes :
Par exemple, il est avéré depuis longtemps que les activités artistiques et créatives sont d'excellents vecteurs du réveil de l'inspiration. Retrouver le goût de l'esthétique (au sens de se connecter à une harmonie universelle) peut générer un sentiment d'existence et contribuer au retour de l'élan vital.
Mais cela peut-être aussi des ateliers plus pratiques. Comme par exemple retrouver le plaisir de cuisiner (culinothérapie) ou plus simplement, proposer à une patiente de vernir ses ongles (arriver à prendre soin de soi, c'est aussi thérapeutique).
Les sorties
Cependant, même si la personne a retrouvé un peu de désir, encore faut-il qu'elle puisse le réaliser. Se « bouger » tout seul, c'est toujours plus difficile que de le faire à plusieurs, en groupe.
C'est pour ça que la polyclinique propose bons nombres de sorties (marche accélérées, pique-nique en extérieur, visite à l'écomusée de la Bintinais, aux Champs-Libres, etc...).
Pour des personnes qui ont perdu une partie ou la totalité de leur vie sociale, ces sorties permettent de retrouver l'envie de passer de bons moments, conviviaux et de plaisirs partagés ainsi que le droit à la culture.
Les ateliers thérapeutiques qui permettent une meilleure analyse de soi
D'autres ateliers s'adressent plus spécifiquement aux personnes qui ont du mal à verbaliser leurs émotions et leurs conflits internes.
Si certains peuvent le faire avec le psychologue des services, d'autres vont « briser leur coquille » grâce à des médias différents.
En effet, un des buts de l'hospitalisation est aussi que le patient est accès à une meilleure analyse de soi, en tous cas qu'il puisse avoir de quoi se construire une estime de soi dans ses interactions sociales.
Ainsi, les ateliers groupe de parole, photo-langage, écriture, écoute musicale, café débat, comète (atelier psycho-éducatif), produisent des effets de libération de la parole et stimulent l'analyse de soi-même (en interaction avec les soignants).
Dès lors, il peut arriver que des conflits sous-jacents, inconscients, émergent lors de ces séances.
En outre, ces ateliers permettent une observation du patient, qui concourt à identifier ses carences et ses ressources.
Les ateliers de relaxation
On peut dire que ce qui est commun à toutes les pathologies psychiques, c'est l'anxiété et l'angoisse. Pour lutter contre, la polyclinique propose des ateliers de relaxation. C'est une bonne alternative à une surconsommation de benzodiazépines. Et cela permet un relâchement psychique et corporel.
Il faut bien faire remarquer que ce SAT n’est pas en libre-service.
Non, ces activités sont des soins à part entière et ils doivent être prescrits si cela correspond aux besoins des patients. Donc, le patient s'inscrit dans un projet thérapeutique personnalisé.
L'état d'esprit des soignants
Pour que tous ces ateliers thérapeutiques soient effectifs, il faut que les soignants adoptent un certain état d'esprit.
A la Polyclinique, dans toutes les dynamiques entre les soignants, les paramédicaux et les médecins, il émerge une micro-culture, qui crée une certaine posture. Ce « pattern culturel » est fait de disponibilité, d'écoute, d'attention et de bienveillance.
Elle s'inscrit sans doute dans le passé religieux de l'établissement. L'humanisme chrétien a imprégné les soins.
Et il est fort utile, puisqu'en psychiatrie, à part les traitements médicamenteux, tout passe par la relation humaine.
L'atmosphère et le cadre
Une autre chose qui est très importante dans un établissement de santé mentale, c'est l'atmosphère, l'ambiance.
Ce n'est pas quelque chose qui se décrète.
Non, cela provient des interrelations de l'ensemble du personnel, du plaisir qu'ont les personnes à travailler ici, de leur engagement sincère à vouloir remplir leurs missions.
Et cela, les patients le ressentent. Cela les apaise.
Plus généralement, les patients trouvent dans ce lieu et dans ces personnes, un cadre apaisant, rassurant et résiliant, propice à relâcher les défenses et les méfiances.
Peu à peu, l'écosystème des services, va amener le patient à sortir des pressions et des exigences sociales, pour prendre du temps pour soi, du temps pour se soigner.
En effet, beaucoup de patients sont « cabossés » par la vie. Souvent, ils ont été victimes d'agressions, de persécutions ou d'humiliations, etc...
Ils ne font plus du tout confiance aux autres.
Et c'est le long travail des professionnels de santé, patients et bienveillants, qui peut faire que la personne, en proie à la dépression et aux troubles anxieux, puisse se réinvestir dans les relations humaines.
En outre, les services sont complètement ouverts (pas de portes fermées à franchir), ce qui ne crée pas un sentiment d'enfermement pour les patients.
Le fonctionnement et le management
La gouvernance (Coordonnateur du pôle, cadres de santé de psychiatrie, d’addictologie et la coordonnatrice du SAT) permet une fluidité et une réactivité de toutes les activités et ateliers.
En effet, les cadres et la coordonnatrice du SAT, sont à l'écoute du personnel et peuvent prendre des décisions rapidement. Du coup, les problèmes sont aussi réglés rapidement. La gouvernance favorise les initiatives des soignants.
Ainsi les ateliers thérapeutiques, qui sont déjà très nombreux et très variés, sont régulièrement réinterrogés. Les responsables sont toujours ouverts à de nouveaux projets.
D'ailleurs, la polyclinique est en train de travailler à un partenariat avec la Maison Associative de la Santé (MAS), pour informer ses patients, sur l'offre associative à Rennes.
L'après-hospitalisation
En effet, les équipes pluri-professionnelles sont vraiment conscientes de l'importance d'avoir une activité et une vie sociale, après l'hospitalisation.
Et si les personnes n'ont pas la possibilité de s'inscrire dans une activité professionnelle, elles peuvent s'engager dans la vie associative.
Ainsi, à la polyclinique, le travail sur les projets de vie après l'hospitalisation, fait partie intégrante du travail thérapeutique.
Les troubles psychiques, dont les addictions, sont des phénomènes complexes qui ne peuvent se réduire à une seule dimension. Les réponses thérapeutiques doivent donc être multifactorielles.
Les approches biologiques, cérébrales, comportementales et cognitives ne suffisent pas. L'approche analytique non plus.
En effet, certains voudraient faire du traitement psychiatrique, une affaire purement individuelle, où « le client » consommerait différents produits thérapeutiques, en restant chez lui.
Non, il faut rappeler l'importance et la force de l'approche institutionnelle.
Etre hospitalisé à la Polyclinique Saint-Laurent, c'est vivre une expérience, c'est vivre une existence sociale, ou on a pensé des moyens pour que la personne se rétablisse.
Mais pas juste en suivant des protocoles, mais en s'adaptant à sa singularité.
Et l'existence de cette clinique, ses résultats (la quasi-totalité des patients interrogés sont satisfaits de leur hospitalisation) prouve que l'on peut faire une psychiatrie de qualité, humaniste, innovante et au service du patient.
Rennes, le 25/08/2021
Site internet de la Polyclinique Saint-Laurent : https://stlaurent.hstv.fr
Le groupe de travail " participation citoyenne"
du conseil Rennais en Santé Mentale
La santé mentale et la prise en charge des personnes en troubles psy ne sont pas qu'une affaire sanitaire et sociale.
Elle pose aussi la question de la place de l'usager dans la cité.
Tout le monde est d'accord pour dire que la personne, très fragilisée psychiquement, doit pouvoir (re)trouver du lien social, (ré)intégrer la vie sociale.
Mais quelle vie sociale ?
La vie professionnelle
Trouver un emploi et réussir à tenir ses engagements professionnels, c'est faire reculer la maladie psychique.
En effet, s'inscrire dans une activité économique, permet de structurer son temps, de garder un rythme productif et donc se reconnecter aux temporalités communes.
C'est aussi une fierté, celle de « mériter son pain ».
En outre, on se sent utile et on accède à la reconnaissance sociale.
La vie associative
Si l'on ne trouve pas un emploi qui convient, on peut toujours « se rabattre » sur l'activité bénévole.
Certes, l'engagement bénévole est souvent, malheureusement, perçu comme du non-travail.
Mais il permet quand même une réalisation de soi.
La vie citoyenne
La participation à la vie de la cité, le politis, n'est pas réservé aux politiques. Elle doit être l'affaire de tous les citoyens, même ceux qui ont perdu le contact avec les autres.
Pour les personnes en troubles psy, la participation citoyenne peut être un moyen de lutter contre le sentiment de stigmatisation et l'exclusion.
Conscients de ces enjeux, différents membres du Conseil local en Santé Mentale de Rennes, ont demandé aux responsables de créer un groupe de travail sur le thème de la « participation citoyenne ».
Ils et elles faisaient le même constat : il est difficile de faire participer les usagers dans les instances liées à la santé mentale. Et on ne peut pas améliorer les dispositifs sans les premiers concernés : les usagers !
Quand le groupe a été créé, au début, il ne comptait que deux usagers et une dizaine de professionnels.
Comment faire venir de nouveaux usagers ?
Comment rencontrer de nouveaux usagers, pour leur proposer de rejoindre le groupe ?
On peut envoyer des mails aux différentes structures, mais cela ne marche pas.
C'est alors que germa une idée audacieuse : et si on réalisait une grande enquête pour connaître les usagers et leurs structures ?
En effet, avant de réaliser des projets, il nous faut partir du réel de notre objet, c'est-à-dire des problèmes et des préoccupations des personnes.
Sur le terrain.
La ville de Rennes nous octroya l'embauche d'un stagiaire, pour nous aider à la réalisation de l'enquête.
En binôme, nous partîmes donc à la rencontre des usagers.
Toutes les structures, où des usagers évoluent, suscitèrent notre intérêt.
Une foi l'enquête bouclée, nous invitâmes l'ensemble des personnes ayant participées à l'enquête, à une grande réunion, pour parler des résultats et des perspectives que ce travail pouvait susciter.
Dans une grande salle de l'hôtel de Rennes métropole, de nombreux usagers et professionnels se rencontrèrent et échangèrent sur le devenir de cette mobilisation.
Quels sont les enjeux de la participation citoyenne ?
Qu'est-ce qui serait intéressant de développer pour que l'on s'associe dans un groupe de travail ?
Que faire ?
Une grande majorité de participants souhaitèrent travailler sur les représentations …...
Fort de l'éclaircissement de nos envies et de nos attentes, nous proposèrent à tous les participants de se revoir dans le cadre du GT participation citoyenne.
Bien sûr, malheureusement, certains usagers ne s'engagèrent pas plus loin.
Mais une large majorité, satisfait de la façon dont on les avait accueillis et de la façon dont leur avait parlé et ressentant, sans doute, une réelle attention à leur égard, décidèrent de rester.
Une dynamique humaine était née.
La structure est composée de trois catégories de personnes :
-Les usagers
-Les professionnels
-L'entourage des usagers
Ce fonctionnement à trois « têtes » fonctionne très bien, c'est un enrichissement mutualisé.
En effet, quand on aborde des sujets, des problèmes, le point de vue des usagers est crucial
puisqu'il exprime l'expérience de celui, de celle qui vit toutes les différentes structures en santé mentale. Mais le point de vue des professionnels est aussi très important, puisqu'il permet de contextualiser, d'expliquer aussi les contraintes organisationnelles et toutes les problématiques de ceux qu'on pourrait appeler, les « travailleurs de la relation ».
L'entourage des usagers(représenté dans le GT par l'UNAFAM) enrichit aussi le débat, en soulignant des préoccupations et des problèmes, propre au vécu, de ceux qui sont aussi des aidants à part entière.
Même si les points de vue sont différents, ils ne s'affrontent pas.
Ils s'érigent en s'associant, sans s'exclurent.
Chacun apporte sa pierre à l'édifice.
L'ensemble est « co-piloté » par un représentant des professionnels, un représentant des usagers et par le chargé de projet en santé mentale de la ville de Rennes. Ils se chargent, notamment d'élaborer l'ordre du jour et de faire circuler toutes les infos.
Il faut rappeler que le GT Participation Citoyenne fait partie du Conseil Local en Santé Mentale de Rennes.
Cette instance est présidée par la Maire de la ville de Rennes, Nathalie Appéré, représentée par l'élu à la santé et au vieillissement, Yannick Nadesan.
En plus du GT participation citoyenne, il existe bien d'autres GT, comme par exemple celui du logement, celui de la culture, etc...
La gouvernance de la structure est assurée par un secrétariat et un comité de pilotage.
Tous les ans, a lieu une plénière, pour faire le point et alimenter les différents projets.
Le but du CRSM est que, malgré les différences d'approches et de positions, on puisse à Rennes, fédérer les énergies, pour s'associer dans toutes les œuvres bénéfiques à une meilleure santé mentale.
Aujourd'hui, le GT s'intéresse à trois thèmes principaux, organisés en 3 sous-groupes :
-le bénévolat
-les médias
-l'insertion en milieu ordinaire
Le bénévolat
Comme nous l'avons vu au début de l'article, l'engagement bénévole peut être un très bon « palliatif » pour retrouver une vie sociale.
Il permet d'avoir moins de pression que d'assurer un poste de salarié.
En outre, en étant bénévole, on peut plus facilement trouver des postes de responsabilité et des activités intéressantes et valorisantes.
Mais le revers de la médaille est qu'en France, le bénévolat est très dévalorisé.
Il ne serait pas vraiment du travail et il est assimilé à une activité récréative.
Pourtant, le bénévolat demande un véritable investissement.
Pour faciliter la réussite de l'engagement bénévole, le sous-groupe bénévolat du GT a réalisé un livret.
Son but est que la personne désireuse de s'inscrire dans le bénévolat se pose les bonnes questions :
-Pourquoi je veux faire du bénévolat ?
-Comment ?
-Combien de temps puis je y consacrer ?
-Etc...
Cela dit, sur cette question du bénévolat, il ne faut pas omettre les enjeux de politique économique.
En effet, les secteurs du sanitaire, du social et du médico-social sont ravagés par le manque de moyens et d'investissement.
Certains libéraux instrumentalisent le bénévolat pour en faire un moyen de réduction des coûts.
Sous couvert « d'altruisme efficace », ils verraient d'un bon œil, le remplacement de certains professionnels salariés par des bénévoles. A court terme, cela couterait moins cher. Mais à long terme, le manque de pro (bien formés, correctement payés, compétents), couterait plus cher. En effet, une partie de ces services pâtira de la déqualification et de la dévalorisation de tous ces métiers qui demandent pourtant un vrai professionnalisme.
Néanmoins, l'engagement bénévole, permet, en partie, a beaucoup de personnes en troubles psy, de se rétablir.
Les médias
Les médias ont une grosse part de responsabilité dans la stigmatisation des personnes en troubles psy. Le pire, sur certaines chaînes de la TNT, c'est que pour assouvir un sensationnalisme malsain, certains « pseudo-journalistes » font passer des malades psychiques, pour des « fous dangereux », des personnes foncièrement violentes.
Alors que toutes les études statistiques montrent que, au contraire, en proportion, les personnes affectées de troubles psychiques commettent moins d'agressions violentes que les personnes sans troubles.
Même s'il ne faut pas nier l'existence de passages à l'acte violent d'un très petit nombre de malades, le plus souvent, cette violence s'explique par des carences dans la prise en charge.
Généralement, les personnes très fragilisées psychiquement, ne sont pas auteurs d'agressions dangereuses, mais plutôt victimes des agressions (vol, escroqueries, passage à tabac,etc...).
Et il ne faut pas confondre les états d'agitation et de souffrance, avec les agressions violentes intentionnels.
D'autres médias, plus sérieux et respectueux, donnent une meilleure image des troubles psy.
Malheureusement, le plus souvent, ils renvoient la maladie aux seuls symptômes dit « positifs », c'est-à-dire les délires et les hallucinations.
La difficulté du rapport à l'autre, de la relation est rarement évoquée.
En outre, la stigmatisation peut parfois être insidieuse et inconsciente. Elle peut prendre l'aspect de micro-agressions verbales.
L'utilisation, par de nombreuses personnes intervenants dans les médias, du terme « schizophrénie » pour signifier un paradoxe, une contradiction, n'est pas anodine.
Les mots ont leur importance.
Cet abus lexical, mettre sur le même plan une contradiction et une maladie, la schizophrénie, aboutit à la négation d'un handicap.
Mais alors que faire ?
Les personnes du sous-groupe média ont réfléchi à cette stigmatisation.
Ils pensent qu'une partie du problème est liée à la méconnaissance et aux préjugés.
En outre, comme dans toute lutte, même symbolique, il faut essayer de peser sur les décisions, ne serait ce qu'avec du lobbying.
Après tout, plus nous serons nombreux à revendiquer un meilleur traitement médiatique des troubles psy, plus nous serons entendus.
Mais comment commencer une démarche de sensibilisation des médias ?
L'idée est de sortir d'actions trop classiques, qui ne feraient appel qu'aux raisonnements et à l'argumentation.
Pourquoi ne pas faire appel à des évènements artistiques, comme par exemple le théâtre ou les arts vivants ?
Le sous-groupe média s'élance donc dans une construction de supports médias, ou la parole et l'expérience de « l'épreuve psychiatrique » pourrait rencontrer l'attention et l'intérêt des décideurs de l'information.
Quand on crée l'engouement et la ferveur, on peut, un peu, faire basculer les paradigmes et les catégories de pensée.
Insertion professionnelle en milieu ordinaire
Cette thématique n'a pas été choisie d'en haut, par des personnes autorisées.
Non, elle vient, par le choix de poser la question, directement aux usagers :
qu'est-ce qui, dans ce que vous vivez, vous préoccupe et qu'est ce que vous aimeriez changer ?
Beaucoup d'usagers ont répondu qu'ils se sentaient frustrés de ne pas pouvoir accéder à l'emploi en milieu ordinaire.
Et cette préoccupation n'est pas hors sujet, puisque la participation à la vie économique fait partie de la participation citoyenne.
En effet, la citoyenneté ce n'est pas seulement la participation aux institutions politiques, c'est aussi avoir un impact sur l'activité économique.
Or, si vous êtes exclu de la vie professionnel, comment agir et avoir du pouvoir sur les décisions de notre économie, donc sur la société.
Le constat est d'abord que les personnes qui réussissent à s'insérer durablement dans le milieu ordinaire, ne sont pas légion.
L'emploi des personnes en situation de handicap psychique, passe encore principalement par les ESAT ou les ateliers protégés. Et ceci est très bien pour ceux qui, dans ces dispositifs, y trouvent leur compte.
Mais d'autres personnes aspirent à des emplois uniquement dans le système classique. Soit parce que les emplois visés n'existent pas dans le système protégé, soit parce qu'ils se sentent « ghettoïsés » dans les ESAT et les ateliers protégés.
Mais il ne faut pas juger, cela dépend de la personne et de ses aspirations.
Alors que faire ?
Très vite, dans les discussions, émergea un enjeu.
Il semble incontournable de sensibiliser et d'informer les employeurs sur « l'employabilité » des personnes en situation de handicap psychique.
Les freins à l'insertion professionnelle peuvent être desserrés si on met en place quelques dispositions.
Il faut rappeler, que généralement, l'échec de l'intégration ne vient pas d'un manque de motivation ou de productivité, mais en raison de problèmes relationnels.
En effet, une personne qui a des troubles psychotiques, peut « interpréter », de façon paranoïde, les propos, les comportements et les attitudes de ses collègues et de ses responsables.
Par exemple, si un jour, le directeur du service-qui a l'habitude de saluer tous les matins, l'ensemble de ses collaborateurs-omet, par inadvertance, de saluer la personne fragilisée, cette dernière peut « psychoter ». Elle n'arrivera pas à relativiser et y verra un signe-de façon égocentrique-que le directeur lui en veut.
En outre, le monde du travail n'est pas le « monde des bisounours » !
Il peut arriver que la personne doive affronter des collègues et des responsables qui ne sont pas vraiment dans la bienveillance.
Les personnes, « robustes », psychiquement, réussissent à dépasser les quolibets et se faire respecter.
Donc, il faut expliquer aux décideurs économiques, que le handicap psychique n' est pas une incapacité fonctionnelle, un déficit intellectuel, un manque de compétence ou de motivation, mais un handicap du rapport à l'autre, une hyper sensibilité à la pression sociale.
Bien sûr, il ne s'agit pas, ici, d'exiger la révolution du monde des entreprises, pour en faire un havre de paix (ça, c'est un autre sujet), mais de montrer, que quelques attentions, quelques dispositifs permettent l'inclusion des personnes fragilisées.
Et si les gens se parlent mieux, se respectent un minimum, font attention aux interprétations possibles, ce n'est pas que la personne qui est gagnante, mais toute l'entreprise.
En effet, si on améliore la communication et la symbiose dans un collectif de travail, c'est toute l'entreprise qui gagne en productivité.
Mais revenons au GT emploi.
Après de nombreux échanges sur la définition des problèmes et les solutions qui pourraient être apportées, il fut décidé que l'essentiel du travail, devait être la mise en lien avec les entrepreneurs et autres responsables du monde des entreprises.
Grâce aux réseaux importants des professionnels du groupe, une piste émergea. Un membre du sous-groupe connaît une association d'employeur : Activ'est.
Cette dernière regroupe diverses entreprises de l'Ecopôle Sud-est à Rennes, Chantepie et Cesson-Sévigné.
Nous savons que la structure est sensible à des causes sociétales, comme le développement durable, etc...
Nous réussissons à les rencontrer.
Ils semblent très réceptifs à notre demande de travailler ensemble sur la question de l'emploi des personnes en troubles psy.
Mais patatras, la crise du covid 19 arrête net la dynamique.
En attendant de renouer des liens, dans un futur plus propice aux échanges, nous décidons quand même de ne pas en rester là.
Nous avons vraiment envie de continuer.
Du coup, nous nous mobilisons sur un questionnaire à l'adresse des employeurs.
Nous voulons savoir, de leurs points de vue, qu'est ce qui pourrait freiner ou faciliter l'insertion professionnelle des personnes en troubles psychique.
Est ce un problème de méconnaissance et de préjugés ?
Est ce un problème d'accompagnement ?
Etc...
Et puis bien sûr, dans un monde où le réseau est de plus en plus important, ce questionnaire est aussi un moyen d'aller vers, pour faire du lien.
Une autre grande réalisation du GT fût l'élaboration d'une liste de « Quelques pratiques favorables à la participation citoyenne ».
En effet, au fil du temps et au gré de nos expériences, nous avons compris que la mobilisation des usagers peut être facilitée par différentes conditions.
Nous avons donc établi une douzaine de recommandations.
Par exemple, nous pensons qu'il est très important, pendant les réunions, de faire des pauses toutes les heures. Cela permet une meilleure concentration et de recharger sa dose de nicotine (malheureusement, beaucoup d'usagers sont dépendants au tabac).
Et dans l'optique d'une adaptation aux problématiques des personnes en troubles psychiques, dont les troubles psychotiques, dans cette liste, nous pointons le doigt sur le problème des interprétations.
En effet, la psychose (schizophrénie, etc...) engendre une certaine peur de l'autre, une suspicion toujours prête à surgir, comme si au moindre problème, l'autre allé vous laisser tomber et vous trahir.
Dès lors, c'est le rôle des animateurs et d'ailleurs de tous les membres à veiller à une bonne ambiance, à éliminer les malentendus, les non-dits et toutes les zones d'incertitudes.
Il ne faut pas hésiter à être redondant, bien clarifier les décisions, pour « réassurer ».
On peut dire que le GT « participation citoyenne » est une réussite à plusieurs égards.
D'abord, il a réussi à mobiliser durablement des usagers.
En moyenne, une dizaine d'usagers par réunions.
Avec bien sûr un peu de turn-over, mais les quelques personnes qui ne sont pas restées, on été remplacées par de nouveaux arrivants.
Si l'on compare cette mobilisation aux associations classiques et alors que nous vivons une époque où de plus en plus de gens veulent juste consommer des services, mais pas s'engager, on peut dire que le GT a réussi à trouver les chemins de la participation.
En outre, toutes ces réalisations (sur l'emploi, les médias, le bénévolat, etc...) prouvent que malgré les différences de statuts, de positions, d'approches et d'intérêts (et surtout cette dichotomie pro/usagers), on peut s'associer, pour que ça aboutisse à des choses concrètes. On n'est pas là pour juste donner son avis, mais pour créer, avec les autres, d'autres « petits » possibles.
Bien sûr, face à un libéralisme économique qui assèche la psychiatrie et marchandise notre santé mentale, nos forces peuvent paraître petites.
Mais à l'image de la légende du colibri, nous amenons un peu d'eau pour éteindre l'incendie. Et plus nous serons à le faire, plus nous aurons une chance, pour que nos contre-feux l'emportent.
Semaine d'Information sur la santé mentale
« santé mentale et discriminations »
du 5 au 10 octobre 2020 à Rennes
Cette année, la semaine d'information sur la santé mentale (la SISM) avait une saveur particulière, puisqu'elle se déroulait en pleine crise sanitaire du covid 19.
Malgré toutes les incertitudes liées à la pandémie, les organisateurs ont quand même décicidé de la maintenir. Et ils ont eu raison, car nonobstant les normes de santé souvent compliquées, les évènements de la SISM ont connu une affluence remarquable, peut-être même supérieur aux années précédentes.
Preuve en est, que malgré la sinistrose liée au coronavirus, les gens ont quand même eu envie de sortir, de voir du monde et d'exercer leur citoyenneté de personnes curieuses.
Le thème de la SISM de cette année, « santé mentale et discriminations » est un peu le thème de toutes les SISM.
En effet, le but de la SISM est d'informer sur les réalités de la santé mentale, en essayant de lutter contre les méconnaissances et les préjugés.
La SISM débuta par une conférence-débat organisée par des psychologues, les centres départementaux d'action sociale de Maurepas et Rennes centre.
Ils ont invité à la SISM le chercheur en ethnographie, Hamid Salmi.
Il nous a tout d'abord longuement raconté sa vie, son parcours et ses origines.
Il a expliqué le retentissement existentiel de sa culture Kabyle et de sa migration en France.
L'intellectuel s'inscrit entièrement dans le courant de pensée « culturaliste » en sciences sociales.
Qu'est-ce que le courant culturaliste ?
Les sciences sociales ne sont pas une et indivisible.
De nombreux paradigmes-parfois concurrents, voir même antagonistes-façonnent son histoire.
L'approche culturaliste postule l'importance de la culture-au sens d'un système de pensée-dans la « fabrication » de nos personnalités. Nos affects, nos comportements, nos aptitudes, nos motivations seraient conditionnés par une culture particulière.
La « personnalité » occidentale ne serait qu'un type de « pattern » et non pas une évolution rationnelle tendant à l'universalité.
Cette approche fut taxée de « relativisme culturelle » n'aboutissant qu'à un : « Tout se vaut »
D'autres critiques, soulignent qu'avec la mondialisation culturelle, la prégnance des cultures non-occidentales se restreignent fortement et n'est plus pertinent dans l'explication des phénomènes sociaux.
Une approche atypique
Mais revenons à Hamid Salmi et ses méthodes thérapeutiques.
L'homme se présente comme un pragmatique, un « plombier » de la clinique, réticent aux grands ensembles conceptuels.
Pour lui, on ne peut soigner une personne, et à fortiori quand elle a des origines culturelles non-occidentales, sans prendre en compte son substrat culturel.
Les méthodes cliniques occidentales-analytiques, T .C.C,etc...-ne seraient pensées que pour l'esprit occidental. Toutes les médecines autres, traditionnels, non-occidentales ne sont pas des archaïsmes insignifiants mais des réalités non génériques.
En tous cas, du point de vue de l'efficacité thérapeutique, le clinicien pense qu'il est indispensable de partir de la singularité « ethnique » du patient.
Dans l'absolu, il ne s'agit pas de savoir si la sorcellerie, le chamanisme est vrai ou faux, mais de leur reconnaître une existence culturelle.
Dès lors, Hamid Salmi va jusqu'à prescrire des séances avec des thérapeutes «parallèles» : sorciers, guérisseurs, etc...
La question est donc de savoir : dans quelle mesure la spécificité culturelle d'un patient, est elle à considérer dans le travail clinique ?
Certains professionnels adorent l'originalité des approches de Hamid Salmi, y voyant une lumière, juste et appropriée, dans la complexité et la singularité de certains de leurs patients.
D'autres y voient un réductionnisme, qui s'oppose à l'universalisme humaniste.
A vous de juger !
Le mercredi 7 octobre nous nous sommes retrouvé au TNB(cinéma d'art et essai de Rennes) pour visionner le film « le Joker » de Todd Phillips.
Du point de vue cinématographique, on peut dire que c'est un grand film.
Le protagoniste, Arthur Fleck, joue admirablement bien le « fou », le « psychopathe ».
On voit bien comment tout dérape, comment la solitude et le manque de reconnaissance sociale peut dégrader le rapport à l'autre et peut provoquer des explosions hyper violentes et meurtrières.
En outre, le cadre du film, la ville, la grande métropole (Gotham City dans le film) est un catalyseur du vide existentiel. En effet, le monde urbain est souvent syno-
nyme d'anonymat et de faiblesse du lien social.
On sent dans le film, une précarité étouffante et envahissante.
Face à l'apathie ambiante, il semblerait qu'il fasse fuir en se fabriquant un personnage « remarquable ». Pour Arthur Fleck se sera le « Joker ».
Même si le film montre des éléments d'explication de la folie et de cette fureur, certains usagers ont trouvé le film, parfois stigmatisant.
En effet, de leur point de vue, pour une personne qui a vécu les délires et les décompensations, elle ne peut s'empêcher de s'identifier à ce personnage qu'on estampille « psychotique ».
Pourquoi montrer un tel déferlement de violence et de terreur inexplicable ?
Même si cela existe de façon très rare, pourquoi ne pas expliquer tous les autres aspects de la psychose ? Pourquoi ne pas expliquer, de façon beaucoup plus intelligible, que tout explosion de violence a une genèse et est souvent le fruit, dans le développement de la personne, d'une accumulation de conflits, de failles, de frustrations et de souffrance ? Pourquoi ne pas expliquer que la psychose est avant tout la difficulté du rapport à l'autre, la perte d'une relation permettant estime de soi et concordance sociales?
Mais la soirée n'aura pas été stigmatisante grâce au débat qui eu lieu après le film.
Pour l'animer, nous avons pu compter sur trois intervenants : la docteure Elisabeth Sheppard, psychiatre au Centre Hospitalier Guillaume Régnier ; Dominique Launat, membre de Santé Mentale France Bretagne ; Jacques Fayolle membre de l'UNAFAM 35.
Ils et elle ont réussi à remettre en perspectives les troubles psychotiques et a expliquer les enjeux des prises en charge psychiatriques.
Le jeudi 8 octobre, à 11h30, a eu lieu une représentation théâtrale à l'ADEC, la maison du théâtre amateur.
Elle fut organisé par le Centre Thérapeutique à Temps partiel La Sauvie, secteur G10 du CHGR, l'association l'Autre Regard et le service d'accompagnement à la vie sociale ALTAIR de l'association Pour l'Action Social et éducative en Ille-et-Vilaine.
Cette aventure fut soutenue par Thierry Beucher, comédien professionnel et l'association ADEC.
Cette petite pièce de théâtre a ravi le public par sa fraîcheur, sa bonhommie et sa qualité « pro ».
Nous n'avons pas vu des usagers faire du théâtre, mais des comédiens à part entière.
Ils ont donné toute leurs forces, toutes leurs personnalité et cela nous a plus.
Ils ont illustré et exprimé leur ressenti sur les discriminations en faisant une œuvre véritablement artistique et en s'appropriant efficacement les outils du théâtre.
Le théâtre n'est donc pas réservé à une élite, mais un moyen d'expression que toutes les catégories de la population peuvent utiliser.
Pour des personnes discriminées dans leurs comportements, leurs attitudes et leurs propos, le théâtre inverse les choses.
Mon expression n'est pas rejetée, mais au contraire, elle est valorisée et sublimée par l'art. Et pour certaines personnes, l'expérience théâtrale peut leur permettre de retrouver du désir et un ancrage social.
Alors, tous sur scène !
Le jeudi 8 octobre, a eu lieu à la Maison des associations, une conférence-débat organisée par l'association Borderline Espoir.
Le but de l'association est d'aider et de soutenir les patients et leur entourage face à l'épreuve du trouble borderline.
Elle met en place différentes actions : groupe de parole, diffusion d'informations, interventions dans le numérique, déstigmatisations, etc...
Cette nouvelle association à Rennes nous a présenté quelques caractéristiques de cette pathologie. Sans entrer dans les détails, Mel Stévant, la présidente, a souligné quelques éléments :
-troubles de la personnalité, de l'humeur et des émotions
-difficultés relationnelles
-dégradation de l'image de soi
-etc...
Il est à noter que 10 % des personnes affectées par le trouble borderline se suicident.
Après cette présentation, nous avons débattus sur les discriminations rencontrés par les personnes en troubles psy.
Les échanges furent riches et très vivants.
Ce fut aussi le cas pour le café citoyen du vendredi 9 octobre, au café des champs libres.
Le débat organisé par le pôle G10 du Centre Hospitalier Guillaume Régnier, fut animé par Philippe Gouet, philosophe, par Philippe Foret, usager de l'Autre Regard et par Isabelle Brimbeuf, psychologue au CHGR.
Le point de vue philosophique peut nous éclairer sur les mécanisme de discriminations envers les personnes « psychiatrisées ».
Surtout, elle nous permet de « relativiser » les troubles psy et leurs discriminations.
En effet, l'analyse historique et philosophique, nous permet de comprendre que la perception, voir l'existence des pathologies psychiques, dépendent des pays et des époques.
En France, par exemple, l'hystérie n'existe plus en tant que catégorie nosographique et est aujourd'hui considérée comme un archaïsme psychiatrique, vu comme une perception sexiste du passé. Il en est de même pour l'homosexualité (sortie de la nosographie psychiatrique du DSM en 1973).
Même la schizophrénie, la principale pathologie en psychiatrie, ne semble pas être une essence indépassable. Par exemple, en Inde, le fait d'entendre des voix n'est pas perçu comme quelque chose de négatif ou de pathologique.
On voit donc que la perception de l'anormalité et de la déviance est fonction d'un espace culturel particulier et d'attentes sociales distinctes.
Lors du café, Philippe Gouet, philosophe, cita un propos de James Baldwin : « ...il vous en faut un... »[un fou].
Aurait-on besoin des fous ?
Remplissent-ils une fonction sociale ?
La perception de la folie serait-elle une « construction sociale » intéressée ?
Si on veut aller plus loin dans l'analyse, il semble incontournable de nous appuyer sur les thèses du philosophe Michel Foucault.
Même si ses analyses, notamment dans les matériaux historiques, furent remise en cause par certains philosophes et historiens (notamment l'historien Claude Quétel), l'originalité et l'audace de son paradigme, ne peut que bouleverser nos idées pré-conçus.
Ici, il nous faut analyser la société, non pas en termes d'agglomération d'individus autonomes, mais en terme de classes sociales.
La montée d'une nouvelle classe sociale, la bourgeoisie, va modifier lentement, mais durablement, notre vision de la folie.
Pour étayer cette thèse, le philosophe prend l'évènement de 1656, quand tous les déviants (marginaux, homosexuels, prostitués, « fous »,etc...) vont être internés à Paris, à l'hôpital général.
Pourquoi ?
Pour M.Foucault, la société médiévale, avant l'avènement du capitalisme, était portée par la religiosité(le Christianisme) où Dieux a créé les hommes. Et si c'est Dieu qui a créé les hommes, alors il ne peut pas avoir créé des êtres anormaux.
Dès lors, la folie, au sens d'erreur, ne pouvait exister.
Mais la bourgeoisie, pour asseoir son pouvoir et sa domination, dut remettre en cause ce paradigme.
En effet, elle fut confrontée à une insubordination à sa plus grande conquête : la propriété privée.
Trop de personnes, indociles, irrévérencieuses et chahuteuses, gênaient le monde des affaires. Elles ne voulaient pas rentrer dans le moule aseptisé, standartisé et commerciale de ce nouveau monde.
Dès lors, tous ces déviants furent enfermés.
Et pour légitimer ce « grand enfermement », les nouveaux dominants inventèrent de nouvelles catégories de population : les fous, les asociaux, les malades, etc...
Cette explication est peut-être un élément pour entrevoir les causes des discriminations envers les personnes en troubles psychiques.
Le vendredi 9 octobre, le GEM l'Antre-2 nous a accueillis dans ses locaux, pour une interprétation par Thierry Beucher, de témoignages des adhérents, des clients et des artistes sur la vie du café de L'Antre-2.
Ce café, géré par les adhérents de l'association, est une innovation qui a permis de briser l'entre-soi des personnes ayant des troubles ou fragilités psychiques.
En effet, ce café est ouvert à tout le monde, notamment aux riverains.
Ceci est très bénéfique puisque l'on sait que l'uniformisation sociale est vectrice de replis et d'aggravation des troubles.
En outre, pour les adhérents, c'est une fierté de gérer et d'animer un café.
Le vendredi 9 octobre, l'association Coop1services organisait une table ronde-débat sur « Les stigmatisations et les usagers », avec l'UNAFAM35, l'association Thérapie et vie sociale et le CHGR.
Des personnes affectées de troubles psy témoignèrent, par le récit de leur vie, de toutes les discriminations, qu'elles ont dû endurer. Notamment, l'intégration dans le monde du travail, reste encore une épreuve très difficile à surmonter. La singularité dérange.
Le Docteur Le Marchand, responsable du service des Equipes Mobiles Psychiatrie Précarité (EMPP) du CHGR, a suscité tout notre intérêt.
Il a pointé « les zones grises », les failles de notre système de prise en charge en Santé Mentale.
Selon lui, le problème n'est pas (même s'il souffre d'un désengagement de l'état) les soins apportés aux personnes « psychotiques » mais à ceux souffrants de troubles « psycho-sociaux ».
En effet, les grands précaires (et pas seulement les SDF de la place Saint-Anne à Rennes) sont très peu accueillis par l'hôpital psychiatrique public, qui submergé par la demande, reçoit en priorité les « grosses crises ».
Cette catégorie de la population, les grands précaires, ne peuvent pas non plus bénéficier des psychiatres libéraux, en ville, car très souvent, on leur demande d'avancer l'argent pour la consultation. Ne parlons même pas des psychologues libéraux. Payer 50 euros alors qu'on a même pas assez d'argent pour se nourrir.
On voit donc bien que la précarité n'est pas seulement la perte du lien économique et social, c'est aussi un accès insuffisant à des services fondamentaux, comme celui de la prise en charge de sa santé mentale.
Malheureusement en France, ceux qui souffrent le plus-hormis les psychotiques-ne sont pas forcément ceux qui sont le plus soigné.
Pendant la SISM se sont tenues deux expositions dans les locaux de l'association l'APASE.
La première exposition, organisée par l'établissement et service d'aide par le travail(ESAT) les ateliers de l'espoir, le Centre de la thébaudais et le service d'Inclusion Socio-professionnelle de l'Association Pour l'Action Sociale et éducative en Ille-et-Vilaine(ISP APASE). Elle exprimait, par des sculptures en papiers mâchés, toutes les discriminations liées aux regards des autres. Ces oeuvres artistiques étaient agrémentées de messages qui nous interpellèrent : « Je ne trouvais pas mon endroit à être », « moi la discrimination ça me rappelle l'école », « le regard ça tue », etc...
Une autre partie de l'exposition exprimait la discrimination par la métaphore de la porte fermée.
L'autre exposition, intitulée « Décalé » et organisée par l'association Atypick, nous proposait une vingtaine de photographies de femmes, certaines en situation de handicap, en répétition pour un spectacle de danse.
Grâce à d'excellentes photos prises par ds adhérents de l'association, nous avons pu nous saisir de toute la grâce et l'élégance de femmes, artistes à par entière.
Pour clôturer cette belle semaine, les membres du collectif de la SISM, se sont retrouvés pour le forum, place de la mairie.
Cette année, covid 19 oblige, en plus de la traditionnelle interpellation sur les représentations sur la santé mentale, nous avons aussi voulu discuter du vécu et du ressenti de cette bouleversante crise sanitaire. Nous avons pu le faire, aussi, grâce à des temps de parole, organisé par "Santé Mentale France en Bretagne".
En effet, au delà de la tragédie médicale, c'est aussi la santé mentale de chacun et chacune qui a été impacté.
Anxiété liée à l'incertitude de l'évolution de la pandémie, isolement exacerbé par le confinement, précarité économique du quasi-arrêt de l'économie, etc...
Même si l'on pense beaucoup au risque de saturation du système de santé en générale, il ne faut pas oublier l'aspect santé mentale.
Tous les professionnels « psys » ont aussi besoin de notre soutien et de financements adéquats.
L'association RESO 5
Comment combattre la souffrance psychique ?
Bien sûr, on peut se faire aider par les médicaments psychotropes. Quoi qu'on en dise, l'intervention chimique dans le cerveau permet un apaisement et facilite un retour à l'action et à l'autre (si ce n'était ces maudits effets indésirables).
On peut aussi compter sur les différentes psychothérapies individuelles. Qu'elles soient analytiques, comportementales, etc...(aujourd'hui il en existe une multitude)
Elles peuvent réussir là où les médicaments s'arrêtent.
Les différentes thérapies analytiques, avec toute la richesse de leur analyse, peuvent « démasquer » des conflits, pour mieux les résoudre. Les thérapies comportementales et cognitives (T.C.C), elles, de façon très pragmatiques, apportent des solutions concrètes, en dé-conditionnant et reconditionnant des comportements et pensées pathologiques (T.O.C, etc...).
Mais il existe une autre modalité : la psychothérapie de groupe.
En effet, la personne humaine est aussi le produit d'une situation sociale et de rapports sociaux.
Nous savons, par exemple, que beaucoup de personnes ayant des troubles psychotiques, ont des difficultés dans le rapport à l'autre.
Le repli sur soi, l'hyper-isolement proviendrait d'une peur, pathologique, de l'autre.
Souvent, des expériences traumatisantes (maltraitance, persécutions durant la scolarité, etc...) ont fragilisé la confiance en soi et créer des barrières, des perturbations dans l'attente sociale et par rapport aux normes sociales.
La personne peut être « perdue » dans le jeu social, dans ses codes, ses us et plus généralement dans la socialité (c'est-à-dire dans tout ce qu'il faut faire même si personne ne dit qu'il faut le faire).
Que peut-on faire pour remédier à toutes ces fragilités, qui engendrent tant de souffrance ?
Et bien, on peut donner un cadre rassurant et des relations sociales apaisées, via une organisation sociale adéquate.
Dans une association, une unité psychiatrique, une clinique, on institue une vie sociale où chacun peut trouver sa place.
Et quand la personne humaine retrouve, à force de côtoyer l'organisation, des aptitudes et « compétences » sociales, elle peut s'ouvrir aux autres, rencontrer l'autre et donc se « réinsérer ».
Du coup, elle pourra maîtriser ses troubles, pourquoi pas les résoudre, ou en tous cas en faire quelque chose de « positif ». En sachant que l'essentiel, au de là de l'étrangeté de la pathologie, c'est que la personne mette un terme à toutes ses souffrances.
C'est ce troisième type de thérapie que l'association RESO 5 s'emploie à déployer.
L'association est née en 1996, de la volonté de soignants de faire de la psychiatrie autrement, notamment, donc, en utilisant la psychothérapie de groupe.
Son nom, RESO 5, est la contraction de REinsertion, de SOciothérapie et secteur G5.
L'organisation sociale, RESO 5 veut donc réinsérer la personne. En effet, les personnes affectées de troubles psys, sont souvent exclues des différentes sphères sociales.
Par exemple, elles ne profitent pas de toutes les activités culturelles de Rennes.
L'association-via aussi le CTJ-propose donc un accompagement, dans une dynamique de groupe, pour se réapproprier la culture.
C'est quelque chose de thérapeutique puisque la culture, l'art permet aussi de (re)trouver le goût des harmonies et de l'esthétique, propices à la stimulation du désir.
La seconde syllabe, « so » veut dire : socio-thérapie.
C'est plutôt un synonyme de psychothérapie de groupe.
Comme nous l'avons déjà expliqué plus haut, ces thérapies visent, à partir du social, à partir des dynamiques de groupes, au retour à un rapport à l'autre plus apaisé.
Pour qualifier RESO 5, on peut même utiliser un terme plus « politisé » : la psychothérapie institutionnelle.
Ce mouvement, né dans l'enfer de la deuxième guerre mondiale, a voulu « révolutionner » l'institution psychiatrique. Des psychiatres, en voyant l'horreur des camps de concentration, n'ont pas pu s'empêcher de les comparer avec les univers asilaires.
Ils ont voulu changer les choses.
En poussant leur réflexion sur l'institution psychiatrique, ils ont compris que celle-ci peut rendre malade.
Dès lors, ils ont oeuvré pour que l'organisation sociale de la psychiatrie, émancipe l'individu (liberté d'aller et venir, pas de hiérarchie dans les statuts,etc...).
Et aujourd'hui, ce mouvement est toujours vivace. On peut se permettre de dire qu'il inspire RESO 5.
Le dernier caractère de RESO 5, 5, veut dire : secteur G5.
Il indique tout simplement que les soignants et les soignés qui peuvent adhérer à l'association doivent résider ou travailler dans le secteur G5, c'est-à-dire, grosso modo dans le centre-ville et l'est de la ville de Rennes. Mais pas que.
Que fait RESO 5 ?
L'activité la plus importante de RESO 5 est le soutien aux activités, aux sorties et à l'acquisition de biens matériels, etc...
Chaque mois, dans la salle du club, à l'hôpital Guillaume Régnier, tous les membres de l'association se réunissent.
Chacun peut librement prendre la parole et donner son avis.
Les responsables de RESO 5 sont là pour animer la réunion, pas pour décider à la place des adhérents.
C'est le moment pour faire remonter les demandes des différentes unités (Magnan, Morel, hôpital de jour, etc...) qui composent G5.
Par exemple, un soignant ou un soigné va demander un petit financement pour une sortie. L'association va décider d'octroyer ou non, un peu d'argent à ce projet.
Cela peut paraître des « petites choses », mais en fait cela contribue à la valorisation des soignés.
Par exemple, l'association a financé l'achat de nappes « festives » pour les tables d'une unité d'hospitalisation. C'était pour Noël. Et cela n'est pas du tout futile.
En effet, on peut être malade, hospitalisé et avoir le droit, comme tout le monde, de participer au rituel de Noël (d'ou la nappe spéciale). Cela montre que vous faites partie de la société, de la collectivité humaine.
Ainsi, toutes « ces petites choses », ces petits financements de RESO 5, contribuent à enrichir la vie des patients, en leur montrant que « l'institution » fonctionne avec eux et pour eux.
Un fonctionnement démocratique et inclusif
A RESO 5, les adhérents, qu'ils soient usagers ou professionnels, sont tous sur un pied d'égalité.
Toutes les responsabilités peuvent être briguées par des patients (bien sûr, selon la capacité de la personne, il ne faut pas qu'elle soit en décompensation).
Ce souci de démocratie se conjugue avec un souci thérapeutique.
En effet, souvent, les personnes qui atterissent à l'hôpital psychiatrique, se sont lentement et profondément dé-socialisées. Elles n'ont plus de statut social et sont désaffiliées. Ni travail, ni engagement associatif, ni cercle d'amis. Enfin, il serait faux et caricatural de prétendre qu'elles soient tous désocialisés. Cela dépend de la pathologie, du parcours de l'individu, etc...
Mais on peut quand même avancer, que la plupart ont une fragilité relationnelle.
Et pour certains, s'engager dans RESO 5, peut permettre de réenclencher le relationnel, de retrouver un rôle, une place dans la société. Je suis vraiment responsable, les autres me font confiance pour mon mandat.
RESO 5 redonne du pouvoir à ceux qui n'en avaient plus du tout !
Et même si cela peut être minime, comme par exemple, compter l'argent de la caisse du café, cela compte. Au moins, je suis utile à quelque chose.
Une association dans et hors les murs de l'hôpital psychiatrique
Historiquement, cela a été une « grosse bataille » d'imposer au pouvoir médical, la création d'une entité autonome et associative.
Certains ne voyaient pas l'intérêt. Et d'ailleurs, malheureusement, certains ne voient toujours pas l'intérêt !
Au début (après la 2e guerre mondiale), ces organisations s'appelaient des Clubs.
Puis ils se sont transformés en associations loi 1901.
L'originalité de ces structures-comme RESO 5, le Gué, etc...-, c'est qu'elles sont accessibles aux personnes hospitalisées et aux patients suivis en ambulatoire (personnes suivies par le Centre Médical Psychologique et/ou bénéficiant du Centre Thérapeutique de Jour). On peut même profiter de l'association en étant juste dans le secteur G5.
Une association à l'H-P, dans un univers qui reste clos et fermé, ce n'est pas rien.
Comme nous l'avons dit précédemment, cela permet de faire remonter les demandes des soignés et des soignants.
Prenons un exemple concret :
Je suis hospitalisé. Je ne vais pas bien. Je m'ennuie terriblement. Je me suis fait un copain. On veut faire un jeu de société. Malheureusement, le jeu est déchiré et il manque des pièces et des cartes.
Et bien, grâce à RESO 5, je peux demander, via un représentant ou moi-même, lors de la réunion de la mensuelle, l'achat d'un jeu neuf.
Les petites rivières font les grands fleuves.
L'autre grand intérêt d'une association qui existe en « intra » et en « extra », c'est la continuité de l'accompagnement.
Même si certains patients, après leur sortie de l'HP, se stabilisent et volent de leurs propres ailes, beaucoup ont besoin d'un accompagnement psycho-social.
Or, si je sors et que je dois chercher une nouvelle association, de nouveaux soignants, de nouveaux professionnels, il se peut que la transition ne se fasse pas, que je ne retrouve pas une structure qui me convienne.
Pas de dangers de ce côté la, avec RESO 5.
Après l'hospitalisation, je retrouve les mêmes personnes et les mêmes animateurs.
Je garde mes repères et je peux poursuivre mes projets avec les mêmes personnes.
Du coup, il n'y a pas de rupture associative, et cela, concourt au rétablissement de la personne.
Dans la cité
L'autre grande force de RESO 5, c'est la volonté d'inscrire l'association dans la vie de la cité.
En effet, un des travers de la psychiatrie, et plus généralement, de toutes les structures en santé mentale, c'est la ghettoisation.
Et cet « entre-soi » débouche souvent sur de la stigmatisation. Surtout, il peut avoir un effet délétère, car les usagers peuvent se renvoyer leur mal-être, leurs angoisses et leurs psychoses et donc faire perdre la relation.
Conscient de ce problème, RESO 5 œuvre pour créer et entretenir des partenariats : TNB, tombée de la nuit, ATA, Phakt, l'avenir de Rennes, les jardins familiaux, etc...
En effet, depuis plusieurs années, l'association développe de multiples partenaires dans le champs culturelle et sportif. Le but est de lutter contre les préjugés et de favoriser l'inclusion dans le droit commun.
Avec toutes ces structures RESO 5 partagent des activités et des évènements.
Car oui, les usagers ont aussi besoin d'être avec des gens qui vont bien.
L'association RESO 5 fait partie d'un mouvement dans la psychiatrie.
Un mouvement de soignants, mais aussi d'usagers.
Il fait le pari de créer un espace d'initiatives ou chacun et chacune peut se réapproprier des possibles et des communs.
Mais il n'existerait pas, ou ne serait qu'une idée, s'il n'était pas impulsé par des hommes et des femmes de conviction.
Leur humanisme et leur volonté inébranlable permettent l'existence d'une psychiatrie dans la cité, qui crée une vie sociale, généreuse et avisée.
Ce mouvement ne mourra jamais.
Même s'il est attaqué, brocardé, diffamé, toujours de nouvelles générations le re- découvriront.
D'ailleurs, ce mouvement n'est pas un protocole ou une notice à suivre.
Non, il faut constamment le réinventer et le nourrir de toutes les expériences nouvelles.
Il est le contraire d'un dogme.
Il faut sans cesse le questionner.
Rennes, le 14/07/2020
Cet article ne peut être reproduit, même partiellement, sans autorisation.
Cet article est publié à la foi sur Info Psy Rennes et sur l'Echo Des Esprits (le blog de RESO 5).
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Café rencontre de l'unafam 35 sur le logement
le 23/01/2020
L'UNAFAM* 35 poursuit sa mission d'information sur les problèmes rencontrés par ses adhérents et plus largement, sur ce qui touche les personnes et leur entourage, ayant une « maladie et/ou un handicap psychique ».
Les troubles psy fragilisent les personnes dans leur psychisme, bien sûr, mais aussi dans leurs conditions de vie.
Certaines personnes peuvent rencontrer de graves difficultés pour se loger. Pour des raisons financières, mais pas que.
En effet, il se pose la question de l'autonomie de la personne en troubles psychique et des conditions par lesquelles, elle peut vivre dans son logement.
Pour cette soirée, nous avons pu compter sur la présence de Mr Dreuslin, responsable du service logement à Rennes métropole.
Il nous a expliqué de façon précise, tous les tenants et les aboutissants du logement sur le territoire de Rennes métropole. Notamment, il nous a explicité le Programme Local de l'Habitat (PLH) de Rennes Métropole.
Comme dans les autres métropoles françaises, Rennes est sur le plan du logement, en « tensions ». Sa population augmente, sans que globalement, l'offre de logement suive complètement. D'ailleurs, la population augmente plus vite que prévue. 5 800 habitants de plus alors que le PLH 2015-2020 prévoyait une augmentation de 4 000 habitants. Et la demande de logements sociaux ne tarit pas. (au 31 décembre 2018, 19 000 demandes pour 4 485 logements attribués). En outre, de moins en moins de personnes quitte le parc social.
Heureusement, à Rennes, il existe des dispositifs d'urgence, pour loger des personnes prioritaires, c'est-à-dire avec un risque élevé pour qu'elles se retrouvent à la rue (3 000 demandes en 2019).
Mais la question du logement revêt une dimension spécifique pour les personnes en troubles psychiques.
Mr Houée, directeur des services d'Espoir 35 nous a expliqué toutes les réalisations de l'association dans le domaine du logement inclusif.
Espoir 35 est une association très importante à Rennes. Elle a été créée en 1996 par des militants de l'UNAFAM, qui désespérés de ne trouver aucune solutions concrètes pour leurs enfants handicapés, ont créé des dispositifs, notamment dans le logement. Outre ce domaine, l'association propose des activités et l'accompagnement personnalisé pour ses bénéficiaires.
Pour 2020, dans les différentes structures, elle logera 83 personnes.
Et d'ailleurs, qu'est ce qu'il existe comme structures d'accueil, pour les personnes en situation de handicap psychique ?
La maison d'accueil spécialisé(MAS) :
Elles concernent les personnes lourdement handicapées, qui ont besoin d'un encadrement important (120 encadrants pour 100 bénéficiaires). Elle est financée par l'ARS et le conseil départemental.
Foyer d'accueil médicalisé(FAM) :
La structure s'adresse à des personnes un peu plus autonomes que la MAS, avec un encadrement un peu moindre (environ 110 encadrants pour 100 bénéficiaires). Elle est également financée par l'ARS et le conseil départemental.
Foyer de vie :
Elle convient à des individus plus autonomes que la MAS et le FAM mais qui sont handicapés dans la réalisation des actes essentiels de la vie quotidienne (hygiène, ménage, courses, etc...) et qui sont dans l'incapacité de travailler.
Résidence accueil :
C'est un habitat dit « inclusif ». En effet, la personne a son propre logement, mais partage avec d'autres, des parties communes. Elle profite aussi d'un accompagnement social, de soutien, pour mieux-vivre son logement. Pour en profiter, il n'est pas nécessaire d'avoir une orientation MDPH* en tant que telle, mais il faut une notification SAVS* ou SAMSA*.
Habitat groupé :
Cette structure correspond aux personnes ayant une autonomie certaine, mais qui ne sont pas encore prêts à assumer un logement indépendant. En fait, une association (comme Espoir 35) loue des appartements, qu'elle sous-loue à des bénéficiaires. Ils peuvent profiter d'espaces communs, de lieux « ressources », etc...
Comme pour la résidence accueil, pour être bénéficiaires, il faut une notification SAVS ou SAMSA de la MDPH.
Il faut donc réussir à trouver un logement, mais aussi créer les conditions pour que les personnes en troubles psy, puissent s'épanouir dans leur logement.
Heureusement, la majorité des malades psy ne rencontrent pas de problèmes significatifs pour rester dans un logement indépendant. Hormis les périodes de grosses crises (dépressions, fort repli sur soi-même, décompensations, etc...), ils arrivent à gérer leur habitat.
Cependant, d'autres personnes, plus fortement handicapées, ont besoin d'accompagnement et d'assistance.
Cela va de l'aide pour faire le ménage jusqu'à la présence d'accompagnants en permanence. Bien sûr, l'idéal est d'adapter les logements aux types de troubles.
En outre, il arrive souvent que les malades soient en conflit avec leurs parents. Si en plus, ils doivent rester dans le foyer parental, cela peut exacerber les tensions.
S'émanciper de ses parents, en ayant son propre logement, permet de se construire, de s'affirmer, de trouver son propre chemin, en toute dignité.
Même si à un moment donné, quand la maladie est trop forte, c'est une chance de pouvoir compter sur ses parents, il faut, quand cela est possible, retrouver des relations « normales », c'est à dire une « bonne distance » et une « juste proximité ». Bien sûr, cela dépend de l'histoire familiale et des valeurs attribuées à la famille.
Comme pour tout le monde, le logement est un droit inaliénable et nul ne devrait en être privé.
Mais il ne suffit pas d'avoir un logement pour aller bien.
Tout d'abord, le passage d'un habitat collectif (hôpital, foyer de vie, etc...) à un habitat individuel, peut être angoissant et déprimant. On est enfin libre, on ne subit plus les contraintes des règles et devoirs, mais on est face à soi-même, seul.
Il en va de même pour certaines personnes qui ont vécu à la rue, habituées à toujours avoir la compagnie des autres S-D-F, à vivre en bande, à souffrir d'une déchéance matériel mais à ne pas souffrir, forcément, de solitude.
Il faut aussi prendre en compte les caractéristiques des maladies psychotiques.
En effet, laisser une personne encore très fragile, seul dans un logement, peut engendrer des effets pervers, dû au trouble.
Par exemple, si elle souffre de schizophrénie paranoïde, elle peut croire que des micros, des caméras se trouvent dans son logement. Alors qu'elle était ravie d'accéder enfin à son propre petit nid, elle va, effrayée, le quitter et retourner dans la rue.
Dès lors, les politiques publiques et territoriales, pour être efficientes, doivent prendre en compte, toute la spécificité, la singularité, l'étrangeté des populations en troubles psychiques.
Elles doivent octroyer des logements, mais aussi accompagner les malades dans le processus du « vivre son logement ».
Au plus près du terrain, elles doivent armées-financièrement, médiatiquement, etc...-les associations, pour trouver des solutions sur-mesure, en évolution constante.
Sans soins et accompagnement social, une politique du logement en santé mentale, serait peu productive.
« Vivre ensemble », c'est respecter toutes les altérités, même les plus étranges.
C'est aussi adapter les différents dispositifs, en écoutant usagers, familles et professionnels.
L'intelligence est toujours collective.
*SAVS : service d'accompagnement à la vie sociale
*SAMSAH : service d'accompagnement médico-social pour adulte handicapé
*MDPH : maison départementale des personnes handicapées
*UNAFAM : union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques
L'I.M.E la maison des enfants au pays à Poligné
Un IME (institut médico-éducatif) est un établissement qui accueille des jeunes affectés de handicap psychiques ou mentaux. Cela va de la psychose aux troubles du spectre autistique, en passant très souvent, par des troubles du comportement et des déficiences.
Ces enfants et adolescents ne peuvent pas être accueillis dans les milieux dits « ordinaires ». En effet, ils nécessitent une prise en charge spécifique, adaptée à leur handicap.
On peut dire que la structure est dans la continuité de « l'école expérimentale de Bonneuil » fondé par le psychanalyste Maud Mannoni et les éducateurs y aillant travaillés, fondateurs du Centre de Guénouvry, Rose-Marie et Yves Guérin. En effet, l'IME accorde beaucoup d'importance à articuler le cas par cas et la vie du collectif.
L'IME la maison des enfants du pays nous a fait l'honneur de nous accueillir toute une journée, pour que nous puissions réaliser cet article.
L'IME fut fondé en 1981, par Christian Lucas, qui créa l'association « les enfants au pays ». C'est cette dernière qui gère l'établissement.
La structure se trouve dans une petite commune de 2000 habitants, Poligné, à 20 Km de Rennes.
Même si le village a de moins en moins de commerces et d'activités, l'IME s'efforce toujours de conserver des liens entre les habitants et les résidents. Toutes les semaines, les jeunes vont acheter leur pain à la boulangerie.
Les bâtiments de l'IME sont flambants neufs et d'une architecture très agréable. Les pièces sont spacieuses, colorées et pensées pour toutes les activités d'un IME. Une pièce pour les arts plastiques, une autre pour la musique, etc...
Une partie du bâtiment est consacré à l'internat. En effet, certains jeunes sont accueillis la journée et retournent le soir dans leur famille, à l'HP ou dans leur famille d'accueil. Sept autres dorment à l'IME. Ils ont leur propre chambre et ils partagent un salon (avec une grande télé), une salle à manger et différents sanitaires.
Dans l'enceinte de l'établissement, de nombreux espaces verts ponctuent le cadre. L'IME est entouré de champs de blé et par la forêt.
L'IME accueille une vingtaine de jeunes. Son personnel compte 30 personnes : une vingtaine d'éducateurs, un directeur, deux psychologues, un psychiatre, une « maîtresse de maison », une femme de ménage, un ouvrier, une secrétaire et une comptable...
A la rencontre de jeunes présentant des troubles complexes et singuliers, ils adoptent des méthodes éducatives qui partent du désir de la personne.
La maison des enfants du pays fait tout pour que le jeune gagne en autonomie, en construisant son propre chemin. Mais il ne s'agit pas d'une autonomie « libérale », ou chacun ne doit compter que sur lui-même, mais plutôt la recherche pour trouver sa propre place, avec l'aide des autres.
La question est donc : qu'est-ce qui, pour la personne, peut permettre de créer du lien ?
Les bizarreries, les petits délires ne sont pas à éradiquer. Non, ce qu'il faut, c'est susciter, avec beaucoup de patience, le désir de faire des activités, des tâches qui ont un sens pour une personne dont le handicap a pu « dérégler » le rapport à l'autre et au monde.
Inutile de dire que toute l'équipe de l'IME voit toujours du potentiel même chez les personnes les plus handicapées. Et d'ailleurs, si un jeune va mieux il peut travailler en ESAT (centres où les handicapés travaillent).
Donc, croire au potentiel de chacun et aussi croire qu'il reste une « raison », une partie saine dans les manifestations les plus étranges.
Au niveau thérapeutique, l'équipe pense que les jeunes ont tous un savoir sur eux- mêmes et que dès lors, il faut construire un savoir à deux, le jeune et le professionnel. Avec l'aide de l'adulte, le jeune invente ses propres solutions. Ce travail s’effectue également en s’appuyant sur le savoir des parents.
Au niveau des médicaments, le médecin psychiatre ajuste le traitement pour que la personne garde autant que possible ses capacités cognitives et puisse continuer à élaborer ses projets et conserve ses envies et ses émotions.
Un autre point aussi très important est la non-spécialisation du personnel.
En effet, un jeune n'adapte pas son comportement selon le statut professionnel d'un adulte.
Il est en contact avec toutes les personnes et personne ne peut dire vers qui il va créer une relation. Cela peut être l'éducateur, bien sûr, mais aussi la femme de ménage, la secrétaire ou encore le chauffeur, etc...
Alors que certaines institutions pourraient empêcher la relation (ce n'est pas votre rôle, chacun à sa place, etc...), à l'IME de Poligné on encourage toutes les inter-actions sociales. Plus on multiplie les possibilités d'entrer en relation, plus on multiplie les chances, pour le jeune, de créer une relation.
Mais travailler la relation demande des moyens, notamment en personnel.
En effet, même si des méthodes éducatives innovantes, des formations adéquates, des personnes expérimentées sont très importantes pour accueillir les jeunes, il est nécessaire que le personnel soit en nombre. Une personne très handicapée nécessite beaucoup d'attention et de disponibilité mentale.
Or, un éducateur qui serait trop isolé, par un manque de collègues, ne pourrait pas être attentif et vigilant aux fluctuations et autres acrimonies des jeunes.
C'est donc un travail d'équipe. Et plus, l'équipe est soudée, se parle, est cohérente et va dans le même sens, plus le travail éducatif et thérapeutique est efficace.
Car chaque structure a sa « micro culture ». Elle est composée de valeurs partagées, d'expérimentations commune, du sens donné au travail et d'un système de reconnaissance réciproque.
On observe à l'IME une « micro culture » faite de solidarité et de travail en commun. Les éducateurs se parlent beaucoup entre eux, de l'évolution des jeunes, des évènements et du cours des activités. La ténacité de toute l'équipe et de son directeur permet une prise en charge de qualité, respectueuse de la dignité de chaque personne.
L'IME s'efforce aussi de donner une existence sociale à tous les jeunes.
Par exemple, quand un jeune est intéressé par la réalisation d'une tâche, d'une petite mission, les encadrants peuvent lui faire signer une convention de stage.
En effet, les jeunes ont besoin, comme tout le monde, d'une reconnaissance sociale.
Donner un statut valorisant à une personne, c'est lui reconnaître une qualité, et même un peu, lui dire qu'il a une place dans la société.
Cette journée, passée à l'IME de la maison des enfants au Pays, nous a montrés que s'occuper de jeunes handicapés est un réel métier qui mobilise savoir-faire et surtout savoir-être. On pourrait même dire que c'est un art qui s'entretient. En effet, il n'existera jamais une science, un mode d'emploi, un protocole pour rentrer en relation avec des personnes, parfois si singulières.
A l'heure du tout libéral et des idéologies comptables, il faut réaffirmer que l'humanisme ne peut pas se limiter aux personnes conformes.
L'altérité et la vulnérabilité ne doivent pas nous faire peur, même si elle reflète nos propres angoisses.
Prendre soin des plus affaiblis, c'est penser que finalement, nul n'est si fort que ça.
Rennes, le 29/09/2019
Conférence SISM du 19 septembre 2019 avec Eric Verdier
Le collectif de la Semaine d'Information sur la Santé Mentale (SISM) de Rennes avait décidé de renouveler l'expérience de l'année dernière, en organisant une conférence, dans le but de lancer les évènements de la SISM de 2020.
Cette année, elle porte sur le thème : discriminations et santé mentale.
Nous avons donc invité « un spécialiste ».
En effet, Eric Verdier, psychologue communautaire, nous a fait l'honneur de venir parler des discriminations.
A vrai dire, Eric Verdier a suscité beaucoup de choses en nous.
Tout d'abord, parce qu'il est vraiment un « intellectuel engagé ». Il ne se contente pas d'élaborer des notions et des concepts, il allie action et recherche.
En plus, d'être responsable du pôle «discrimination, violence et santé» à la société d'entraide et d'action psychologique, il a mis en place avec d'autres, le dispositif «sentinelles et référents», qui a pour but de former et de sensibiliser des élèves aux problématiques du harcèlement scolaire, pour qu'ensuite, ils repèrent et signalent des camarades en situation de bouc-émissaires. Ainsi, Eric Verdier met en pratique ses idées, en essayant dans les lieux publics (écoles, bar -tabac etc...) de responsabiliser les personnes pour endiguer les phénomènes de discrimination et de bouc émissaire.
Et pour ce faire, avec d'autres, il a élaboré tout un paradigme sur les discriminations.
Sa démarche est particulière, puisqu'elle se base sur la psychologie communautaire.
Quèsaco ?
En fait, il s'agit d'une posture, d'une pratique qui veut associer toutes les personnes-usagers, professionnels, entourages, militants associatifs- d'un champ, en partant du principe que nul n'a la science infuse, pas même les plus grands professeurs. Non, il faut que chacun apporte sa pierre à l'édifice, en co-construisant des savoirs et en évitant tous les clivages de statuts.
Pour évoquer le travail d'Eric Verdier, on peut partir des 3 postures : Le bouc-émissaire, le pervers et le normo-pathe.
Le bouc-émissaire est celui qui subit le harcèlement, les violences.
Le pervers est celui qui « attaque », qui humilie et qui harcèle. Il prend du plaisir, on pourrait même dire de la jouissance, à faire du mal aux autres.
Mais à cette dualité, le psychologue, en ajoute une 3ième : le normo-pathe.
Il cite la célèbre phrase d'Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».
Donc, celui qui voit et se tait est aussi responsable que celui qui harcèle. Oui, il est complice de la violence et il doit être inquiété, culpabilisé :
-Tu aimerais bien qu'on fasse ça à ton petit frère ?
-ect...
Donc, pour Eric Verdier, on pourrait dire que les moutons sont aussi responsables que le loup...
Une autre force de l'analyse du psychologue communautaire, c'est l'étude des processus.
Notamment, celui qui conduit une victime, un discriminé à retourner la violence contre lui-même.
Cela peut paraître un comble. Pour le comprendre, Eric Verdier utilise le concept d'intériorisation.
C'est le fait de recevoir une étiquette et d'en faire son statut social principal. Au lieu de combattre cette étiquette, en la voyant comme arbitraire et non fondé, on va l'intérioriser, en la faisant sienne. En s'auto-désignant comme un être à part.
Et imaginez vous, qu'est ce que ca peut avoir comme conséquences pour la santé mentale, si un être humain arrive à la conclusion, qu'il est une erreur.
Et bien à coup sûr, vous allez vous penser comme anormal, comme non-humain. Dès lors, vous pouvez vous dévaloriser et vous détester et être assaillis, sûrement, de doutes et de culpabilité.
Cela peut même conduire, à l'apparition de pathologies mentales. (dépressions, troubles obsessionnels compulsifs, etc...)
Les discriminations ne sont pas des phénomènes inévitables et il est faux de dire qu'elles sont inhérentes à tout type de sociétés. Plus une société est inégalitaire et véhicule des dominations, plus elle est susceptible de générer ce type de violences. On ne nait pas harceleur, on le devient. Et c'est bien la socialisation des personnes, ce long processus de conditionnement social, qui conduit à des codes et des références d'exclusion, propices à une légitimation
d'êtres supérieurs ou inférieurs.
Dès lors, il semble essentiel, pour toute politique de promotion de la santé, de comprendre et de lutter contre les phénomènes de discriminations et de bouc-émissaires.
Même si ces tragédies ont lieu dans toutes les sphères de la société, il apparait prioritaire d'agir au niveau de l'école, des collèges et des lycées.
Il faut multiplier les initiatives, tel que « Sentinelles et référents ». Plus largement, il faudrait un plan, pour toute l'éducation nationale, pour sensibiliser les personnels, les adultes, aux ravages, aux fléaux de toutes les formes de discrimination.
Le phénomène n'est pas un problème de chamailleries entre enfants ou d'histoires personnelles, mais bel et bien un problème collectif, un problème d'organisation des relations humaines, du vivre ensemble.
Fête du Centre Hospitalier Guillaume Régnier(CHGR)
du 24 Mai 2019
Un hôpital psychiatrique n'est pas qu'un lieu d'enfermement et il s'y passe plein de choses.
N'en déplaise à un dernier documentaire télévisé-dont je tairai le nom- tout ne va pas mal au CHGR.
Des patients et des professionnels s'engagent-via un comité interassociatif- pour faire vivre des évènements culturels et festifs au sein même de l'établissement.
Ensemble, ils ont construit, élaboré et organisé une fête sur le terrain de foot-ball.
Lors de cette fête, chaque structure (associations, CATTP, etc...) avait son stand. Ils ont vendu de petits objets et diverses créations à petits prix. Toutes ces réalisations sont l'oeuvre des patients. Que ce soit une création florale, une chaise réparée, une poterie, une sculpture, un tricot, tout cela prouve la créativité et la perspicacité des usagers en santé mentale.
Et quand des soignants croient au potentiel des soignés, valorisent leur singularité et font preuve de sollicitude, on réalise des évènements, avec eux ...et pour eux !
En plus, pour vraiment pas cher, on a pu manger des frites et des galettes saucisses !
Mais pas de fête sans concert.
Cette année, les organisateurs ont mis le paquet. Ils ont invité une « star » de l'interprétation de la variété française et internationale : « Costic »
Lui et ses danseuses ont mis le feu à l'hôpital.
Le chanteur, se travestissant pour chaque interprétation, a bluffé toute l'assistance, tant ses imitations étaient justes et spectaculaires.
Nous n'étions plus à l'HP, mais dans un concert ressemblant à n'importe qu'elle autre concert.
Il est certain que pour tous les patients et notamment pour ceux qui ont du retourner dans leur unité après l'évènement, la fête du CHGR fût une bouffée d'oxygène de vie sociale et de convivialité.
Surtout, nous invitons les médias-notamment les grandes chaînes de télévision-à sortir de leurs approches souvent trop négatives, pour venir voir et parler, du mouvement, des réalisations de tous ceux, soignants et soignés, qui veulent une vie sociale et culturelle, à l'intérieur même de la psychiatrie.
30e semaine d'information sur la santé mentale
à Rennes du 16 Mars au 5 Avril 2019
santé mentale à l'ère du numérique
Cette année, la Semaine d'Information sur la Santé Mentale, la SISM, portait donc sur le rapport entre santé mentale et numérique.
Le numérique envahit nos vies et il a un impact majeur sur notre santé mentale. Il est source d'inquiétudes, d'espoirs et d'interrogations.
Le numérique peut-il devenir une addiction ?
Peut-il aider les personnes en souffrance mentale ?
Dois-je laisser mon jeune enfant tout seul avec une tablette ?
Etc …
Le forum
Cette année, le forum fut de retour sur la place de la mairie. Symboliquement, cela montre, qu'à Rennes, la santé mentale, sujet toujours aussi tabou, a le droit de cité. En outre, cela a permis de « capter » beaucoup plus de monde.
Tout au long de la journée, les bénévoles et membres du collectif de la SISM, n'ont pas arrêté d'aller vers les gens, pour leur présenter le programme de la SISM.
En outre, diverses animations eurent lieu.
Un petit film, « le cosmos mental », fait par Psycom, fût l'occasion de parler de santé mentale et de questionner les gens sur les conditions d'une « bonne santé mentale ».
Des panneaux étaient installés sous la tente. Ils ont interpellé les passants sur des déclarations pétris de préjugés sur les troubles psychiques. Ils étaient accompagnés de réponses, factuels, déconstruisant les préjugés.
Le public pouvait aussi s'essayer à des jeux collaboratifs, organisé par l'association « 3 hit combo » .
Mais comment toucher plus de personnes ?
Notre arme fut l'association Psycomédie. Ainsi, deux comédiens de talents ont offert des œufs aux chocolats aux passants. A l'intérieur, un thème sur la santé mentale, que les deux « troubadours » ont transformé en petites scènettes. Puis échanges sur des questions de santé mentale et invitations à s'intéresser à la SISM.
Ce fut aussi l'occasion, avec tous nos flyers et documents, de présenter toutes les structures de Rennes.
Et pour tous les acteurs en santé mentale, c'est aussi le moment de se voir et de se revoir, d'avoir des nouvelles, d'échanger sur les évènements à venir.
au cinéma
Après ce moment « militant », nous somme allés, à 20 h, voir le film « her » au TNB.
Ce film d'anticipation, réalisé par Spike Jonze, nous montre une société où on ne vit quasiment plus avec les êtres humains, mais avec des oreillettes qui font à peu prêt toutes les tâches de communication (envoi de mails par voix vocale, etc...)
Le protagoniste installe un nouveau logiciel « intelligent » qui apprend tout seul et devient autonome.
Cet être humain va donc tomber amoureux de ce logiciel, donc de son ordinateur et vivre une histoire d'amour avec lui...
Ce qui est frappant dans ce film, c'est qu'on a l'impression que tout le monde vit dans sa bulle.
Rien à voir avec aujourd'hui ?
Et bien, si l'on observe les gens dans le métro, dans une salle d'attente, ou sur un banc public, on peut dire que c'est déjà presque le cas.
En effet, les gens qui ne décrochent pas de leur smartphone-on ne voit plus leur visage-sont tout le temps ailleurs, de moins en moins en intrer-actions avec les personnes physiquement présentes.
La téléconsultation
Le lundi 18 Mars, à la maison des associations, eût lieu une conférence-débat intitulée : « Les enjeux de la consultation : apports et limites »
Nous avons parlé de cette opportunité, qu'est la possibilité d'avoir une consultation médicale via la visioconférence.
Pour en débattre de façon concrète, le docteur Fanny Jacq, fondatrice de la plateforme Doctoconsult, a animé la soirée.
Bien sûr, comme souvent quand on parle de nouvelles technologies, beaucoup de fantasmes peuvent s'agiter.
Mais on peut légitimement avoir peur d'une chose : la téléconsultation peut-elle supplanter la consultation physique classique ?
Le docteur Fanny Jacq nous a expliqué que la téléconsultation était un outil complémentaire à la psychiatrie de visu.
En effet, dans certains cas, la visioconférence peut pallier des carences.
Dans un monde où l'on voyage de plus en plus et où l'on part s'installer à l'étranger de plus en plus, la téléconsultation permet de ne plus rompre la relation avec son psy.
En effet, si vous avez réussi à construire avec votre thérapeute, une « bonne relation » , il serait dommage de la rompre, en rechignant à la téléconsultation.
Les autres arguments sont liés à l'organisation des soins en psychiatrie en France.